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lundi 9 mars 2020

Consultation publique sur la nouvelle version de la PPE (2) Quelques remarques de Sauvons le Climat !


Suite du blog précédent  Consultation publique sur la nouvelle version de la PPE : eh ben, c’est pas mieux que l’ancienne ! (https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/03/consultation-publique-sur-la-nouvelle.html)

J’ai tenu à publier quelques remarques de l’association écologiste Sauvons Le Climat ( que l’on peut aussi retrouver sur le site de la Consultation Publique. Extraits :

Critère de sécurité d’approvisionnement électrique : danger de black out !
(Gilbert Ruelle Commentaire PPE n° 1)
                                            
L’article D. 141-12-6 du code de l’énergie fixe le critère de défaillance du système électrique à « une durée moyenne de défaillance annuelle de trois heures pour des raisons de déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité ». Le code de l’énergie ne définit cependant pas explicitement ce que recouvre la notion de « défaillance ».

Et c’est là que le bât blesse, car un paramètre essentiel manque : la « profondeur » de la défaillance. En l’état actuel des choses le critère ne distingue pas la coupure d’un seul client domestique et celle d’une région française entière !!!

Le rapport CGEDD-CGE de 2018 a identifié cette faille, confirmée par RTE dans son Bilan prévisionnel 2017 :
« Le nombre d’heures moyen de défaillance […] constitue une information particulièrement imparfaite […] Des différences considérables peuvent exister, par exemple sur la profondeur de la défaillance (c’est-à-dire sur le nombre de consommateurs concernés par la défaillance) alors même que le nombre d’heures moyen de défaillance demeure identique (P 137/424) […] Ceci peut être mis en perspective par rapport au critère de sécurité d’approvisionnement actuel (un délestage d’une heure affectant quelques consommateurs et un délestage de la même durée portant sur un nombre significatif de consommateurs sont comptabilisés de la même façon) » (P140/424).

Les pouvoirs publics sont donc amenés à prendre leurs décisions sur une base trompeuse dont ils ignorent les conséquences réelles

Pourquoi ce critère ne fonctionne-t-il plus ? Il a été historiquement élaboré lorsque le réseau n’était alimenté que par des machines de production pilotables. Le risque était alors conventionnellement limité à la défaillance fortuite de la machine la plus puissante du réseau, soit en France moins de 1,5 GW et les mesures palliatives (réserves primaires, secondaires et éventuellement tertiaires) étaient dimensionnées en conséquence.

L’introduction massive de moyens intermittents éoliens et photovoltaïques change complètement la nature du risque qui porte dorénavant sur les énergies primaires du soleil et du vent elles-mêmes qui peuvent faire massivement défaut sur la quasi-totalité du territoire. Ce défaut de mode commun se manifeste quelles que soient les puissances installées (dizaines à centaines de GW !) la production photovoltaïque étant nulle la nuit et la production éolienne pouvant chuter à quelques % de sa puissance installée par manque de vent : selon les statistiques de Rte, la production éolienne chute à moins de 10 % durant 10 % du temps soit 36 jours par an en moyenne, dont le quart (9 jours) se situe, toujours statistiquement, pendant l’hiver lorsque la consommation est au plus haut.

A contrario, cela signifie que la production éolienne a 90 % de chances d’être supérieure à 10 % et la combinaison de cette probabilité avec celle d’avoir une journée de grand froid est suffisamment faible selon Rte pour respecter le critère officiel des 3 heures par an. Sauf que la profondeur de la défaillance n’est pas définie et se situe alors entre 10 % et 0,5 % (valeur minimale observée) de la puissance installée éolienne, ce qui conduit à des réalités possibles très différentes : avec environ 16 GW actuellement installés, la profondeur de la défaillance se situe alors entre environ 1,6 GW et pratiquement 0 !

Ce qui revient à dire que l’application du critère des 3 heures conduit littéralement à « jouer aux dés » cet écart qui n’est déjà pas négligeable en période de consommation tendue et va croître et embellir avec la croissance de la puissance éolienne installée. On notera que les quatre GRT (gestionnaires de réseau) allemands, instruits par le long retour d’expérience de leurs très grands parcs éoliens à terre et en mer (plus de 60 GW actuellement) prennent en compte dans leurs études de sécurité une puissance minimale de 1 % seulement de la puissance éolienne installée (y compris en mer) soit 0,6 GW… Là où le critère français actuel des 3 heures conduirait à 6 GW ! Valeur totalement démentie par les faits observés en Allemagne…

Il est donc urgent de s’interroger en profondeur sur notre critère français et de l’adapter au risque de manque d’énergie primaire du vent généralisé au territoire qui conduit à des défaillances dont la profondeur va croître avec la montée en puissance de l’électricité éolienne et plus généralement intermittente si l’on y ajoute les défaillances du photovoltaïque par manque de soleil en journée… Pour ne pas mettre la France dans le noir !

Biomasse : la grande illusion… ?
(Commentaire PPE n° 2, Georges Sapy)

Le projet de PPE indique : « de l’ordre de 400 à 450 TWh de ressources brutes en biomasse pourraient être mobilisées à l’horizon 2050 (à comparer à 180 TWh en 2016) ». Autrement dit, on multiplierait par 2,5 à 2,8 la mobilisation actuelle de la ressource en biomasse.

Quatre interrogations : le réalisme de la prévision ; l’efficacité de décarbonation de la biomasse ; la fragilité de la ressource en biomasse ; les coûts d’utilisation de la biomasse.

Réalisme de la prévision : on peut en douter sérieusement eu égard aux limites du renouvellement annuel de la biomasse, qui doit rester au maximum naturel pour être durable. Sauf à cultiver spécialement des plantes à but énergétique, ce qui impliquerait l’usage de terres disponibles, d’intrants de culture éventuels et des dépenses de combustibles pour l’agriculture et les transports. Dont les distances doivent en outre être très courtes pour que l’opération ait un sens.

Efficacité des réductions des émissions de CO2 : la biomasse n’est réellement efficace que si son utilisation, qui émet du CO2, est très rapidement compensée par une absorption équivalente par la croissance des plantes. Si ce n’est pas le cas, l’effet sur le climat est transitoirement néfaste. De plus, les transformations de la biomasse en combustibles gazeux et surtout liquides présentent des gains très variables en termes de réduction des émissions de CO2 par rapport à leurs équivalents fossiles : négatifs pour la plupart des biodiesels (ce qui est un comble !), de l’ordre de 50 % pour le bioéthanol. Ce n’est qu’avec les biocarburants de 2ème génération que l’on peut espérer atteindre des gains nettement plus importants, dont certains pourraient approcher les 90 % voire plus.

En un mot, l’efficacité globale de la biomasse en termes de réduction d’émissions n’est pas toujours aussi importante qu’on pourrait l’espérer, loin s’en faut. Ce qui ne condamne évidemment pas ses usages mais implique de sélectionner les plus efficaces, parmi lesquels le bois énergie pour faire de la chaleur est l’un des plus pertinents. À condition de ne pas le transporter sur de longues distances, ce qui le limite aux usages locaux.

Fragilité de la ressource : cette dernière pourrait être impactée par le changement climatique, avec des risques naturels accrus : sècheresses, attaques massives de parasites, tempêtes, etc. voire giga-incendies amplifiés par les sècheresses. De tels évènements, loin d’être improbables, pourraient avoir des conséquences majeures sur certains massifs forestiers.

Coûts : sauf pour le bois énergie très bon marché et quelques autres sources, ils sont élevés à très élevés dès lors que des transformations complexes biologiques (biométhane) ou physico-chimiques (carburants de synthèse) sont nécessaires. Ce qui constitue un frein évident à leur développement.

Question, pour conclure : quel est le plan B si les augmentations anticipées dans la PPE (en réalité très ambitieuses) ne sont pas au rendez-vous ? Réponse : un seul autre vecteur sera à l’échelle des besoins : l’électricité (pompes à chaleur voire électricité joule pour le chauffage, électricité directe et hydrogène électrolytique pour la mobilité, etc.). À condition de ne pas brider artificiellement sa production… N’oublions pas qu’une société moderne a un besoin vital de suffisamment d’énergie et pourrait collapser en cas de grave pénurie. Et ne nous trompons pas d’ennemi : une électricité non émettrice de CO2 n’est pas néfaste pour le climat, même si elle doit être raisonnablement et rationnellement économisée, ce qui n’a rien à voir avec l’instauration d’une pénurie qui serait socialement mortifère.

Le mirage de l’hydrogène : il a un rendement global [électricité vers gaz de synthèse vers électricité] (« power to gas to power » en anglais) très faible, actuellement de l’ordre de 35 % pour l’hydrogène et de moins de 25 % pour le méthane de synthèse, et il nécessite par ailleurs des investissements importants dont l’amortissement dépend de l’alimentation en électricité des électrolyseurs.

Selon Rte, le coût de production de l’hydrogène électrolytique varie de 3 à 6,7 €/kg selon l’électricité utilisée (base hors pointe ou marginal renouvelable ou nucléaire) ce qui conduit à ≈ 91 à ≈ 203 €/MWh selon le cas pour le gaz hydrogène. Sa transformation en électricité avec un rendement de 60 % et un coût d’amortissement de 20 % pour l’installation de transformation, conduit donc à une électricité qui coûte entre 91/(0,6 x 0,8) ≈ 190 €/MWh et 203/(0,6 x 0,8) ≈ 420 €/MWh !

Si l’on produit ensuite du méthane de synthèse, avec un rendement de 70 % par rapport à l’hydrogène et un coût d’amortissement également de 20 % pour l’installation de transformation en méthane, les coûts ci-dessus deviennent 190/(0,7 x 0,8) ≈ 340 €/MWh et 420/(0,7 X 0,8) ≈ 750 €/MWh !

Soit au mieux, en retenant les bas des fourchettes ≈ 190 €/MWh pour la filière hydrogène et ≈ 340 €/MWh pour la filière méthane. Pour disposer d’une électricité à coût soutenable, il faudrait donc multiplier par 2 les rendements globaux et diviser par 2 les coûts d’investissement (division par un facteur 4 au total). Il y faudra de sérieux progrès en R&D et réductions des coûts industriels pour disposer d’une solution de stockage ayant un modèle économique viable…

En attendant, on dispose d’un parc nucléaire qui fonctionne de façon très sûre, produit massivement de l’électricité décarbonée à 33 €/MWh, est capable d’alimenter la France et une partie de l’Europe grâce à des exportations très importantes. Et l’on s’obstine à vouloir le réduire sans justification rationnelle crédible !!!!

Quid des informations fournies dans le projet de PPE sur les rejets CO2 de l’éolien et du PV ? encore deux mensonges par omission !
(Jean-François Sornein)

Mensonge par omission n°1 : éviter aussi longtemps que possible de rappeler que l’électricité nucléaire ne rejette pratiquement pas de CO2. Si on ne le sait pas, il ne faut pas compter sur les 44 pages de la synthèse pour nous l’apprendre. Il faut attendre la page 137 du projet lui-même…

Mensonge par omission n°2 : Comme on ne peut pas reprocher de rejets GES au nucléaire, il faut trouver un autre argument pour expliquer l’objectif « 50 % » ; ce sera « DIVERSIFIER ». Le vieux dicton « ne pas mettre ses œufs dans le même panier » est ainsi élevé au rang d’orientation stratégique sans qu’aucune étude technico économique n’ait conclu à la pertinence de ce ratio. C’est un peu maigre… Comment le projet de PPE tente-t-il donc de « vendre » cette diversification ? Mensonge par omission n°2 : éviter soigneusement de signaler que cette diversification arbitraire ne contribuera en rien à la baisse des émissions de GES. Cette désinformation est coupable. Le texte indique prudemment qu’on va se préoccuper qu’elle soit neutre sur ce plan (et ce n’est pas gagné)…

Mensonge n°3 : Pour l’éolien, la page 114 donne le chiffre de 12,7 g/kWh avec une référence ADEME. En réalité, la Base Carbone de l’ADEME indique actuellement 14,1 g pour le terrestre et 15,6 g pour l’éolien en mer, mais en précisant bien que ces valeurs ne comprennent pas les phases de démantèlement et de fin de vie des installations, ce que le texte de la PPE se garde bien de préciser.

Mensonge n°4 : Pour le solaire PV, aucun bilan CO2 n’est fourni. On le cherche vainement en bas de la page 119. Il est vrai qu’il ne serait pas très convaincant, avec des panneaux fabriqués au charbon chinois (la Base Carbone ADEME donne une fourchette de 35 à 85 g « du sud au nord et suivant la technologie », toujours sans compter la fin de vie).

Pour mémoire, on a vu plus haut le chiffre de 12 g pour le nucléaire sur l’ensemble du cycle de vie. Dans la Base Carbone ADEME, le nucléaire est à 6 g sans compter la fin de vie….

Que va coûter la PPE : nul ne le sait et la présentation qui en est faite est illisible et trompeuse ?
(Jean-Pierre Pervès)

Il est intéressant d’examiner en premier lieu le programme le plus emblématique de la transition énergétique, celui du développement des nouvelles énergies renouvelables électriques, le solaire photovoltaïque et l’éolien. La PPE (pages 273 à 275) donne les chiffres pour l’ensemble du programme jusqu’à 2028. Leur soutien, par des taxes, représentait déjà 30 milliards en 2018 et les engagements supplémentaires, déjà pris et à venir jusqu’en 2028 selon la PPE, devraient représenter en 2035 environ 90 milliards de plus, soit un total de 120 milliards €. Et on continuera à les payer jusqu’en 2048.

Un bon investissement pour le climat/ bien sûr que non !  Pour quelle quantité de CO2 évitée ?...Nous allons payer sous forme de taxes entre 2019 et 2035 environ 90 milliards pour les seuls éolien et solaire opérationnels en 2028, pour un gain CO2 qui sera très ;probablement sensiblement inférieur à 10 millions de tonnes par an, soit moins de 170 millions de tonnes sur 17 ans. Le coût de la tonne de CO2 sur cette période sera donc supérieur, voire nettement supérieur à 530 € par tonne de CO2 évitée, chiffre à comparer à la valeur de la taxe actuelle de 44.6 € par tonne, soit près de 12 fois inférieure. Il est temps d’arrêter cette gabegie !

Qu’aurait-on pu faire avec cet argent qui sera gaspillé ? Avec les 120 milliards attribués au solaire et à l’éolien depuis 2006, et en accordant une subvention représentant la moitié des 25.000 € de travaux nécessaires pour décarboner une maison chauffée au fioul ou au gaz et en améliorer significativement les performances énergétiques, ce sont près de 10 millions de logements émetteurs de CO2 qui auraient pu être radicalement transformés du point de vue climatique d’ici 2035 (en 2017 il y avait 3,5 millions de logements chauffés au fioul et 11,7 au gaz). Le gain CO2 aurait été environ 4 à 5 fois plus élevé pour le pays par € de subvention.

Ceci montre clairement, ce qu’a bien confirmé la Commission d’enquête parlementaire sur le financement des énergies renouvelables (juin 2019), que le déploiement de ces deux électricités intermittentes n’avait pas pour objet la lutte contre le changement climatique.

Une présentation dans la PPE qui ressemble à un enfumage :  L’analyse de l’impact économique global de la transition énergétique présentée dans la PPE est encore plus troublante, voire impossible pour le citoyen auquel on demande un avis. Le rapport s’appuie sur une « approche macroéconomique hybride », multi-sectorielle, qui mélange tous les facteurs pour qu’on ne puisse pas avoir une idée claire de l’impact économique de la transition. Elle intègre des « signaux prix fictifs », qui représentent des mesures réglementaires et budgétaires. Les rédacteurs ajoutent que les résultats peuvent être optimistes et que cet artéfact de modélisation comporte d’importantes limites quand on ne sait pas ce qu’on pourra faire politiquement ! Comprenne qui pourra.
Formidable bien sûr car ils concluent bravement : on créera 440.000 emplois (où ? on importe l’essentiel du matériel), et le pouvoir d’achat des ménages augmentera de 2,2 % (grâce aux taxes bien sûr). !!! « 

Commentaire : Ce chiffre de créations d’emplois ne repose sur aucune réalité, et ignore au contraire les leçons de l’échec sanglant (climatique et économique de l’energiewende allemande) et de l’effondrement après un envol initial de l’emploi dans le solaire ( les subventions allemandes ont créé de nombreux emplois dans le solaire…en Chine) et dans l'éolien ( avec la fin des subventions et les faillites retentissantes). Il ne tient pas compte non plus des emplois supprimés, dans le nucléaire par exemple).

« Dans la réalité quotidienne, quoi qu’en disent les modèles, il a fallu fort logiquement attribuer en 2019 un chèque énergie à 2,2 millions de ménages supplémentaires, en situation de précarité énergétique, (coût total du programme 850 millions) ! Et depuis 2006 le prix de l’électricité pour les ménages a augmenté d’environ 30 % en euros constants (50 % en € courants)  ; Mais bien sûr tout va changer nous promet-on car, dès 2023, les prix de vente de l’éolien onshore, offshore et du photovoltaïque vont s’établir à environ 40 €/MWh (p 269) alors qu’en 2020, d’après la CRE, l’éolien à terre sera payé par EDF 91 €/MWh et le solaire 288 €/MWh (et le futur offshore environ 200). Miracle ou foi du charbonnier.

Conclusion : Ce que ne fait pas le projet de PPE : dire aux français ce que cela va leur coûter en 2023 ou 2028. La Commission d’enquête parlementaire, en juin dernier, a échoué dans sa recherche du coût de la transition énergétique, malgré son pouvoir régalien.

Pour l’ensemble des contributions, dont certains très techniques, précises et érudites, donc indispensables de Sauvons le Climat, cf. https://ideesrecuessurlenergie.wordpress.com/2020/02/13/loi-ppe-commentaires-utiles-publies/
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