Viv(r)e la recherche se propose de rassembler des témoignages, réflexions et propositions sur la recherche, le développement, l'innovation et la culture



Rechercher dans ce blog

lundi 10 novembre 2014

Ipergay : Que fait le Comité National d’Ethique ?


L’essai Ipergay (Intervention préventive de l’exposition aux risques avec et pour les gays) vise à tester l’efficacité d’un traitement antiviral par le Truvada en préventif. L’essai qui a démarré il y a deux ans s’adresse à des hommes homosexuels ayant un comportement à risques. La personne doit prendre des comprimés avant et après un rapport sexuel à risques. L’essai a démarré il y a deux ans sur quatre cent personnes. Il comporta un bras placebo. Fin octobre 2014, des résultats partiels ont montré une réduction des contaminations de plus de 80%. L’étude a été arrêtée en tant que telle en ce que concerne le placebo.

Je pense résumer ici honnêtement la position des autorités françaises, de l’agence du médicament (ANSM), du Pr Delfraissy, directeur de l’ANRS (Agence Nationale de Recherche contre le Sida)  et de l’association Aides qui a soutenu l’étude: 1%) Il y a 200 fois plus de nouvelles contaminations par le VIH chez les gays que chez les hétérosexuels, et un nombre non négligeables d’homosexuels ont soit occasionnellement soit très souvent des rapports non protégés. 2) lorsque qu’une personne a pris le risque d’un rapport non protégé, il faut dans son intérêt et dans celui de la société lui proposer un traitement 3) L’efficacité de ce traitement doit être évaluée selon les règles habituelles.

Pour autant, cela me semble poser un certain nombre de problèmes graves :

1) lorsqu’une personne a eu un rapport non protégé, estimé à risque, il  est de bonne pratique médicale et humaine de lui proposer ou qu’elle-même demande, suite à une estimation du bénéfice risques un traitement antiviral. L’efficacité de tels traitements préventifs du sida, mais après risque de contamination est connue, validée, mesurée - elle se pose aussi pour le personnel médical lors de contaminations accidentelles.

Mais c’est une toute autre chose que d’encourager à des rapports non  protégés en proposant de prendre un anti-viral avant. La question de savoir si cette étude devait être faite se pose réellement.

2) En ce qui concerne les partenaires des  personnes participant à l’étude et prenant un traitement, les instigateurs du traitement ne peuvent-ils pas être considérés comme coupables d’encouragement à  une mise en danger de la vie d’autrui ?

3) En ce qui concerne les personnes participant  à l’étude dans le bras placebo, les instigateurs de l’étude ne peuvent-ils pas être considérés comme coupables de mise en danger directe de la vie d’autrui ?

4)  l’existence même de l’étude et, plus encore, la publication des résultats, constitue un risque considérable de brouillage de la seule prévention efficace, le préservatif. Le coordinateur de l’essai Ipergay, le Pr Molina a eu la prudence d’affirmer «  Nous n’avons pas encore de réponses sur l’acceptabilité de ce régime. Car il faut non seulement prendre le médicament, mais le prendre au bon moment. Ces modalités ne sont pas simples et ont nécessité beaucoup d’explications auprès des participants » (Le Monde, 29 oct 14). Ce qui signifie en passant que la réduction des contaminations de 80% est surévaluée, car obtenue dans un contexte très contraint, non représentatif de la réalité.

5) On voit bien l‘intérêt de certaines firmes pharmaceutiques à  proposer le remplacement de l’utilisation du préservatif par un traitement antiviral dit préventif (et on prend bien soin de confondre ici  deux choses, préventif du sida une fois un risque pris, et préventif comme l’est le préservatif). Mais on comprend plus mal, beaucoup plus mal, l’intérêt des « patients » et de la société, puisque le traitement préventif antiviral n’est pas dénué d’effets secondaires, impose des contraintes plus fortes que le préservatif, et possède une efficacité moindre.

Si l’association Aides a soutenu l’étude et a aidé à sa mise en place, d’autres représentants de la communauté homosexuelle sont nettement plus critiques. Stéphane Minouflet, membre de l’Association de suivi et d’information des gays sur la prévention  a estimé « La science n’est pas une roulette russe et les gays ne sont pas de la chair à canon…Et il faut penser au-delà de cet essai. Il est évident que si le Truvada est concluant, les gens ne prendront jamais la capote et le médicament. Ce sera l’un ou l’autre, ce qui représente un risque de contamination supplémentaire [pour les infections sexuellement transmissibles ». D’autre part, le médicament n’est pas dénué d’effets secondaires : atteintes rénales, baisse de la densité osseuse, nausées, vomissements, diarrhées, problèmes neuropsychologiques, problèmes de sommeil, perte de plus de 5% du poids corporel… »

Face à la gravité de ces questions, on demeure confondu que cette étude ait été réalisée sans avis du Conseil Consultatif National d’Ethique, sans réflexion éthique et sur ses implications, simplement par accord entre une association homosexuelle et le directeur de l’ ANRS, qui devrait quand même répondre à certaines question .Au surplus, la lutte contre le Sida et le Sida lui-même ne concernent pas que les homosexuels, même si ce sont les plus touchés. Et au-delà du Sida, il y a la recrudescence des infections sexuellement transmissibles, des stérilités pour les femmes, avec certaines souches qui commencent à devenir résistantes à la plupart des antibiotiques…
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentaires

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.