Bon vent puisque c’est le choix
que vous avez fait, et qui m’a je l’avoue un peu surpris. Mais il semble que
vous n’ayez jamais ressenti qu’il vaut mieux préférer nos voisins à nos
lointains, qu’il existe une communauté de culture, de sentiment, d’histoire, de
destin entre les pays européens et que faute d’une politique européenne aussi
cohérente que possible dans les domaines économiques, sociaux,
environnementaux, des relations extérieures, de la politique industrielle, alors
nous serons inéluctablement condamnés au
déclin et dominés par les empires chinois ou américains. Il semble que vous n’ayez jamais ressenti,
au-delà de nos différences, la nécessité d’une solidarité européenne et même d’une
certaine amitié, et que vous en en soyez resté à l’adage de Thatcher : I
want my monney back. Ce n’était pas précisément le langage de Churchill.
A ce propos, il me semble que le
parti conservateur, depuis des années, a trahi ce qui faisait sa grandeur,
passant d’une politique noble et visionnaire à une politique de boutiquiers
bavards et acariâtres ; et que pareillement, le parti travailliste a trahi
ce qui faisait son ADN, le progrès social, ses
lien privilégié avec les syndicats et les salariés pour une fascination
pour la mirobolante grande finance ; et ce n’est pas seulement chez vous
que cela se produit, avec les même résultats : une vague de colère et
d’extrémisme qui menace de toute emporter. Bienvenue donc dans un monde pour
lequel vous aviez un léger mépris, le monde, disons latin, des pays
ingouvernables; car enfin, il me semble que ce que vous avez rejeté, c’est
une dérive ultralibérale générant des inégalités que vous n’acceptez plus…
alors que ce sont vos hommes politiques, ceux que vous élisez, qui ont le plus
manœuvré pour imposer ce type de politique à l’Europe ; et que ceux qui
ont mené le combat pour le Brexit sont parmi les plus libéraux et les plus représentatifs de la finance
internationale. Vous comptez vraiment sur Farage et sur Boris Johnson pour
sauver le NHS et lutter contre les inégalités ? Et contrairement à ce
qu’écrit le chroniqueur libéral Leparmentier dans le Monde 28 juin, il semble que
les Anglais aient bien repoussé l’Europe libérale qu’ils ont tant contribué à
façonner. Et c’est aussi étrangement une politique d’immigration, vos hommes politiques ont encouragé au-delà de
ce que l’Europe réclamait.
Au surplus, tous deux, Johnson et
Farage, et ils sont bien obligés de le reconnaître, ont menti, menti et encore
menti lors de cette campagne (c’est assez amusant, en Hongrie, ce type
d’aveu juste après une élection gagnée a mené à la destruction complète du
parti socialiste en moins d’un mois). Reste que les pro-européens ne peuvent
s’exonérer de leur responsabilité. Parce qu’ils ont l’Europe honteuse, parce
qu’ils semblent incapable de défendre leurs idées avec charisme, de montrer un
avenir, un destin, une perspective historique, un espoir, ils n’ont pas même su
dénoncer le tsunami des mensonges et encore moins entrainer qui que ce soit. Le
plus inquiétant, c’est que ce n’est pas seulement chez vous. Nous allons devoir sérieusement
travailler. Et il faudra aussi bien traiter très sérieusement le problème de l’immigration,
dont il est clair que les peuples européens veulent la limitation.
J’espère que le vent peu
rassurant qui se lève ne tournera pas en tempête, et que les dirigeants
européens sauront saisir l’occasion, ou plutôt, se montreront à la hauteur du
devoir qui s’impose maintenant à eux, de relancer sur d’autres bases la
construction européenne. En attendant « in is in and out is out », et
les accords que nous pourrons maintenir devront l’être, non pas dans un désir
punitif, non, car j ‘espère qu’un jour nous nous retrouverons, mais dans la
plus stricte réciprocité. Pour commencer, il n’y a plus aucune raison que la
frontière anglaise soit à Calais ; les habitants – les bourgeois- de
Calais ont déjà trop donné – ça fait aussi partie de la culture commune que
nous partageons. Il serait assez compréhensible que l’Irlande, qui s’habituait
à la paix et à la réunification par la politique de tous les jours, refuse de
voir une frontière la séparer à nouveau et passe enfin à une réunification
institutionnelle ; l’Europe ne peut que souhaiter accueillir une Irlande
réunifiée de même qu’elle ne peut qu’accueillir fraternellement l’Ecosse
(Edimbourg, source intense des lumières européennes !) si celle-ci le
souhaite.
En attendant que nous nous
retrouvions tous ! Et si Cameron avait l’ honnêteté, le courage, la vista,
le sens politique des grands hommes d’Etat ou même d’un Victor Orban (cf plus
haut), il provoquerait des élections générales et se battrait meeting après
meeting comme un chien, pour dénoncer
les mensonges des partisans du Brexit retrouver une légitimité politique et
annuler le referendum.
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