Mise en cause du CIRC (IARC) plus que du glyphosate ?
En prolongeant l’autorisation
du glyphosate pour une période limitée, jusqu’à ce que l’Agence européenne des
produits chimiques publie son avis, au plus tard à la fin de 2017, la
Commission Européenne n’a pas vraiment tranché et a pris une solution d’attente
rationnelle. Mais le débat a pris un tour inquiétant avec l’intense campagne demandant le retrait du
glyphosate (le principe actif du round-up). Depuis des mois, certains environnementalistes
affirment qu’il est cancérigène, s’appuyant
sur un rapport du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer, IARC
in English), organisation liée à l’OMS, qui l’a classé comme « probablement
cancérigène ». Or, cette classification me parait mettre davantage en cause
le CIRC ses méthodes, son éthique et son irresponsabilité que le glyphosate
lui-même.
- D’abord, les autres agences de l’OMS ne partage l’analyse du CIRC. L’international
Program on Chemical Safety, les Guidelines for drinking water quality, le Core
assesment group de l’Organisation Mondiale de la santé sont en désaccord avec
le CIRC. Ainsi que toutes les autres agences de sécurité dans le monde, en
particulier l’Agence Européenne.
- Dans le dossier du glyphosate, le CIRC a pris comme seul expert extérieur
un certain Christopher Portier, statisticien et non toxicologue, travaillant pour une association de défense de
l’environnement et menant depuis longtemps une campagne contre le glyphosate.
Cet engagement n’a pas été signalé parmi les conflits d’intérêts potentiels
dans le rapport du CIRC. Le CIRC et Portier ont ensuite mené une campagne
intense auprès des instances européennes, des politiques et des media pour
déconsidérer tous les experts et les rapports qui ne s’accordaient pas avec
leurs conclusions (c’est-à-dire tous les autres).
Ces méthodes, qui ne sont pas des méthodes de débat de bonne foi et même rendent impossible
tout débat scientifique, ont à juste titre irrité l'Institut fédéral allemand d'évaluation des
risques (BfR) – le rapporteur de l'UE pour le glyphosate :
« Le BfR a compilé la base de données toxicologiques la plus complète,
probablement du monde entier, pour le glyphosate. Cette base de données
comprend des centaines d'études qui ont été effectuées par les nombreux
fabricants de glyphosate ou pour leur compte, et des milliers de références de
la littérature ouverte. Cette énorme quantité de données fait que le glyphosate
est presque unique parmi les matières actives de produits phytopharmaceutiques.
Le BfR estime que toute la base de données doit être prise en compte pour
l'évaluation toxicologique et l'évaluation des risques d'une substance, et non
pas seulement une sélection plus ou moins arbitraire d'études. [...] La
nouvelle classification du CIRC du glyphosate comme substance cancérogène
repose d'abord sur des "preuves limitées" chez l'homme. Ce risque
résulte de trois études épidémiologiques aux États-Unis, au Canada et en Suède
et se fonde sur une corrélation statistique entre l'exposition au glyphosate et
un risque accru de lymphome non hodgkinien. Cependant, cette évaluation n'a pas
été confirmée dans la très grande cohorte de la "Agricultural Health
Study", également citée, ni dans d'autres études. »
À la suite d'un deuxième mandat de la Commission européenne d'examiner
les conclusions de l'Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC) en
ce qui concerne la cancérogénicité potentielle du glyphosate ou de produits
phytopharmaceutiques contenant du glyphosate dans le cadre du réexamen par les
pairs en cours de la matière active, l'EFSA a conclu qu'il est improbable que
le glyphosate présente un danger cancérogène pour l'homme et que les éléments
de preuve n'étayent pas le classement du point de vue de son potentiel
cancérogène selon le règlement (CE) No 1272/2008. »
Des gens qui n'ont pas contribué aux travaux, qui n'ont
vraisemblablement pas vu les preuves, qui n'ont pas eu le temps d'entrer dans
le détail, qui ne sont pas impliqués dans le processus, ont signé une lettre de
soutien.
Je suis désolé de le dire, mais pour moi, avec cette lettre, vous
quittez le domaine de la science, vous entrez dans le domaine du lobbying et
des campagnes ('campaigning'), et ce n’est pas la façon dont l’EFSA travaille.
Pour moi, ceci est le signe que nous entrons dans l’âge Facebook de la science.
Vous avez une évaluation scientifique, vous la mettez sur Facebook et vous
comptez combien de personnes 'aiment'. Pour nous, ce n’est pas un progrès.
Nous, nous produisons une opinion scientifique, nous la défendons, mais nous
n’avons pas à prendre en compte si c’est aimé ou pas. »
La condamnation des méthodes et pratiques du CIRC est dépourvue de
toute ambigüité. Pour autant, la position de l’EFSA serait plus solide,
beaucoup plus solide, si on en venait à ce qu’a demandé le Commissaire Européen
à la Santé et qu’ont refusé, au nom du secret industriels, les fabricants,
appuyés par une décision de l’Union Européenne ( demandez-vous pourquoi on aime
l’Europe !) :la publication des études industrielles sur lesquelles s’est,
entre autre, appuyé l’EFSA. C’est une position qui n’est plus tenable, et, en
matière de santé et d’environnement, les industriels devraient être tenus à
publier les études qui justifient leurs allégations, comme les firmes pharmaceutiques
ont fini par accepter de publier les données de tous les essais cliniques,
positifs ou non. Il est vrai qu’ils ont
accepté que ces études soient consultables en un lieu donné, sans possibilité d’enregistrer
ou de copier les documents. C’est évidemment insuffisant, et ils ne pourront reconquérir
une crédibilité nécessaire qu’en publiant et soumettant librement leurs données
à la critique de tous les experts.
Le CIRC, une agnce en manque de publicité
Derrière cela se joue la reconnaissance scientifique du CIRC qui est
le seul, parmi toutes les agences à ne pas s’appuyer sur des estimations de risques
comprenant le risque intrinsèque et l’exposition. Ainsi le CIRC a aussi déclaré
classe la viande rouge et les boissons chaudes comme cancérogènes possibles, comme le
glyphosate et les saucisses (les charcuteries) comme cancérigènes certains –
donc plus dangereux que le glyphosate. Or le CIRC a en parallèle bien indiqué
que ceci ne voulait pas dire qu’il fallait interdire les saucisses, mais qu’il
fallait simplement avoir une alimentation équilibrée ! Si l’on suit le
même raisonnement, cela signifie qu’il ne faut pas interdire le glyphosate,
mais l’utiliser de manière équilibrée. Et là, on sera d’accord.
En fait, le CIRC semble se spécialiser dans les déclarations
provocatrices et sensationnalistes, qui de fait, se révèlent nuisibles. Son
avis sur le caractère cancérigène des boissons chaudes lui a valu une sévère
mise en garde de sa tutelle : « Le cancer de l’œsophage est le
huitième cancer le plus fréquent dans le monde et l’une des principales causes
de décès par cancer ». Il invite le CIRC à se concentrer sur « les
facteurs pour lesquels il existe des preuves bien établies de leur rôle causal
dans le cancer de l’œsophage et d’autres localisations. »
La santé et singulièrement l’évaluation du caractère cancérigène des
composés de notre environnement méritent en effet d’être pris au sérieux, ainsi que les enjeux
qui peuvent en résulter – dans le cas du glyphosate, les effets sur l’agriculture,
et aussi sur les agriculteurs s’ils le remplacent par des herbicides plus
toxiques. Le glyphosate semble bien rester l’un des plus efficaces et l’un des
moins toxiques des herbicides Il faudra que
l’OMS se penche de près sur l‘évaluation scientifique et déontologique du CIRC (IARC)
Le centre d’étude biologique de Chize
Pour terminer sur une note plus positive, il existe, et en France, des
organismes peu connus qui font un travail formidable en matière d’évaluation
des pratiques agricoles. Ainsi, le centre d’études biologiques de Chize
(CNRS/Université de la Rochelle) peut mener des études associant étroitement
chercheurs et agriculteurs sur un domaine de plus de 450km2 et compte plus de
400 exploitations agricoles, 15.000 parcelles avec des pratiques très diverses.
Ces expérimentations en conditions réelles, en plein champ, permettent d’obtenir
des résultats parfois assez différents de ceux menés en parcelles isolées. Ainsi,
il semble que les quantités d’engrais azotés et herbicides peuvent être diminuées
par deux sans diminuer les rendements : la raison : il s’agit d’un
équilibre à trouver entre l’engrais, qui profite même aux adventices tandis que
les herbicides à hautes doses détruisent davantage les adventices rares et peu
gênantes que les plus communes, plus préjudiciables aux cultures ; des effets
difficiles à montrer sur des champs isolés. Ainsi peut se mettre en place une
agriculture raisonnée, appuyée sur des études scientifiques et la collaboration
des agriculteurs qui, sans renoncer aux herbicides, en diminuera les inconvénients.
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