Introduction
Cette expertise scientifique a été coordonnée par Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS. Un groupe de scientifiques, experts du domaine issus de différentes disciplines, a été mobilisé pour établir un panorama des connaissances les plus récentes analysant de manière collective, critique et neutre la littérature scientifique mondiale relative aux mécanismes de propagation sonore sous-marine, aux impacts multiples de l’anthropophonie sur les diverses espèces marines, aux bruits engendrés par les projets éoliens, notamment lors de leur construction, et aux méthodes permettant de les réduire.
Le rapport indique les espèces qui risquent d’être impactées par les projets éoliens en mer, la forme et la sévérité de cet impact ainsi que l’effet des stratégies d’atténuation qui peuvent être mises en place. Il pointe aussi l’incomplétude des connaissances actuelles et la nécessité de les compléter, en particulier pour plusieurs espèces et sources sonores
Principes et principaux résultats
il faut distinguer la phase de construction– avec notamment les opérations de forage et de battage de pieux – de l’exploitation et du démantèlement. Il convient également de replacer autant que possible les bruits générés par les EMR dans la description globale des paysages sonores océanographiques qui prend en compte les sons déjà présents d’origines naturelle et humaine.
Eolien off shore flottant
Concernant
les éoliennes flottantes, peu d’études ont été faites.
Phase
d’exploitation : Au vu des niveaux sonores mesurés pendant les phases de
tests, il ne devrait y avoir d’impact physiologique sur aucune espèce de
mammifères marins ou de poissons pendant la phase d’exploitation
Phase de construction : La construction des parcs éoliens en mer flottants ne nécessite pas de battage de pieux, mais les caractéristiques sonores des travaux d’installation d’un parc éolien en mer flottant (enrochement, ensouillage de câbles, ancrage) sont proches du bruit généré par des navires. Les études montrent une diminution de la fréquentation de mammifères marins (marsouins et phoques) qui peut être attribuée au bruit généré par le trafic maritime accru sur le site.
Eoliennes posées :
Marsouins :
impact à court terme, composé d’une baisse significative
de l’activité acoustique et d’un déplacement temporaire des individus proches
du parc dès ou avant le début des travaux, suivi d’un retour à la normale
(activité acoustique, abondance) intervenant jusqu’à 3 jours après les
opérations. Peu d’effets à long terme sont rapportés.
Phoques :
Aucun effet à long terme n’a été relevé sur le comportement
des phoques durant la phase de construction, mais une diminution significative à
court terme du nombre de phoques présents à proximité des parcs (abondance en
mer et à terre) a été observée lors des opérations du battage de pieux.
Poissons : De
nombreux facteurs sont susceptibles d’avoir un effet sur les populations de
poissons une fois les parcs éoliens en mer opérationnels, tels que les modifications
de l’habitat, les perturbations sonores ou causées par les champs électromagnétiques
créés autour des câbles. Étant donné que tous ces facteurs agissent simultanément,
leur importance relative pour les poissons est difficile à démêler et à évaluer
empiriquement.
Concernant la mortalité, il existe peu d’observations directes de mortalités concomitantes (au niveau individuel ou populationnel) à la mesure des caractéristiques (fréquence, niveau) de l’onde sonore incidente mais des évènements sont rapportés pour trois groupes d’animaux (mammifères marins, poissons, invertébrés), en lien à de fortes productions sonores. Chez les mammifères marins, la mortalité correspond essentiellement à des événements d’échouage de masse de cétacés à audition moyennes fréquences (baleines à bec) observés lors de l’utilisation de sonars militaires et de tirs sismiques.Des mortalités sont observées pour les poissons généralistes dans un rayon moyen de 10 m autour de la source sonore.
Angle législatif : un cadre réglementaire incomplet, un manque de connaissance criant
Considérant que les projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagement des EMR faisant l’objet d’une étude d’impact doivent être rendus compatibles avec les objectifs du PAMM,(Plan d'Action pour le Milieu Marin), la connaissance des effets acoustiques sur les espèces marines constitue un enjeu pour le développement des Energies marines Renouvelables . Le cadre réglementaire est assez clair mais, de l’analyse des incidences des projets, il ressort que le manque de connaissances sur les espèces, les habitats et leur sensibilité au son en milieu marin est criant : l’impact acoustique apparaît clairement aujourd’hui comme l’un des plus difficiles à établir et à démontrer. Par ailleurs, les études de l’impact d’un projet en mer doivent impérativement traiter de l’incidence du projet non seulement sur la biodiversité mais aussi sur la pêche professionnelle et sur la ressource halieutique. Elles doivent également prendre en compte le contexte environnemental local, avec l’intégralité des pollutions sonores préexistantes, pour permettre un débat public non biaisé
Le cadre réglementaire (études d’impact, politique de mitigation, etc.) reste incomplet. La protection nationale des espèces marines est restreinte, notamment concernant les invertébrés et les espèces végétales. Les études d’impact réglementaires des Energies Marines Renouvelables souffrent encore d’un manque de connaissances et de recherches adaptées alors que l’impact acoustique apparaît comme l’un des plus difficiles à établir, et que le débat public a besoin d’un éclairage scientifique
Conclusion : En conclusion, il apparaît que la faune marine (mammifères et poissons) est largement impactée par la pollution sonore anthropique. Trop peu d’informations sont disponibles pour généraliser une réponse des invertébrés mais, à ce stade, l’impact semble moindre.
Quand les données sont disponibles, particulièrement sur les mammifères marins et poissons, les recherches montrent que le bruit peut induire des traumatismes transitoires ou permanents de l’appareil auditif, d’autres types de lésions ou de troubles liés au stress ainsi que des réponses comportementales (réactions d’évitement notamment, changements concernant l’alimentation, la réaction aux prédateurs, etc.),éventuellement liées au masquage de signaux d’intérêt qui ne sont plus efficacement détectés ou reconnus. Dans certains cas extrêmes, l’impact des bruits d'origine anthropique peut être mortel chez ces mêmes mammifères et poissons.
Concernant l’impact acoustique des projets éoliens
offshore, il apparaît que les opérations de battage de pieux (phase de construction
des éoliennes posées) ont un impact significatif et parfois sévère pour certaines
espèces étudiées et sur de grandes distances, d’où l’importance du
développement et de la mise en place de dispositifs de mitigation. Les autres opérations
des projets éoliens (construction des éoliennes flottantes, exploitation des
éoliennes) semblent avoir un impact acoustique plus modéré mais assez variable
d’une espèce à l’autre. L’état actuel des connaissances, lacunaire concernant
notamment les invertébrés et la vie benthique mais aussi les oiseaux marins et
les tortues, ne permet pas de donner de conclusion générale.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.