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mercredi 16 septembre 2015

La laïcité, la liberté et le goût en questions

Laïcité et repas de substitution

Article remarquable dans Marianne du 28 aout d’Eric Conan sur la laïcité. A propos des repas dits de substitution, il se réfère à la mise au point  de François Barouin et d’André Laignel, respectivement PS et UMP : « C’est aux familles de s’adapter aux règles de l’Ecole républicaine et non l’inverse, le double choix à la cantine n’étant pas une obligation, mais une latitude. Il rappelle aussi les directives ministérielles précisant que lorsque le repas annoncé à l’avance ne convient pas, l’enfant est autorisé à apporter son panier repas. Le repas de substitution n’est donc pas une obligation, mais une possibilité. Le problème est que cette possibilité est de plus en plus revendiquée agressivement, qu’elle est de plus revendiquée gratuitement – très peu de mairies ont mis en place la tarification spéciale prévue par le ministère pour le surcoût des menus de remplacement et le font supporter à l’ensemble des usager- et qu’elle est une étape vers d’autres revendications religieuses, telles la viande halal (revendication jugée pas extravagante par le Conseil Français du culte musulman), ou l’existence de tables communautaires dans les cantines…Il cite également Marcel Gauchet «  les municipalités s’empêtrent dans toutes sortes d’ « accommodements raisonnables » avec des groupes qui affirment chacun le droit d’imposer leur mode de vie. Ce qui, pratiquement, fait une coquille vide la laïcité, qui était la prévalence des valeurs et des mœurs communes sur les particularités ». Il se fait aussi l’écho des producteurs de porcs. En effet, cantines crèches et centre sociaux vont de plus en plus au plus simple et suppriment le porc de leur menu. Ainsi, les jeunes français se voient privés de ce qui constituait un fleuron du goût français, la charcuterie : « Nous sommes extrêmement préoccupés de l‘exclusion de plus en plus fréquente de viande de porc et des produits de charcuterie des cantines françaises…Le goût se forme dès l’enfance, et le respect de chacun ne devrait pas nuire à la possibilité d’avoir accès à toute la richesse gastronomique de notre pays et à son patrimoine culinaire ».

La « laïcité positive »

Sous ce terme de « laïcité positive », certains essaient de faire passer d’étranges ragoûts. L’un de leur principal support intellectuel, M. Jean Bauberot, auteur de la « laïcité falsifiée » présente ainsi la laïcité comme liberté de penser et de croire ». Le bon apôtre et la bonne laïcité que voilà ; non la laïcité n’est pas la liberté de croire que les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes, ni encore de croire que l’apostasie est un crime, ni la liberté de leur imposer de porter un voile,  ni qu’il est obligatoire de manger la viande d’animaux égorgés vivants, ni qu’il est interdit de se mêler à ceux qui ne mangent pas halal, ni que les mariages forcés sont légaux… Dixit Bauberot : «  La laïcité signifie trois choses : L'État est sécularisé, la liberté de croyance et de culte est entière, enfin les croyances (religieuses ou non) sont égales entre elles. Ainsi la laïcité signifie la neutralité de l'État, au service des droits de l'homme et de la liberté de conscience ». Eh bien non, l’Etat n’est pas neutre et la liberté de croyance et de culte ne saurait être entière ; elle ne saurait comporter des prescriptions hostiles aux valeurs fondamentales de nos sociétés
Laïcité positiviste contre laïcité positive

La conception française de la laïcité, souvent mal comprise à l’étranger et aujourd’hui contestée, résulte d’une construction idéologique et historique, dans laquelle le courant positiviste a joué un rôle important, notamment dans la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905). Il s’agissait de mettre fin à une situation que la Revue occidentale résume ainsi : « ce n’est pas le régime de l’Église libre dans l'État libre, mais celui de l’Église armée dans l’État désarmé ». Il est je crois assez clair que nous ne voulons pas revenir à ce régime.

Selon la conception positiviste, expliquée notamment par le rapport Edger (Revue Occidentale 1904), « Dieu n’est plus d’ordre public ». Ou encore : « L’Homme n’est plus citoyen du Ciel, mais de la Terre ».  La laïcité, selon les positivistes (mais je crois qu’on peut accorder que c’est aussi ce qui caractérise la laïcité française plus généralement) n’est pas qu’un moyen de faire exister une société où puissent s’opposer sans se détruire diverses conceptions religieuses. Son ambition est plus large. Pour l’individu, la laïcité accomplit la promesse d’émancipation issue du cartésianisme et des Lumières ; elle permet le franchissement du formidable écart qui sépare, suivant le mot d'Auguste Comte, « les esclaves de Dieu des serviteurs de l'Humanité ». Aucune société, pensait Comte, ne peut vivre sans une « doctrine sociale commune ».  La laïcité est au cœur de la doctrine sociale commune de la République, elle n’est pas négociable, et, en ce sens l’état laïc n’est pas neutre : il ne peut traiter de la même façon les doctrines qui acceptent et celles qui refusent la laïcité. Si la liberté d’expression doit être respectée, il en va autrement des comportements, menaces, pressions quelconques, sans parler des violences. Et les cantines ?

Eliminons tout de suite la solution typique démocrate chrétienne du repas végétarien comme repas de substitution non religieux – ceux qui souvent ne mangent pas viande chez eux le soir n’en mangeront pas non plus le midi. Et une conclusion simple : Le repas de substitution pour raison religieuse n’a pas à être proposé. La laïcité impose même d’informer les élèves qu’ils ont le droit de ne soumettre à aucune prescription religieuse, qu’ils ont la liberté de goûter et de manger tout ce qui leur est proposé, que la seule loi  qui s’applique à l’école publique  est la loi de la République.

Ceci dit, il n’est nullement interdit,  et même approprié, de proposer deux plats principaux pour ceux qui n’aimeraient pas l’un des deux.
 

 

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