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mercredi 12 octobre 2016

Prix Nobel de Chimie 2016 : des artistes de la Chimie !


Le Prix Nobel 2016 de Chimie a été attribué au Français Jean-Pierre Sauvage, au Britannique Fraser Stoddart et au Néerlandais Ben Ferringa. Cette édition du Nobel a été qualifiée de fondamentale, car il est vrai qu’elle récompense des travaux entrepris depuis longtemps, dont les éventuelles applications pratiques sont encore assez lointaines. Mais s’il existait un  Nobel d’esthétique ou d’architecture, nul doute que les récipiendaires l’auraient également obtenu tant l’architecture complexe des molécules qu’ils synthétisent est fascinante.

Jean-Pierre Sauvage, de l’Université de Strasbourg,  ouvre la marche en 1983. Il fait une découverte fortuite, celle d’une molécule en forme de chaîne, constituée de cycles moléculaires comme autant de maillons entrelacés. La première molécule de la famille des «caténanes» venait d’être identifiée.

Un caténane est une architecture moléculaire formée d'au moins deux macrocycles imbriqués l'un dans l'autre, formant une sorte de chaine (en latin catena). Ces deux cycles imbriqués ne peuvent pas être séparés sans casser au moins une liaison covalente d'un des deux cycles. Voici un des premiers exemple de caténane – merci wikipedia !)


Et pour le fun, un tour de force réalisé par James Fraser Stoddart, l’olympiadane, qui reproduit la structure des anneaux olypiques.

En 1994, Jacques Sauvage parvient à mettre au point une caténane dans laquelle un anneau est fixe, tandis que l’autre se déplace autour de manière contrôlée, en présence d’énergie. Il a ainsi conçu le tout premier embryon de machine moléculaire, un concept  qu’améliorera beaucoup Ben Ferringa.
Dans le bestiaire nouveau apprivoisé par les trois chimistes figurent aussi des rotaxanes, molécules constituées d'un macrocycle lié mécaniquement à un fragment moléculaire linéaire qui le traverse de part en part.
Dans un rotaxane, le macrocycle peut tourner autour de l'axe de l'haltère comme un volant ou il peut glisser sur son axe d'un site à un autre. Le contrôle de la position du macrocycle sur l’axe peut permettre au  permet au rotaxane de fonctionner comme un interrupteur moléculaire, chaque position possible du macrocycle correspondant  à un état différent de l'interrupteur. Et le mieux est qu’avec beaucoup de travail et d’ingéniosité, on peut construire des rotaxanes où les déplacement du macrocycles peuvent être contrôlées à volonté en agissant sur des paramètres chimiques ( polarité du solvant, acidité, potentiel oxydant) ou physique (action de la lumière). Il a da(illers été découvert que quelques molécules naturelles fonctionnent suivant ce principe (l'ATP synthase, peptides à nœud de cystine, cyclotides, peptides-lasso).
La synthèse de ces molécules représente un véritable défi chimique, un tour de force époustouflant.
L’approche historique, basée sur la chimie classique des polymères, a consisté en différentes stratégies de cyclisation, en espérant que tout se passe bien et que statistiquement, une partie des molécules synthétisées auront les caractéristiques voulues. Les réactions doivent être pratiquées avec de très faibles concentrations, les rendements sont minuscules. Bref, cette méthode est remplacée par des synthèses utilisant la chimie supramoléculaire, une spécialité de Strasbourg et du prix Nobel  Jean-Marie Lehn. Les molécules sont préorganisées de façon à réagir le plus possible dans le sens voulu grâce à l’emploi de  patrons moléculaires, qui, par des liaisons faibles ( liaisons hydrogène, métaux de transition) prédisposent les molécules subtstrats favorablement. Dans ces conditions, avec beaucoup de travail, de connaissance, peut-être de chance, il est possible d’arriver à des rendements élevés sur de grandes quantités.  par des interact La deuxième approche utilise une préorganisation supramoléculaire Rotaxanes et caténanes sont prêts à faire irruption dans notre monde, menant possiblement à une électronique moléculaires aux capacités étonnantes.
En attendant, fin 2016 devrait avoir lieu à Toulouse  un évènement qui montre comment ont progressé les découvertes de Sauvage, Stoddart et Ferringa. Il s’agit de la NanoCar Race, la première course internationale de molécules-voitures. Positionnées sur la ligne de départ, face à un circuit construit atome par atome sur une surface d'or, les nano-cars, qui ne font que quelques nanomètres de longueur, seront prêtes à démarrer, activées par de brèves impulsions électriques. Comme lors d'une course de Formule 1, chaque équipe devra parcourir le plus vite possible le circuit, depuis les deux atomes représentant le départ jusqu'aux deux atomes d'arrivée.
Bon, la course ne sera pas visible à l'œil nu mais pourra être suivie grâce à  un ensemble de microscopes « à effet tunnel » unique au monde, situé à Toulouse. Devraient être présentes des équipes de Toulouse, du Texas et d’Autriche, de Dresde, de l’Ohio, de Tsukuba. Voilà à quoi devrait ressembler la voiture française :
Reste une question : le long travail de chimie fondamentale qui a permis à Jean-Pierre Sauvage de développer sa chimie des moteurs moléculaires serait-il encore possible dans les temps présent, avec l’importance de la recherche finalisée et la très harassante ANR ( Agence Nationale de la Recherche) et les multiples évaluations croisées françaises et européennes, plus prores à couler des projets vraiment innovants qu’à les encourager ? Il serait intéressant de connaitre ses commentaires sur l’état actuel de la recherche en France

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