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samedi 22 septembre 2018

Politique climatique et énergétique : retour au sérieux ?


La démission de Nicolas Hulot aura eu au moins un effet heureux (en fait même) plusieurs, dont celui de libérer un certain nombre de paroles sur la politique énergétique (cf. aussi mon blog précédent à propos du grand débat sur la loi de programmation de la politique énergétique, finalement  assez instructif). Deux exemples récents du Monde :

Julien Aubert (30 août 2018) : « Le départ de Nicolas Hulot est une chance pour revenir à un développement raisonnable » Extraits :

Caution libérale et zig-zag permanents

« Plutôt que de protéger la planète, la politique engagée par Nicolas Hulot servait de paravent pour faire oublier la politique néolibérale d’Emmanuel Macron… Emmanuel Macron, en maître funambule, avait choisi l’écologie pour faire contrepoids à ses penchants néolibéraux. L’opération était doublement bénéfique : premièrement, elle permettait de rallier à son panache Nicolas Hulot, un homme engagé et respecté pour son parcours loin des sirènes politiciennes ; deuxièmement, Emmanuel Macron endossait le rôle de leader de la communauté internationale sur le sujet du réchauffement, imitant le style de Barack Obama. »

Sur le fond, en prônant des taxes sur les émissions de CO2, Macron ne faisait pas violence à ses convictions profondes. Il ne faisait que défendre une politique écologique fondée sur un raisonnement néolibéral d’incitation à la modification des comportements individuels pour sauver la planète. Les mêmes recettes vantées depuis vingt ans par le G7 et qui n’ont, au passage, strictement rien enrayé dans la progression des émissions. Une fois sur la route, l’attelage Macron-Hulot a cependant abouti à des zigzags permanents. »

Des choix technologiques absurdes  et la filière nucléaire dénigrée :

Loin de se voir offrir une visibilité industrielle, la filière nucléaire a été dénigrée avec la complicité de certains membres du gouvernement, en laissant entendre que la réduction du nombre de centrales se poursuivrait, comme cela avait été voté sous le mandat Hollande, ou en publiant au Parlement des rapports alarmistes sur la sûreté et la sécurité nucléaires. Le gouvernement a tordu le bras d’EDF pour que l’entreprise annonce des investissements massifs dans l’énergie solaire alors qu’elle peine à faire face à ses projets nucléaires actuels et aux défis futurs. Si nous voulons sécuriser notre avenir énergétique, lors nous devons amorcer le remplacement du parc nucléaire par la troisième génération et donner de la visibilité aux sites pour éviter une catastrophe sociale ».

« Dans le même temps, Emmanuel Macron a fait tout son possible pour faciliter  les projets éoliens terrestres, levant texte après texte tous les obstacles juridiques, les recours et abaissant les coûts de raccordement. Pour l’éolien posé en mer, il a validé des concessions qui coûteront aux contribuables des dizaines de milliards d’euros, sur vingt ans avec le rachat de l’électricité produite. Là encore, personne n’a pris le temps de regarder la catastrophe allemande qui, en faisant le pari de l’éolien, a fait exploser nos gaz à effet de serre. »

« Si l’on veut vraiment réduire les émissions de CO2, alors redéployons les financements actuels des énergies renouvelables vers le nucléaire et l’hydroélectrique. Si l’on veut vraiment protéger les paysages, interdisons l’éolien terrestre, maritime posé et luttons contre l’artificialisation des terres victimes du bétonnage marchand. (NB : un socle d’éolienne terrestre est fabriqué en coulant dans le sol 1 500 !!! tonnes de béton sur une armature composée d’un treillis de ferraille mise dans une cavité creusée par des bulldozers et des pelleteuses)

Conclusion : «  le départ de Nicolas Hulot est salutaire, car l’écologie est une idéologie »

Autre tribune : Marc Fontecave, Professeur au Collège de France, Le Monde (4 septembre 2018) N’attendons pas de révolution écologique, avançons à petits pas. Extraits :

Ecologie : « Il n’y a aucune chance de voir une révolution se réaliser »

« Nicolas Hulot a quitté son poste en déplorant la faiblesse des moyens engagés pour l’écologie, mais la sauvegarde de l’environnement exige des avancées technologiques et politiques qui ne se décrètent pas »

« La preuve est faite à nouveau. Un militant « vert » ne peut pas être ministre de l’écologie. Tout simplement parce que l’idéologie environnementale sur laquelle est construit son engagement s’accommode difficilement des contraintes non seulement économiques, politiques et sociales, mais également scientifiques et technologiques dans lesquelles le monde réel peut effectivement évoluer. Cette idéologie semble en effet partir de trois principes fondamentaux, à la fois profondément faux et inopérants.

Le premier, c’est que la catastrophe, dont l’homme par essence poison pour la nature serait le seul responsable, est imminente et qu’il faut agir dans une urgence extrême pour à la fois transformer en profondeur le système économique mondial, redonner sa chance à la biodiversité et changer les modes de vie des 7 milliards d’habitants de la planète.
Le second, c’est que chacun de ces habitants serait déjà convaincu de la nécessité de ce changement, convaincu que la seule question digne d’intérêt serait celle de l’écologie, ce qui est malheureusement inexact.
Le troisième, c’est que toutes les solutions technologiques appropriées, notamment pour décarboner l’énergie (remplacement des énergies fossiles et du nucléaire par les énergies renouvelables ; stockage des énergies intermittentes ; mobilité électrique ; etc..), condition supposée unique pour limiter le réchauffement climatique, seraient déjà disponibles et qu’il n’y aurait plus qu’à les exploiter. »

« De sorte que, si après un an ou deux en responsabilité, ce ministre « vert » ne constate que des « petits pas », comme l’a déploré Nicolas Hulot en annonçant sa démission, il ne peut en effet que désespérer, accuser son adversaire préféré, les lobbys, sans qu’on sache vraiment ce qui est lobby et ce qui ne l’est pas, et finalement démissionner »
(NB : et en effet, consciemment ou bien manipulé, Nicolas Hulot a bien servi le lobby des margoulins de l’éolien ! »)
« La réalité, disons-la clairement, car il vaut mieux que le citoyen la connaisse au lieu de croire à la possibilité d’un grand soir écologique. En matière de système énergétique et de comportement humain, les changements possibles ne sont pas de nature révolutionnaire. La tâche est colossale et les transformations souhaitées occuperont plusieurs générations. L’éveil des consciences à ces enjeux énergétiques, climatiques et environnementaux, compliqué par la très grande diversité  des situations économiques, sociales et culturelles de chacun , demande une pédagogie ouverte et un très grand optimisme dans l’homme, pour essentiel absent des discours des représentants de cette idéologie environnementale. Le temps du progrès scientifique et technologique, celui des transitions énergétiques est un temps long… Aucune révolution technologique dans l’histoire de l’humanité ne fur le produit d’une décision politique ou d’un décret. »
«  Enfin, l’impact de la France sur le dérèglement climatique est si faible, si on le compare à celui des Etats- Unis, de la Chine ou de l’Inde qu’on ne cesse d’être étonné par l’importance données aux mesures que pourraient prendre nos gouvernements seuls. La France ne compte environ que pour 1 % du CO2 produit par l’ensemble des activités humaines de la planète ( cette situation particulièrement vertueuse s’explique par notre choix historique et qu’une politique de lutte contre le gaz à effet de serre ne peut pas, comme c’est le cas aujourd’hui, être une politique antinucléaire, l’exemple de l’Allemagne illustre cette contradiction ».

Il n’y a en réalité qu’une seule politique, c’est celle, réaliste, pragmatique et optimiste des « petits pas » Cette somme de petits pas pendant des dizaines d’années constituera « un bond de géant pour l’humanité » pour reprendre ce message merveilleux de Neil Armstrong sur la Lune »

Commentaire : 

Le changement climatique et la transition énergétique, également rendue obligatoire par la raréfaction des ressources non renouvelables, doivent être pris très au sérieux, et pour cela reposer sur des bases scientifiques et technologiques solides – et cela est tout simplement incompatible avec l’idéologie verte et la présence des représentants de cette idéologie en responsabilité  à l’environnement et à l’énergie, incompatible avec des politiques antinucléaires.  
Reconnaissance de l’urgence oui, mobilisation nécessaire, oui, besoins de recherche et d’innovation technologiques majeures, oui. Mais pas la panique,  dont savent très bien profiter de très louches intérêts idéologiques et financiers.
Si l’on prend au sérieux le changement climatique, dont la réalité a été établie par les scientifiques du GIEC, il serait peut-être temps de confier aussi la responsabilité de sa conduite aux scientifiques et non aux idéologues, ou, en tous cas, de les écouter davantage.



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