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samedi 1 avril 2023

Commission Schellenberger n°44 et 43 : paroles de ministres écolos : Nicolas Hulot, Barbara Pompili

Nicolas Hulot : L’ignorance de celui qui ne veut pas savoir

« Concernant la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique et sa limitation à 50 %, j’ai été obligé de prendre une décision, difficile pour moi, mais rationnelle. Si nous n’avions pas repoussé l’échéance, nous aurions dû imposer des mesures brutales dont nous n’aurions pas forcément maîtrisé les conséquences. »

« Je ne suis pas resté en poste très longtemps, mais jusqu’à la fin, il m’a manqué beaucoup d’éléments pour appréhender la situation de manière globale. Combien coûte le démantèlement ? Quelle prolongation d’exploitation serait envisageable, pour quels réacteurs, quelles centrales ? Les données, lorsque j’en avais, n’étaient pas toujours concordantes. Dans ces conditions, il était difficile de prendre des décisions »

« Pourquoi Fessenheim était-elle en tête de liste ?... Nous avions également découvert des problèmes de corrosion – d’autres centrales étaient touchées. Par ailleurs, nous subissions une pression de la part de nos voisins européens concernant Fessenheim. Il s’agissait de notre plus vieille centrale et elle était à proximité de deux frontières. Nous devions en tenir compte.

NB : les problèmes de corrosion sur Fessenheim, c’est faux !

 Le classement vertical des rapports qui vont pas dans le sens du ministre !

M. le président Raphaël Schellenberger.  Monsieur le ministre d’État, vous avez plusieurs fois déploré le manque d’informations ou la difficulté d’y avoir accès. Il me semble que le rapport de MM. Yannick d’Escatha et Laurent Collet-Billon a été remis lorsque vous étiez en fonction. Celui-ci aborde à la fois le nucléaire civil et le nucléaire militaire et a été presque immédiatement classé secret défense. La commission d’enquête a demandé à avoir communication des parties consacrées au nucléaire civil. Comme la presse s’en était fait l’écho à l’époque, ce rapport préconisait la construction d’au moins six EPR de nouvelle génération. En avez-vous eu connaissance ? Ce rapport a-t-il éclairé vos décisions ?

M. Nicolas Hulot. La sortie du nucléaire n’a jamais été actée au plus haut niveau de l’État. Personne ne m’a jamais dit qu’aucun nouvel EPR ne serait construit. Une fois l’objectif de 50 % du mix électrique atteint, la construction de nouveaux réacteurs était probablement envisagée. Je ne me souviens pas que ce rapport me soit parvenu en l’état, mais comme je voudrais dire la vérité et ne pas me tromper, je laisse la parole à Michèle Pappalardo.

Mme Michèle Pappalardo. Ce rapport a été réalisé à l’initiative de différents ministères, dont le nôtre – nous avions choisi M. d’Escatha – et avec un objectif très précis. Le nucléaire civil commençait à souffrir d’une perte de compétences. Puisqu’elle ne semblait pas toucher le nucléaire militaire, nous voulions nous inspirer des pratiques du ministère de la défense, notamment pour renforcer l’attractivité de ce secteur. Nous avons été un peu déçus, car le rapport ne traitait finalement pas ce sujet.

Je ne suis pas certaine d’avoir lu le rapport, ce qu’avait assurément fait le conseiller en charge de l’énergie. Nous en avions fait part au ministre d’État.

Je ne sais plus quand le rapport a été rendu, mais il me semble que c’était peu avant notre départ, à l’été 2018, ce qui explique que nous en ayons un souvenir limité. Il a en outre été rapidement classé secret défense, ce qui signifie que nous ne pouvions plus l’évoquer publiquement. Nous ne l’avons donc pas exploité.

M. le président Raphaël Schellenberger. Vous avez commandé un rapport sur l’avenir de la filière. Pour la préserver, celui-ci préconise de construire des centrales. Pourquoi dites-vous que ce n’était pas la réponse que vous attendiez ?

Mme Michèle Pappalardo. Ce genre de rapport fait l’objet d’une décision interministérielle, mais nous avions clairement exprimé nos préoccupations.

M. Nicolas Hulot. Je remercie Michèle Pappalardo, qui a une mémoire plus précise que la mienne – je me suis éloigné de tous ces sujets depuis deux ans. Je suis incapable de vous dire si j’ai lu le rapport dans son intégralité, ce qui est toutefois peu probable. Je suppose qu’à l’époque, un de mes conseillers m’en avait transmis une synthèse

Nous ne pouvions pas courir tous les lièvres à la fois : il n’était pas possible de baisser notre consommation, développer massivement les énergies renouvelables, réduire la part du nucléaire et construire de nouveaux EPR.

M. le président Raphaël Schellenberger. M. le ministre d’État a plusieurs fois souligné les difficultés d’accès à l’information. Madame la directrice de cabinet, comment sont traités et synthétisés les nombreux rapports produits pour éclairer le ministère ? Lors de son audition, Yves Bréchet a évoqué les 4 000 pages qu’il a rédigées en tant que haut-commissaire à l’énergie atomique et qui, selon lui, n’ont pas été lues.

Mme Michèle Pappalardo. Il est difficile d’apporter une réponse générale. Pendant les dix-huit mois du ministère, il ne me semble pas que nous ayons reçu énormément de rapports. Nous n’en avons pas eu vraiment le temps.

Ayant rédigé de nombreux rapports pour la Cour des comptes, j’ai une certaine expérience de ce qu’ils deviennent. Certains sont très utilisés, d’autres moins. Ce serait toutefois une erreur de considérer qu’ils ne servent à rien…



Barbara Pompili : antinucléaire un jour, antinucléaire toujours

« En effet, qui furent, dès l’origine, les partisans des énergies renouvelables ? Dans leur immense majorité, des militants écologistes ; or les militants écologistes étaient historiquement, et pour de très bonnes raisons que je ne renierai pas, antinucléaires. Dès lors, tous ceux qui défendaient le nucléaire ont considéré que les énergies renouvelables s’opposaient à celui-ci, et que leur développement serait une menace pour lui. »

100% nucléaire , c’est possible !

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) et RTE m’ont rendu en janvier 2021 un rapport qui confirmait qu’il était possible d’atteindre en 2050 un mix 100 % renouvelable, mais à condition de passer par des étapes assez lourdes et complexes. Néanmoins, cela a eu le mérite d’empêcher le monde du nucléaire de continuer à soutenir le contraire.

M. le président Raphaël Schellenberger. Et vous commandez alors un scénario sur un passage à 100 % aux énergies renouvelables ?

Mme Barbara Pompili. J’aurais dû vérifier avant de me rendre à cette audition quand cette commande a été faite. Je vous transmettrai cette information par écrit parce que je ne sais plus si elle n’a pas également été passée par Élisabeth Borne. C’est fort possible. Je ne voudrais pas lui en voler la maternité. À l’époque, j’étais présidente de la commission du développement durable et nous travaillions beaucoup ensemble sur ces sujets.

NB : Elisabeth Borne explique exactement le contraire ; le scenario 100% ENR aurait ermis d’éliminer cette solution

Vous avez mentionné, monsieur le président, le scénario de l’association négaWatt. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec ses membres. Il s’agit d’un scénario intéressant, qui se fonde sur des postulats un peu différents et sur l’hypothèse d’un mix 100 % renouvelable. Le problème, c’est qu’il suppose de prolonger très longtemps la durée de vie des centrales existantes – or on voit actuellement les problèmes d’entretien qui se posent.

50% de nuc et fermetures de 14 centrales totalement assumés ; dommage qu’on l’ai pas fait !

« Je vais vous dire le fond de ma pensée. Il avait été décidé de ramener la part du nucléaire à 50 % en 2025. Cette échéance a été décalée à 2035 car on n’a pas été collectivement fichus de tenir collectivement nos objectifs – à l’exception de la fermeture de la centrale de Fessenheim, dont je reconnais qu’elle a été réalisée. Je sais ce que vous pensez de ce dossier, monsieur le président, mais lorsque des décisions sont prises, le pire pour un responsable politique est qu’elles ne soient pas suivies d’effet. Cela perturbe tout le monde et personne ne sait à quoi s’en tenir. À l’occasion de l’examen du projet de loi « climat et résilience », je me suis aperçue que, lorsque l’on vote ensuite d’autres textes, les gens sont persuadés qu’ils ne seront pas appliqués. Ils ne se préparent pas et se retrouvent démunis lorsque la loi est appliquée. »… Nous devrions fermer quatorze réacteurs d’ici à 2035, mais il est évident que nous n’y arriverons pas parce que nous ne nous sommes pas donné les moyens de le faire…La fermeture de réacteurs et la diminution de la part du nucléaire n’ont pas été réalisées pour deux raisons. L’une est politique »

« EDF avait en outre affiché sa volonté de préempter des terrains pour y installer les futurs EPR2. Nous lui avions alors répondu qu’il ne fallait pas mettre la charrue avant les bœufs. »

NB : il y a de décisions politiques qui se heurtent à la réaliyé physique, et de plus en plus. Il est souhaitable qu’elles ne soient pas suivi d’effet !

Des militants antinucléaires au cœur du système

M. Antoine Armand, rapporteur.  Dans le cadre de la commission d’enquête dont vous étiez rapporteure, vous avez publié des préconisations visant à lutter contre l’endogamie dans l’expertise. L’un d’elles recommande de favoriser la présence d’experts non institutionnels au sein d’organismes tels que l’ASN et l’IRSN, de manière à réduire l’entre-soi des techniciens, mis en évidence au cours des auditions. Rémunérer la participation des experts indépendants à ces instances permettrait en outre d’éviter, selon M. Yves Marignac, d’avoir affaire à des militants engagés, qui n’ont pas les moyens nécessaires pour mener ces expertises. Avez-vous fait cette recommandation parce que vous aviez l’impression que l’expertise française était insuffisamment robuste et que les experts institutionnels n’étaient pas assez compétents ou indépendants ?

Mme Barbara Pompili. L’énergie nucléaire est un sujet compliqué et technique, ce qui ne justifie pas qu’il soit confisqué par les techniciens – les responsables politiques ne sont pas forcément de bons techniciens mais l’inverse est vrai aussi ; chacun à sa place ! 



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