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vendredi 16 septembre 2016

La laïcité positiviste, ou la laïcité pour les nuls

La laïcité comme libération : Dieu n’est plus d’ordre public

Les gazettes étant remplies des clameurs indignées de donneurs de leçons sur la laïcité au faux nez théologique assez apparent, l’un des derniers exemples en date étant Chantal Delsol (Le Figaro, 26/08/2016 : « la fameuse laïcité française n'est rien d'autre que l'obligation de taire sa religion…la fameuse tolérance française des Droits de l'homme, ne s'applique finalement qu'à ceux qui nous ressemblent en tous points… étrange tolérance! Personnellement je trouve insensé qu'on interdise à ces femmes de se baigner dans leur tenue traditionnelle (sic !) », il me semble utile de rappeler la conception positiviste de la laïcité – c’est un courant de pensée qui a tout de même joué un rôle non négligeable dans l’instauration de la séparation des Eglises et de l’Etat en France.
La laïcité repose sur le principe de la séparation des pouvoirs temporels et spirituels, critère positiviste antitotalitaire puisque la confusion des deux ne peut que mener à une dictature « où il n’y pas d’alternative entre la soumission la plus abjecte et la révolte directe » (Auguste Comte). En pratique, elle a été résumée par le slogan suivant de Pierre Laffitte : « Dieu n’est plus d’ordre public ». D’autre part, aucune société, pensait Comte, ne peut vivre sans une « doctrine sociale commune » : « Dans une population où le concours indispensable des individus à l’ordre public ne peut plus être déterminé par l’assentiment volontaire et moral accordé par chacun à une doctrine sociale commune, il ne reste d’autre expédient, pour maintenir une harmonie quelconque, que la triste alternative de la force ou de la corruption ». Enfin, la laïcité s’inscrit dans le grand mouvement d’émancipation théologique de l’Humanité, dans un programme d’abord empiriquement suivi au cours de l’évolution intellectuelle de l’humanité,  puis clairement revendiqué par les Lumières françaises : après avoir été chassé de l’astronomie (l’Antiquité Grecque), de la Physique (de Galilée à Laplace), de la Chimie (de Lavoisier à Pasteur), de la Biologie (Darwin), Dieu est maintenant privé de tout rôle dans l’organisation des sociétés (la sociologie d’Auguste Comte).

La laïcité n’est pas la neutralité

 La laïcité n’est pas la neutralité.  L’Etat laïc ne peut pas être neutre lorsque les religions, en dehors de leurs temples, églises, mosquées, veulent, ouvertement ou non, reprendre  le contrôle de l’espace public et se placent en contradiction avec la doctrine sociale commune de nos sociétés. Ainsi, une religion a parfaitement le droit d’enseigner dans ses temples que l’apostasie conduit à la mort (de l’âme ?) ; mais, dans l’espace public, il doit être clair et clairement proclamé qu’abandonner sa religion est un droit absolu. Ainsi, nous avons considéré que le fait qu’un prêtre, un rabbin, un iman, un lama se promène en costume de son office ne constitue pas en soi une offense à la laïcité (un accommodement raisonnable qui n’est pas allé de soi, témoin les prêtres en soutane longtemps accompagnés de « croa » - mais enfin un laïc assez conséquent pourrait même remarquer que c’est une bonne idée qui permet de savoir d’emblée à qui on a affaire). Par conséquent, il n’existe aucune raison d’empêcher une bonne sœur en tenue de se plonger les pieds dans l’eau sur une plage ; mais par contre, l’état laïc doit intervenir de manière appropriée contre le port d’un voile masquant la figure ou d’un burqini sur une plage, car ils témoignent d’une volonté d’imposer dans l’espace public des préceptes religieux dévalorisant les femmes, en complète contradiction avec notre doctrine sociale commune qui proclame l’égalité des hommes et des femmes  et s’efforce de la rendre de plus en plus réelle (et il y a encore à faire, raison de plus pour ne pas tolérer les tentatives rétrogrades !) De même, si notre doctrine sociale commune considérait la souffrance animale lors de l’abattage dit halal comme insupportable (et il existe une directive européenne en ce sens) et imposait l’étourdissement avant égorgement, eh bien les religions devraient s’y adapter ; ainsi, les représentants musulmans danois ont-ils simplement décrété que les animaux étourdis avant d’être abattus étaient halal.
C’est pourtant pas compliqué, la laïcité, quand on veut vraiment la défendre.

N.B Le nouveau  maire de Londres, Sadiq Khan s’est permis de critiquer les lois françaises sur le port du voile ; mais il fait censurer à Londres les photos de modèle trop dénudées et trop retouchées. Etrangetés réciproques

Eric Sartori

Le Socialisme d'Auguste Comte, aimer, penser, agir au XXIème siècle, l'Harmattan 2012


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