Bel article dans
Le Monde (5 août 2015) de cet été sur
la Station Biologique de Roscoff, un fleuron du patrimoine historique français
– un patrimoine quelque peu inconnu et négligé, pourtant prestigieux. Elle a
été fondée en 1872 par le Pr. Lacaze Duthier, dans une belle bâtisse du
XVIIIème siècle, la maison Corbière – à
l’époque les scientifiques étaient choyés - et
s’occupait de zoologie marine. Elle est un exemple d’un programme
ambitieux d’étude marine lancé par plusieurs savants, dans toute l’Europe,
entre 1859 et 1900 ; la France, en raison de la variété des mers qui
bordent ses côtes et avec la volonté de jouer un rôle scientifique important en
ce domaine, a eu une politique particulièrement ambitieuse avec la construction
d’environ une douzaine de stations : Concarneau, Arcachon, Endoume,
Banyuls, Wimereux, Sète, Tatihou (dans le Cotentin), le Portel, La Seyne sur
Mer, Monaco, Monaco. Et déjà, autour de cette biologie marine, une ambition
scientifique internationale : la
station de Villefranche sur mer, fondée en 1882, est confiée en 1884 au
biologiste russe Alexis de Korotneff et devient la première station russe de
biologie marine, dépendant de l’Université de Kiev.
Un des points
fort de la station biologique marine de Roscoff
est la recherche sur les algues, un sujet naguère considéré comme
vieillot et peu excitant, maintenant en pleine explosion grâce à la génomique,
et les espoirs d’utiliser les algues pour produire des carburants :
« Dominées par des études très naturalistes, les algues sont maintenant
abordées comme un matériel vivant qui apporte des connaissances
nouvelles » (Philippe Potin, Directeur de recherche). Et ce que la
génomique permet de faire de ces très vieux végétaux est vertigineux :
« Nous avons accès à des lignées évolutives que les milieux terrestres
n’ont pas, nous pouvons remonter dans l’évolution jusqu’à 1500 millions
d’années. Et les environs de Roscoff sont particulièrement adaptés : on y
trouve 700 espèces d’algues : laminaires, fucus, porphyra ou nori, ulva,
maërl…). En jouant simplement de cette variété biologique, des conditions de
culture, des aliments, et, de façon plus sophistiquée du génie génétique, il
est possible de transformer certaines algues en véritables réacteurs chimiques
capables de fournir des molécules variée, originales, élaborées.
La station de
Roscoff est en train de retrouver la notoriété internationale qui fut celle des
stations biologiques marines françaises. Elle compte trois cent permanents,
avec deux unités de recherche mixtes CNRS université, et une équipe
franco-chilienne, autre très grand pays maritime, avec 600 km de façade
maritime, s’étendant d’un climat tropical à l’Antarctique. La SBR collabore
aussi avec l’Inde, où elle est partie prenante dans la création du premier
institut indien de biologie marine de standard international, et également avec
la Chine, pour une entreprise industrielle de culture de l’algue brune saccharina
japonica. Une ambition retrouvée, un atout pour la diplomatie scientifique de
la France, un moment chère à Laurent Fabius ( mais aujourd’hui négligée au
profit du tourisme ?).
L’article du Monde oublie d’ailleurs de mentionner cet
autre grand succès de la SBR, la roscovitine,
dont le nom indique assez la provenance, molécule marine naturelle découverte
par des chimistes de Roscoff et actuellement développée, ainsi que certain
derives, dans le traitement de cancers résistants (cancer du poumon à cellules non
petites) et d’autres pathologies ( elle appartient à la classe en plein
développement des inhibiteurs de kinase et est développée par Manros Therapeutics
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