J’ai déjà eu
l’occasion dans plusieurs blogs de dire
combien je trouvais injustifiées les attaques contre Gilead et son médicament
contre l’hépatite C, le solvadi (sofosbuvir), et contre son prix, justifié
quant au service médical rendu, et même d’un point de vue économique ;
d’autant que de nombreuses firmes pharmaceutiques ont eu en main des molécules
assez analogues et n’en ont rien fait car Gilead a inventé un double système de
prodrogue très sophistiqué qui permet d’assurer
une concentration maximale du produit à son site d’action et constitue une
véritable innovation qui permettra sans doute d’autres avancées.
Les contempteurs
de l’industrie du médicament devraient réserver leur attention et leur
hostilité à d’autres cas où effectivement certaines sociétés pharmaceutiques se
comportent en véritables ruffians, manipulant des patients désespérés pour
obtenir des avantages et des profits indus. C’est le cas notamment pour la
firme Sarepta et son anticorps eterplisen
Sarepta : la stratégie du margoulin
La myopathie de
Duchenne, est une terrible maladie génétique, résultant de l’altération de la
dystrophine, une protéine responsable de la force musculaire. L'incidence est estimée à 1 sur 4000
- les garçons sont quasi exclusivement atteints. Les malades sont
généralement en fauteuil roulant à partir de l'âge de 12 ans et l'espérance de vie est d’environ 25 ans, la principale cause de
mortalité étant l’affaiblissement du muscle cardiaque.
Il n’existe aucun
traitement et exploitant la détresse des
patients, la firme Sarepta vient
d’obtenir de la FDA l’autorisation de mise sur le marché de l’eterplisen,
malgré l’opposition d’une grande partie des experts de la FDA. Cet accord a été obtenu dans le
cadre d’une procédure accélérée réservée aux maladies orphelines, ici détournée
de son objectif.
A l’appui de sa
demande, Sarepta a présenté à la FDA un dossier d’étude clinique de huit
( !) jeunes garçons ; les niveaux de dystrophine des patients traités
par l’eteplirsen étaient en moyenne de 0,93
% celui de normal après 3 ans et demi, à peu près le même que dans les patients
DMD non traités avec le médicament. Autrement dit, le pseudo médicament est
inactif. Et non seulement, il est inactif, mais sa toxicité n’a pas été
suffisamment évaluée.
En plus Sarepta a
menti et l’un des directeurs de la FDA a eu ce commentaire inhabituellement
sévère: « Je
manquerais à mon devoir si je ne faisais pas remarquer que le promoteur de
l’étude a fait preuve d’une grave irresponsabilité en jouant un rôle dans la
publication et la promotion des données sélectionnées lors de l’élaboration de
ce produit. Non un article trompeur a été publié en ce qui concerne les
résultats de l’étude 201/202147 – qui n’a jamais été rétracté — mais Sarepta a
également publié un communiqué de presse en se fondant sur l’article trompeur
et ses conclusions. »
« Accorder
l’approbation accélérée ici sur la base des données présentées pourrait empirer
la situation des patients souffrant de maladies pour lesquelles il n’existe pas
de traitement — tant en décourageant les autres firmes pharmaceutiques de
mettre au point des traitements efficaces pour la myopathie de Duchenne qu’en
encourageant les autres compétiteurs à ’obtenir une autorisation pour qes
affections graves avant qu’ils aient investi le temps et la recherche
nécessaire pour établir si un produit a une action clinique bénéfique. Si nous
devions approuver l’eteplirsen sans preuves substantielles nous pouurions
rapidement nous retrouver en position d’avoir à approuver une myriade de
traitements inefficaces pour les groupes de patients désespérés. »
Manipulant
des patients désespérés et un bataillon d’avocats très chers et très puissants
– au point qu’un responsable de la FDA a estimé que si Sarepta avait dépensé
les mêmes moyens et la même énergie à étudier son produit, ils auraient déjà en
main des résultats permettant de se prononcer valablement sur son intérêt-,
Sarepta est cependant parvenu à obtenir un agrément de la FDA. L’argument du
responsable qui a accordé l’autorisatuon contre l’avis de la plupart de ses
collègues était curieux : il ne s’agissait pas de savoir si l’eteplirsen
était efficace ( c’est un « placebo scientifiquement élaboré » selon
l’avis de ceux qui ont étudié le dossier), mais de prendre en compte le fait
que Sarepta devait être recapitalisé pour pouvoir continuer. Ceci au moins fut
un franc succès, sur fonds de possibles conflits d’intérêts : l’après-midi
même de l’annonce, l’action de Sarepta augmenta de 86%.
Et Sarepta annonce son intention de proposer son pseudo médicament sur le marché européen, où il faut donc s’attendre aux mêmes manœuvres de margoulins.
Espérons
que les agences européennes auront le courage et la légitimité scientifique
pour s’opposer à ce type de manœuvres qui risquent autrement de devenir de plus
en plus communes. Ce n’est pas gagné, et c’est un combat qui devra être mené
devant l’opinion publique.
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