Une catastrophe attendue
La rupture dramatique d’un barrage au Laos à Atteupeu
le 21 juillet 2018 a causé la mort de 130 personnes au moins, annonce un régime
dont la principale vertu n’est pas la transparence, mais c’est en réalité un
millier de villageois dont on est sans nouvelles. Cinq
milliards de mètres cubes d’eau – l’équivalent de plus de deux millions de
piscines olympiques – ont été brutalement libérés par la rupture
d’une retenue de 770 mètres de long et 16 mètres de haut. Encore les laotiens
ont-ils relativement eu de la chance. Le projet de 410 mégawatts, qui devait
entrer en service en 2019, consiste en deux barrages principaux et cinq
retenues auxiliaires qui devaient permettre de détourner trois branches de
rivières. C’est une digue secondaire qui a cédé, et non un des
ouvrages principaux du complexe hydroélectrique. Par ailleurs, la province
d’Atteupeu est très faiblement peuplée, avec moins de 10 habitants au km2, ce qui explique
que seuls quelques milliers de personnes sont affectées !
C’est une société coréenne, SK Engineering & Construction, qui était responsable du chantier. Ingénieurs
et autorités locales ont mis en cause les
pluies extraordinairement abondantes de la mousson. Mais, selon le spécialiste Olivier Ducourtieux (Libé, 24 juillet 2018), « la question n’était pas si un accident
allait arriver, mais quand. Depuis une quinzaine d’années, il y a un rush vers
les investissements hydroélectriques au Laos. Des dizaines de barrages ont été
construits ou sont en projet. Or l’Etat n’a ni les capacités techniques et
humaines ni la volonté politique de réguler sérieusement ces opérations. A la
fin des années 90, un des premiers projets, celui de Nam Theun 2,
porté par le français EDF, avait donné l’opportunité aux ONG et aux militants
de faire des études sociales et environnementales. Refroidi par la complexité
du dossier, le pouvoir laotien a ensuite donné la priorité à des partenaires
asiatiques locaux qui ne parlent qu’un seul langage, celui du dollar. Ces
projets construits dans des zones reculées à un rythme extravagant,
déconnectés les uns des autres, passent sous le radar médiatique. Une telle
défaillance était dans l’ordre des choses ». De fait, la branche ingénierie et construction de SK a annoncé que
la partie haute du barrage auxiliaire avait été emportée» dans la soirée de
dimanche, alors que le barrage était loin d’être plein, avant qu’il ne cède, un
jour plus tard. Les fortes pluies ont bon dos, c’est bien plutôt un vice de
construction qui est en cause. Par ailleurs, il semble que SK Engineering ait tardé à prévenir les habitants du danger.
Le Laos tire de l’exportation de l’énergie
hydroélectrique une source de revenus importante, exportant la majeure partie
de l’électricité vers les pays voisins comme la Thaïlande, et des dizaines de
barrages sont en construction, par des sociétés chinoises et coréennes essentiellement.
Comme expliqué plus haut, après le barrage de Nam Theun 2, l’enjeu que représentent ces barrages
pour un pays resté extrêmement pauvre, aux mains d’une des dernières dictatures
communistes, dont la transparence et le respect de la vie humaine ne sont pas
les qualités principales, a conduit à un relâchement de la sécurité.
Une
énergie propre, mais dangereuse- le scandale de la privatisation des barrages
électriques
L’énergie hydroélectrique est par
excellence une énergie propre et pilotable – c’est la première source d’énergie
renouvelable dans le monde qui représente 20% de l’électricité produite (11% en
France, 95% en Norvège, qui n’aura pas de peine à atteindre ses objectifs
climatiques), elle n’est pas sans inconvénients, notamment par une centaine de
milliers de personnes déplacées pour Yaryceta en Argentine et Les Trois Gorges
en Chine.
Mais surtout, l’énergie hydroélectrique est dangereuse :
entre 1969 et 2000, 11 accidents de barrages ont causé plus de 30,000 morts –
en France, Malpasset en 1959 421 morts.( pour mémoire, Fukushima, 0
morts)
Alors,
il faudrait que, en France, en Europe et
partout dans le monde, les barrages hydroélectriques soient aussi bien surveillés
et contrôlés que les centrales nucléaires par leurs autorités de contrôle ;
et se dire que certains des barrages français, qui datent de plus de cinquante
ans, doivent faire l’objet de restaurations urgentes.
Et,
bien sûr, c’est la première chose que feront les concessionnaires privés qui
reprendront les barrages d’EDF en France !
C’est
dire que la privatisation des barrages hydroélectriques, plus ou moins imposée
par la Commission de Bruxelles, mais que la France de Macron, contrairement aux
autres pays européens applique avec zèle , est non seulement une erreur
économique, non seulement une aberration en ce qui concerne un service public
de l’eau usines, pêcheurs…)qui organise la vie de vallées entières et des
usagers de l’eau ( agriculteurs, agglomérations, mais en plus une menace
majeure pour la sécurité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.