L’écrasement des classes moyennes engendre des monstres politiques.
L’élection de Donald Trump a
semble-t-il stupéfié la plupart des commentateurs et élites politiques, ce qui
nous a valu une élection assez réjouissante sur ce plan à suivre en
direct. Cela n’aurait pourtant pas dû ou
pas autant dû être le cas (j’avoue moi-même avoir au dernier moment renoncé à
un pari sur l’élection de Donald Trump, impressionné à tort par le concert
médiatique). Car enfin, en bon positiviste, je sais qu’il existe des faits
sociologiques et politiques comme il existe des faits physiques, chimiques ou
biologiques, et des lois reliant ces faits ; et qu’une de ces lois pourrait
être énoncée ainsi : l’écrasement des classes moyennes produit des monstres
politiques, généralement de nature fascistoïde.
L’écrasement des classes moyennes
aux USA est une réalité de long terme qui s’est aggravée de manière
préoccupante durant la dernière décennie de crise. Ainsi, une étude du Pew
Center de 2016 montre que les classes moyennes (entre les deux-tiers et le
double du revenu médian) ne constituent
plus que 51% de la population, contre 61% en 1971. La classe moyenne aux Etats-Unis s’apprête à
passer en dessous de la barre fatidique des 50%.
Autres chiffres particulièrement
intéressant sur l’écrasement des classes moyennes. Ainsi, à la question « Disposez-vous d’une
réserve de 400 $ (350 euros) que vous pourriez utiliser immédiatement en cas
d’urgence ?, plus de 47% des Américains devraient emprunter ou vendre quelque
chose pour disposer de cette somme. Ce fait est mentionné dans The secret shame
of middle class Americans, du
journaliste, historien et critique de cinéma, succès Neal Gabler, dans
un article du magazine The Atlantic, stupéfié de découvrir qu’il faisait partie
de ces 45% et qu’il ne pourrait faire face par exemple à une urgence
médicale.
Cette incertitude financière
ronge une classe moyenne qui s’aperçoit que même un niveau d’étude chèrement
gagnée ne les protège plus de la misère, et qui sait que ce sera encore pire
pour ses enfants, avec des études encore plus chères et un avenir encore plus
incertain.
Ajoutons-y le chiffre du chômage.
Les démocrates, et plus encore la presse européenne de la pensée unique,
avancent un chiffre du chômage de 5% qui
marquerait un succès de l’action des démocrates. Mais seuls 62,6% travaillent
aujourd’hui, contre 67,3% en 2008, ce qui signifie qu’en fait des millions de
personnes ont renoncé à chercher un emploi.
Et pour ceux qui ont un emploi,
encore faut-il parler de la nature de celui-ci. Le nombre de personnes qui
travaillent en freelances ou à leur compte, a augmenté depuis 2005 pour passer
de 10% à 16% aujourd’hui. Iols travaileent oupas, et pour quel revenu, on n’en
sait rien. De plus, tous les nouveaux emplois qui ont été créés entre 2008 et
2012, 44% entrent dans la catégorie des emplois peu rémunérés du secteur des
services.
Dans certains comtés, la durée de
vie a diminué, dans une proportion telle qu’il n’existe , dans l’histoire récente, qu’un exemple similaire, celui de
l(effondrement de l’URSS. Effondrement de l’Urss, effondrement du système ultra
libéral, même histoire ?
Dans ces conditions, comment
s’étonner du vote Trump ?
Thomas Pïketti et Donald Trump complices !
Ce déclin de la classe moyenne
est concomitant à un déclin du revenu médian, qui a diminué de 8% depuis 1999.
Il témoigne d’une montée des inégalités, comme l’ont montré les travaux de
l’économiste Thomas Piketty. Fort justement, Piketty explique dans le Capital
au XXIème siècle que la répartition des richesses, et plus exactement la montée
des inégalités qu’il met en évidence, constitue un problème politique
fondamental pour la stabilité des sociétés démocratiques modernes. Dans une
interview donnée cette semaine (12
novembre 2016) à France-Inter largement consacrée aux conséquences de
l’élection de Trump, il ne pleure pas
sur son hostilité aux traités de libéralisation des échanges, dont il pense
qu’ils ne devraient plus être signés sous cette forme – j’y reviendrais dans un
prochain blog consacré au Ceta. Mais il
affirme (justement ? , cela semble malheureusement à peu près certain)
!) que la volonté de Trump de baisser l’impôt sur les sociétés à un niveau de
semi-paradis fiscal ( irlandais !) et sur le revenu résultera dans une encore plus terrible
explosion des inégalités ; et que dans ces conditions, le programme massif,
bien nécessaire, plutôt intelligent d’investissement dans les infrastructures
ne pourra être financé qu’en restreignant les programmes sociaux, aggravant les
inégalités qu’il est censé réduire.
Fort bien, et comme d’habitude le
constat de Thomas Piketty est intéressant. Mais, parlons des solutions qu’il
avance ! Lorsque Thomas Piketty parle de la nécessaire « liquéfaction » du
capital des classes moyennes, donc de piocher dans leur placements, lorsqu’il
se livre à une attaque inédite contre la propriété immobilière à laquelle sont
si attachées les classes moyennes françaises ( 62 % des Français se déclarent
propriétaires, parmi lesquels 36 % n’ont plus de prêt à rembourser et 26 % sont
en cours d’accession à la propriété) en proposant un impôt inédit, et même
inouï, taxant les propriétaires sur les loyers fictifs qu’ils pourraient
toucher de leur maison ou appartement s’ils le louaient, comment ne se rend-il pas compte à quel point
il concourt à fragiliser encore plus les classes moyennes ? Derrière la «
liquéfaction » des biens des classes moyennes se cache trop évidemment leur
liquidation. Qui aurait les mêmes conséquences aux USA : l’arrivée au pouvoir
de forces fascistoïdes !
D’où ce titre a priori surprenant
: Thomas Piketti et Donald Trump complices !
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