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samedi 25 août 2018

A bas le progrès ! : l’Europe, la génétique et les obscurantistes


Zinc Finger, CRISPR-Cas9, Talen- La nouvelle révolution des NBT

La génétique a fait ces dernières années d’énormes progrès. Trois enzymes récemment découvertes,  les nucléase à doigt de zinc (ZFN), les nucléases effectrices de type activateur de transcription (TALEN) et surtout CRISPR-Cas9 (enzymes jouant un rôle dans l’immunité bactérienne) permettent maintenant d’éditer de façon précise le génome (l’ADN) d’une cellule, de la couper en certains endroits sélectionnés, de changer la place d’un gène et son niveau d’expression, de corriger un éventuel défaut. Leur utilisation en médecine pour soigner des maladies génétiques,  bien que complexes s’avère déjà prometteuse et donnera un espoir à des malades  qu’on ne savait à présent ni guérir, ni même soulager.

Leur utilisation en agriculture est plus simple. Elles permettent de créer des variétés soit plus résistantes à certaines maladies (un million de morts dus au mildiou en Irlande pendant la grande famine de 1845-1848), une meilleure adaptation à de nouvelles conditions climatiques (tiens, ça on risque maintenant d’en avoir vraiment besoin), ou bien augmentant leurs qualités nutritionnelles. Ainsi, CrispR_Cas 9 a permis de créer une variété de maïs résistante à la nécrose létale du maïs et de  de favoriser l'expression d'un gène connu pour accroître la tolérance du maïs à la sécheresse en remplaçant le promoteur associé par un promoteur augmentant sa fréquence d'expression. Les TALENs sont utilisées pour développer la résistance du riz aux bactéries xanthomonas et également  pour inactiver un gène en partie responsable de la synthèse d'acides gras chez le soja, augmentant ainsi la part des acides mono-insaturés et réduisant celle des acides gras saturés, améliorant ainsi la qualité nutritionnelle de l'huile extraite de la variété de soja concernée.

Ces nouvelles techniques sont regroupées sous le nom de NBT (New Breeding Techniques), pour les différencier du génie génétique et de la notion d’organismes génétiquement modifiés. Il s’agit certes de techniques de génétiques, mais dans ces cas, il n’y pas d’insertion de gènes extérieurs, seulement une réorganisation pouvant réprimer ou au contraire augmenter l’action de certains gènes déjà présents. Ces techniques reproduisent fidèlement les phénomènes de mutation (mutagénèse) à l’origine de la sélection par croisement, telles que les pratiquent de manière immémoriale éleveurs et cultivateurs. Simplement, l’empirisme est remplacé par une démarche plus sûre, plus rationnelle, plus efficace, ce  qui nous permettra de répondre en temps utiles aux défis qui se posent. Par exemple, il  a fallu plus de vingt ans aux chercheurs de l’INRA pour créer par croisements interspécifiques une vigne résistante au mildiou, ce qui laisse largement le temps aux catastrophes et aux ruines de se produire ; les techniques actuelles le permettraient en moins de trois ans.


Il faut clarifier la directive sur les OGM pour bénéficier des nouvelles techniques de mutagenèse

Or, la Cour de justice de l’UE a récemment assimilé ces nouveaux organismes NBT à des OGM, alors que ce sont des organismes dont le génome a été altéré sans y insérer un ADN étranger.  Pour l’ex-député Jean-Yves Le Déaut et la sénatrice Catherine Procaccia, ex président et actuelle vice –présidente de l’Office Parlementaire des choix scientifiques et technologiques, il est urgent de clarifier la directive pour bénéficier des nouvelles techniques de mutagénèse. Ils ont signé dans Le Monde du 21/08/2018 une tribune courageuse et assez détonante intitulée Il faut clarifier la directive sur les OGM. Extraits :

Etats et Commission des responsabilités non assumées :  « Depuis près de dix ans, l’incertitude prévaut dans l’Union européenne sur la qualification juridique des nouvelles biotechnologies (New Breedings Techniques, NBT). En droit européen, la « directive 2001/18 » exempte les techniques de mutagénèse de ces dispositions, considérant que pour ces techniques, « la sécurité est avérée depuis longtemps ». C’est ce que précise un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) tout en soulignant que la législation de l’Union n’a pas été modifiée au regard de l’évolution de ces techniques.
En repassant ce dossier épineux à des comités d’experts successifs, puis maintenant au juge européen, la Commission et les Etats membres n’ont pas assumé leurs responsabilités car ce n’est pas au juge de définir la politique de l’Union européenne sur un sujet aussi important. Il s’agit d’une décision de nature politique, qui relève de la compétence de la Commission européenne, en lien avec les Etats et leurs comités d’experts »

Sur les OGM : « L’activisme d’associations qui depuis plus de vingt ans ont frappé l’opinion publique en parlant de risques sanitaires a petit à petit produit ses effets, y compris dans l’arrêt de la Cour Européenne de Justice. Pourtant aujourd’hui, avec vingt ans de recul, les agences nationales, européennes, internationales, les académies concluent toutes à l'absence de risques sanitaires. Les responsables politiques et les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans ont souvent reculé ou démissionné et petit à petit le dossier OGM s’est enlisé. Cela risque de recommencer avec les nouvelles technologies »

« Les NBT constituent une révolution, puisqu’elles sont à la fois simples, rapides, précises puissantes, peu coûteuses, universelles et très prometteuses, notamment dans les domaines de la médecine et de l’agriculture. C’est une ère post-OGM qui s(annonce pour l’agriculture. »

«  Il serait paradoxal que, comme pour les OGM, l’Union Européenne et ses Etats membres s’accommodent du départ des chercheurs vers ces pays (USA, Chine, Brésil…) et de l‘importation de produits issus de ces techniques venant de ces pays, tout en interdisant sur notre territoire la recherche, l’expérimentation et la culture. Une nouvelle fois, l’Europe va être pénalisée. »

«  Avec la prolifération de la fausse science, c’est la nature même du progrès qui est remise en cause. Cette évolution inquiétante prend sa source dans la confusion de plus en plus marquée entre ce qui relève des savoirs issus d’une démarche scientifique rigoureuse et ce qui relève de croyances ou de manipulations. En fait, n’est-il pas plus dangereux de manipuler les esprits que de modifier les gènes ».

On ne saurait mieux dire, et bravo à Jean-Yves Le Déaut et à Catherine Procaccia, et espérons qu’ils seront entendus.

Tiens, au fait, où est passé le Président de l’Office Parlementaire des choix scientifiques et technologiques, Cedric Villani ? Perdu corps et surtout âme ? Allons, on a maintenant bien compris qu’il préfère à la vérité et au courage de tortueuses stratégies politiques, et que le savant a été remplacé par un politicien plus sinueux que les professionnels de l‘ancien monde, et qu’il ne prendra aucun risque pour assumer des positions qui risqueraient de déplaire à Jupiter et autres olympiens et de nuire à ses ambitions personnelles. Dommage, c’est une grande déception.

16 chromosomes réduits à un seul !

Le même numéro du Monde (21/08) annonce une nouvelle scientifique qui montre bien que nous allons encore vers bien des surprises et de nouveaux progrès en biologie : les 16 chromosomes d’une levure de bière ont été raboutés en deux chromosomes par une équipe américaine, et en un seul par une équipe chinoise, et cela sans compromettre la viabilité de la levure ! En dehors du défi scientifique et technique, cela aussi annonce une autre ère pour les OGM simples. Car les OGM dont le génome a été ainsi réaménagé ne peuvent plus se croiser avec les organismes souches, et tout risque de contamination se trouverait ainsi évité !

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