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vendredi 7 octobre 2016

Tous les médicaments ne sont pas du Solvadi-Sarepta

J’ai déjà eu l’occasion dans plusieurs  blogs de dire combien je trouvais injustifiées les attaques contre Gilead et son médicament contre l’hépatite C, le solvadi (sofosbuvir), et contre son prix, justifié quant au service médical rendu, et même d’un point de vue économique ; d’autant que de nombreuses firmes pharmaceutiques ont eu en main des molécules assez analogues et n’en ont rien fait car Gilead a inventé un double système de prodrogue très sophistiqué qui permet  d’assurer une concentration maximale du produit à son site d’action et constitue une véritable innovation qui permettra sans doute d’autres avancées.
Les contempteurs de l’industrie du médicament devraient réserver leur attention et leur hostilité à d’autres cas où effectivement certaines sociétés pharmaceutiques se comportent en véritables ruffians, manipulant des patients désespérés pour obtenir des avantages et des profits indus. C’est le cas notamment pour la firme Sarepta et son anticorps eterplisen

Sarepta : la stratégie du margoulin

La myopathie de Duchenne, est une terrible maladie génétique, résultant de l’altération de la dystrophine, une protéine responsable de la force musculaire. L'incidence est estimée  à 1 sur 4000 - les garçons sont quasi exclusivement  atteints.  Les malades sont généralement en fauteuil roulant à partir de l'âge de 12 ans et  l'espérance de vie  est d’environ 25 ans, la principale cause de mortalité étant l’affaiblissement du muscle cardiaque.
Il n’existe aucun traitement et exploitant  la détresse des patients, la  firme Sarepta vient d’obtenir de la FDA l’autorisation de mise sur le marché de l’eterplisen, malgré l’opposition d’une grande partie des experts  de la FDA. Cet accord a été obtenu dans le cadre d’une procédure accélérée réservée aux maladies orphelines, ici détournée de son objectif. 
A l’appui de sa demande, Sarepta a présenté à la FDA un dossier d’étude clinique de huit ( !) jeunes garçons ; les niveaux de dystrophine des patients traités par l’eteplirsen étaient en moyenne  de 0,93 % celui de normal après 3 ans et demi, à peu près le même que dans les patients DMD non traités avec le médicament. Autrement dit, le pseudo médicament est inactif. Et non seulement, il est inactif, mais sa toxicité n’a pas été suffisamment évaluée.
En plus Sarepta a menti et l’un des directeurs de la FDA a eu ce commentaire inhabituellement sévère:  « Je manquerais à mon devoir si je ne faisais pas remarquer que le promoteur de l’étude a fait preuve d’une grave irresponsabilité en jouant un rôle dans la publication et la promotion des données sélectionnées lors de l’élaboration de ce produit. Non un article trompeur a été publié en ce qui concerne les résultats de l’étude 201/202147 – qui n’a jamais été rétracté — mais Sarepta a également publié un communiqué de presse en se fondant sur l’article trompeur et ses conclusions. »
« Accorder l’approbation accélérée ici sur la base des données présentées pourrait empirer la situation des patients souffrant de maladies pour lesquelles il n’existe pas de traitement — tant en décourageant les autres firmes pharmaceutiques de mettre au point des traitements efficaces pour la myopathie de Duchenne qu’en encourageant les autres compétiteurs à ’obtenir une autorisation pour qes affections graves avant qu’ils aient investi le temps et la recherche nécessaire pour établir si un produit a une action clinique bénéfique. Si nous devions approuver l’eteplirsen sans preuves substantielles nous pouurions rapidement nous retrouver en position d’avoir à approuver une myriade de traitements inefficaces pour les groupes de patients désespérés. »
Manipulant des patients désespérés et un bataillon d’avocats très chers et très puissants – au point qu’un responsable de la FDA a estimé que si Sarepta avait dépensé les mêmes moyens et la même énergie à étudier son produit, ils auraient déjà en main des résultats permettant de se prononcer valablement sur son intérêt-, Sarepta est cependant parvenu à obtenir un agrément de la FDA. L’argument du responsable qui a accordé l’autorisatuon contre l’avis de la plupart de ses collègues était curieux : il ne s’agissait pas de savoir si l’eteplirsen était efficace ( c’est un « placebo scientifiquement élaboré » selon l’avis de ceux qui ont étudié le dossier), mais de prendre en compte le fait que Sarepta devait être recapitalisé pour pouvoir continuer. Ceci au moins fut un franc succès, sur fonds de possibles conflits d’intérêts : l’après-midi même de l’annonce, l’action de Sarepta augmenta de 86%.



Et Sarepta annonce son intention de proposer son pseudo médicament sur le marché européen, où il faut donc s’attendre aux mêmes manœuvres de margoulins.
Espérons que les agences européennes auront le courage et la légitimité scientifique pour s’opposer à ce type de manœuvres qui risquent autrement de devenir de plus en plus communes. Ce n’est pas gagné, et c’est un combat qui devra être mené devant l’opinion publique.


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