SImondon m’était
conté (2)
Simondon se donnait pour but de penser
l’homme avec la technique, comme quelque chose qui lui appartient, image d’une
individualité ouverte et insistait : la mentalité technique est une
mentalité ouverte. Parmi les quelques philosophes modernes qui poursuivent sur
sa lancée, citons Pascal Chabot, d’ailleurs auteur de La philosophie de Simondon (Vrin, 2003) et d’un film sur lui. Les ligne
suivantes sont extraites d’un autre de ses ouvrages, Les philosophes et la technique, Vrin 2003 :
« Beaucoup de philosophes
portent un jugement critique sur le développement des technologies, la
technicisation du monde a des conséquences négatives, elle serait en partie
responsable des guerres modernes(Bergson), de la venue de l’Antéchrist (Schmidt),
du développement de la société de masse (Ortega y Gasset) ou du nihilisme
(Heidegger). D’autres y voient un facteur qui accentue l’incompréhension de l’autre
(Gadamer), le déclin de la culture (Arendt), la violence (Brun) ou encore la
servitude humaine (Jonas). Si tant d’esprits profonds, qui par ailleurs
professent des opinions politiques ou religieuses diverses, s’accordent pour
imputer à la technique une responsabilité dans certains des maux récents, c’est
qu’elle est au centre du problème. Mais à quel titre ? La technique n’est
pas un sujet de droit, elle ne peut être citée à comparaitre. Elle est un nom
générique qui couvre des activités multiples, depuis la construction des routes
jusqu’aux manipulations de la vie, en passant par la microchirurgie de pointe
et les technologies de destruction. Les
expressions sont donc floues… La technique représente tant d’activités
différentes … Et les maux qu’on lui reproche sont si nombreux. .. Ne serait-ce
pas alors une cabale réactionnaire que certains philosophes organisent contre
le progrès. Ne projetteraient-ils pas sur la technique le malaise d’une civilisation ?
N’en feraient-ils pas un bouc émissaire d’autant plus commode qu’il est
silencieux ? Peut-être, mais ce serait alors la première fois dans l’histoire
qu’au lieu de rejeter le bouc émissaire dans le désert ou de le précipiter d’une
falaise, on le garde si près de soi et on le sollicite tant. Il ne s’agirait
plus alors d’un rite expiatoire, mais d’une situation paradoxale.
Renouveau du dialogue
Signe du renouveau d’un dialogue
fécond, hors des anathèmes, entre technique et philosophie ? Une des dernières
émissions Répliques (juin 2016) de M.
Finkielkraut, invitant Luc Ferry pour son ouvrage tout juste paru, La révolution transhumaniste (Plon 2016) et Michel Onfray. L’un et l’autre
discutent régulièrement avec des scientifiques et se donnent la peine de se
tenir au courant des avancées scientifiques - il semble même que pour son ouvrage, M. Ferry
se soit astreint à une sérieuse mise à niveau en biologie. S’efforçant de
distinguer entre humanisme, transhumanisme et posthumanisme, loin des
anathèmes, il montre comment certains des aspects des projets transhumanistes
qui visent non plus à seulement soigner l’homme, mais à l’améliorer, sans pour
autant créer un surhomme « posthumain » peuvent se concilier avec la
tradition humaniste. Ainsi, il s’agit bien, après avoir lutté contre les
inégalités de statut social ( castes, esclavage,noblesse), puis les inégalités
dues à la richesse( c’est pas encore tout à fait réglé), de lutter contre une injustice
peut-être plus grande encore, celle de la loterie génétique et de remédier à
ses défauts les plus évidents (maladies génétiques), en préservant la diversité,
et en évitant de créer une société de
clones comme celle que décrivit Huxley. Le projet transhumaniste d’étendre la
vie humaine (entendons la vie humaine en parfaite santé- on y arrive déjà pour
des souris jusqu’à un âge correspondant environ à 150 ans chez l’homme) lui
parait ainsi acceptable et prometteur, enrichissant les sociétés humaines d’une
meilleur conciliation entre la jeunesse et l’expérience. Beaucoup moins rassurants sont d’autres
projets (par exemple une vision artificielle) qui, au départ conçus pour
guérir, pourraient facilement et (presque inévitablement ?) dériver en
projet d’hommes « augmentés » et en lutte insane et mortifère suscités
par les compétitions entre Etats (compétition guerrière) ou entre individus
(ultra libéralisme) pour l’obtention du surhomme (du transhomme) le plus fort. Bref
une réflexion intéressante, qui apporte beaucoup de question, peu de réponses,
me semble-t-il. Une possible : la religion positiviste d’Auguste Comte
et son clergé de savant et de philosophes chargé des intérêts collectifs de l’Humanité ?
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