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samedi 19 février 2011

Le financement de la recherche privée : Crédit impôt recherche, junior entreprise

Le financement de la recherche privée : Crédit impôt recherche/ Junior entreprise

La faiblesse de la recherche privée

En 2000, l’Europe inquiète de sa désindustrialisation et de sa perte de compétitivité, a adopté l’Agenda de Lisbonne : devenir une Europe de la connaissance, investir davantage dans l’innovation, la recherche et le développement, et pour cela, faire passer la dépense intérieure  de recherche et développement (DIRD) à 3% du PIB.
En France, et plus généralement en Europe, nous en encore sommes loin (2%) et il est clair que cet Agenda de Lisbonne ne sera pas rempli et qu’il rejoint la grande cohorte des voeux pieux et incantations européennes. C’est dommage, car il est au plus haut point légitime et indispensable à notre futur.
En France, le pourcentage des dépenses de recherche et de développement dans le PIB est de 2.07% ( 2008)  (et il est plutôt en diminution si l’on juge sur dix ans ; il était de 2.33% en 1997…).
Il est à noter que cette faiblesse de l’investissement en recherche et développement est essentiellement dû  à l’anémie de la recherche privée. La part du public (0.76% du PIB) est dans la moyenne de l’OCDE, celle du privé est plus basse (1.3% contre 1.93 aux USA et 1.77 en Allemagne par exemple).
En résumé, la recherche publique est en ligne avec l’objectif de Lisbonne de 3% du PIB, la recherche dans le privé est  largement en dessous. La France manque en particulier de « jeunes pousses » ayant poussé, de  PME ayant une activité de R et D importante dans des secteurs d’avenir.


L’aide à la recherche  privée

Pour développer les activités privées de recherche et développement, les différents gouvernement ont mis au point les outils suivants :

- les subventions OSEO, éventuellement remboursables, qui souffrent toujours du même inconvénient dénoncé depuis des années : un saupoudrage peu sélectif et assez inefficace, auquel devait remédier l’Agence pour l’Innovation Industrielle ..avant d’être dissoute dans Oseo
- le statut de la Jeune Entreprise Innovante (2004) - aujourd’hui plus de 2000 JEI Ses principales dispositions sont une exonération totale de charges sociales patronales pour les chercheurs / techniciens / ingénieurs et la réduction de l’Impôt sur les sociétés limitée à 200,000 Euros. Il concerne  les PME indépendantes de moins de 8 ans qui investissent en recherche et développement au moins 15% de leurs dépenses annuelles.
- Le crédit d’impôt recherche. Il consistait à l’origine en un remboursement de 30% de l’augmentation des budgets de recherche et développement  et était axé donc sur les gazelles , les PME en forte croissance… et était fortement insuffisant, puisqu’au moindre problème entraînant une baisse de la recherche, l’aide disparaissait. Depuis 2008, il consiste en un crédit d’impôt de 30% des recherches en recherche et développement jusqu’à 100 millions d’euros, et 5% au-delà de ce montant ( le CIR peut monter à 50% la première année et 40% la seconde année pour favoriser la création d’entreprises). Sont notamment concernés les amortissements des biens affectés à la recherche, les dépenses de personnel, chercheurs et techniciens, la R et D sous-traitée, les frais de dépôts et de maintenance des brevets…Le crédit d’impôt recherche représente environ 4.6 milliards d’euros par an
Cet effort en faveur de la recherche et du développement industriel pour combler le retard français en industries innovantes est indispensable et considérable. Son but est d’augmenter l’emploi scientifique en France et de favoriser la naissances de grosses PME dont, par comparaison notamment avec l’Allemagne, nous manquons. Encore une fois, il est de l’ampleur nécessaire, mais  est-il employé au mieux ?

Quelques critiques et améliorations possibles des Crédits impôts recherche et jeune entreprise innovante.

1) Ces dispositifs fiscaux sont revus annuellement par le Parlement. Ainsi, en 2010, le groupe parlementaire UMP, à la recherche d’économies, a proposé de cesser les exonérations de cotisations sociales pour les Jeunes Entreprises Innovantes au bout de quatre ans au lieu de sept ans. Un grand nombre d’entre elles se seraient ainsi trouvées confrontées à une brusque augmentation de l’ordre de 20% de leur masse salariale, à une période souvent critique de leur existence. C’est ce qu’il ne faut surtout pas faire
Les dispositifs Jeunes Entreprises Innovantes et Crédit d’Impôt Recherche doivent être sécurisés et non pas modifiés substantiellement chaque année, de façon à apporter une visibilité suffisante aux entreprises, surtout les PME. Ils peuvent être améliorés à la marge, en tenant toujours compte des effets des modifications sur des entreprises fragiles

2) En liaison avec cette question il est souvent indiqué que ces dispositifs fiscaux constituent une manne pour des agences spécialisées en optimisation fiscale, qui se rémunère en prenant typiquement 10% des sommes économisées aux entreprises qu’ils conseillent.
Oui, mais retour au premier point ; ce serait plus facile si les dispositions étaient plus simples et ne changeaient pas chaque année. Ceci dit, à côté des financements européens…

3) Au début essentiellement destiné aux PME, le crédit d’impôt recherche bénéficie plus aux grands groupes. Les PME représentent 80% des demandes, mais la part de crédit attribué aux  entreprises de plus de 250 salariés tend vers 80%. Il a été noté que certaines grandes entreprises, pour échapper au seuil de 100 millions d’euros (au-delà duquel le CIR n’est plus de 30% mais de 5%) ventilent leurs dépenses de recherches sur plusieurs filiales
En ce qui concerne cette optimisation fiscale aventureuse de quelques très grandes entreprises, il est évident qu’elle détourne complètement l’esprit du CIR et que celui-ci doit être attribué à l’entreprise holding et non au filiales. C’‘est une règle à préciser et quelques dizaines de dossiers à régler
Pour le reste, c’est plus compliqué :
-Le seuil de 250 salariés n’est pas pertinent. C’est précisément d’entreprises innovantes de 250 , 500,  1000 salariés que nous manquons tragiquement
- Le CIR versé aux grandes entreprises… profite aussi aux PME françaises et européennes. En effet, lorsqu’une grande entreprise décide d’un programme de recherche commun avec une PME, elle peut choisir de l’intégrer dans son assiette CIR. C’est très exactement ce type de fonctionnement en réseau qu’il faut encourager
- Il semble que l’emploi scientifique dans les grandes entreprises ait été moins touché en France qu’ailleurs, et même ait continué à croître pendant la crise 2008-2011 et que le CIR ait contribué à ce résultat
Il semble quand même l’argent du CIR n’est pas employé le plus efficacement possible lorsqu’il sert à subventionner à raison de 5% les dépenses internes de personnels des très grandes entreprises. Une part significative du CIR versé aux grandes entreprises, en particulière dans cette tranche de 5%, devrait être consacrée à financer des dépenses externes de recherche, notamment avec des PME, des start-up, ou des centres de recherche publique.

4) Le député UMP Gilles Carrez s’est indigné de ce que ce sont les « société financières » (banques, assurances disait-il) qui bénéficient du CIR, indignation qu’il s’est empressé de répandre dans les médias pour défendre une diminution du CIR.
Alors là , c’est un peu fort de café, et cela ne fait que mettre en évidence l’ignorance et l’indifférence de l’UMP en ce qui concerne la recherche. Si c’est le cas, c’est parce que les holding des très grandes entreprises figurent dans cette catégorie : on ne peut pas à la fois justement critiquer les grandes entreprises qui ventilent leur dépenses de recherche dans leurs filiales pour « optimiser » leur CIR, et celles qui jouent le jeu en l’intégrant dans leur tête de groupe.

5) LE CIR et l’emploi  scientifique en France

Au début, le CIR, crédit d’impôt accordé par le gouvernement français, était réservé au financement de la Recherche et Développement effectuées sur le territoire français. Un arrêté rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes ( arrêt Fournier, 10 mars 2005) a imposé que le CIR soit applicable à toute recherche financée dans l’Union Européenne (Roumanie, Bulgarie, Hongrie comprises)
Encore une fois, la bureaucratie européenne se comporte de manière idiote, irresponsable, scandaleuse, et le gouvernement Français ne se défend pas suffisamment, comme d’autres savent si bien le faire. S’il est évidemment légitime de développer la Recherche et Développement privée en Europe, il est tout aussi évident que ce n’est pas au seul contribuable français de le faire. Cet arrêt doit être suspendu et rediscuté. Immédiatement !
Le CIR, payé par le contribuable français, ne peut bénéficier qu’à des recherches effectuées sur le sol français, ou dans des pays ayant mis en place des dispositifs analogues permettant une réciprocité totale (défiscalisation de recherches effectuées en France)
Un CIR européen, au moins pour les grandes nations, serait d’ailleurs un excellent dispositif. L’Espagne et le Portugal ont mis en place des dispositifs assez analogues ; en dehors d’Europe, L’Australie, la Nouvelle-Zélande et surtout les USA et la Canada ont aussi ce type de dispositifs, même s’il est plus restreint.

6) le CIR  profite aussi à la recherche publique

En effet, lorsque les dépenses de recherche et de Développement concernent des contrats passés avec des Universités ou des Organismes de Recherche Publics, le CIR  est doublé. Le CIR  constitue donc  un outil privilégié pour la valorisation de la recherche publique

7) Améliorer le statut de la Jeune Entreprise Innovante

 Philippe Pouletty, Président de France-Biotech et à l’origine de la mesure a proposé d’étendre ce statut de huit à quinze ans. Il est en effet indispensable d’agir en ce sens pour atteindre l’objectif de garnir la France en grosses PME. La durée actuelle de 8 ans est clairement insuffisante. Dans la plupart des domaines innovants: biotechnologies, défense, aéronautique, spatial, matériaux, énergies nouvelles, nanotechnologies, semi-conducteurs, les investissements nécessaires sont très importants (souvent des centaines de millions d’Euros par entreprise) et l’entreprise ne devient viable qu’après dix à vingt ans. En biotechnologie par exemple, moins de 200 entreprises dans le monde, sur environ 2500, sont bénéficiaires et ce 12 à 20 ans après leur création.
Pour autant, l’exonération de charges sociales patronales devrait-elle être étendue à quinze ans ? C’est en contradiction avec l’objectif d’équilibre des comptes sociaux. Il faut réfléchir  en tous cas à ce seuil critique et inadapté de huit ans et sans doute envisager une transition plus progressive à un statut normal
Une possibilité est de remplacer les exonérations de charges sociales par un CIR renforcé (par exemple de 50% sur cette période de 15 ans.

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