Europe et Eurokom
Dans un de mes précédents blogs, je
m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a
donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité
géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses
institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à
construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je
propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et
l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne.
Libéralisation de
l’énergie : bravo et continuons !
Escroquerie à la
TVA sur les quota de carbone : 5 à 10 milliards d’euros
La
fraude à la TVA sur les quotas de carbone, parfois improprement appelée «
fraude à la taxe carbone », c’est selon la Cour des Comptes, l’escroquerie du siècle. En 2005,
l'Union européenne, pour lutter contre le réchauffement climatique, a une idée
géniale et très libérale : quoi de mieux que de faire confiance aux marchés !
Créons pour cela une bourse du carbone
qui permet l’échange de droits (ou quotas) d’émission de CO2, le principal gaz
à effet de serre. Chaque année, des quotas étaient attribués aux entreprises
les plus polluantes, qui pouvaient les revendre si elles n’avaient pas atteint
leur plafond ou racheter ceux des entreprises qui n’avaient pas dépensé les
leurs. Pour être encore plus citoyen et surtout plus libéral, le marché s’ouvre
à toutes les sociétés, pollueuses ou non. On institue une TVA (taxe sur la
valeur ajoutée) sur ces quotas achetés hors taxe et revendus toutes taxes
comprises (TTC) – l’Etat se chargeant d’avancer la TVA. Pour faire plus libéral
encore, il n’y a aucun contrôle a priori
sur la réalité des acheteurs et des vendeurs.
Ah
oui, mais des escrocs spécialistes de l’arnaque à la TVA, il y en a ; et
ils se sont précipités dans cette faille, parvenat à prélever systématiquement
et efficacement les 20 % de TVA sur chaque transaction. Jusqu’à gagner, pour
certains d’entre eux, plus de 500 000
euros par jour !
La
recette est assez simple : il
s'agit d'acheter des quotas hors TVA dans une société fictive dans un
pays étranger, avant de les revendre en France à une autre société fictive à un
prix incluant la TVA, puis de disparaitre (dissoudre la société) avant de
reverser la TVA à l’Etat.
Et
les escrocs se sont montrés très actifs : le marché européen des échanges
de quotas de CO2 a été victime d’échanges frauduleux depuis dix-huit mois. Dans certains pays, jusqu’à 90 % du marché
du carbone était le fait d’activités frauduleuses.
Conclusion :
Face à cette fraude qui a permis de détourner entre 1,6 et 1,8 milliard d'euros
en France en 2008 et 2009 et entre 5 et 10 milliards d'euros pour l'ensemble
des États membres de l’Union européenne selon Europol, la TVA sur les quotas a
été supprimée !.
Commentaire
du Procureur financier de la République : « L’espace de liberté que
les Etats ont créé n’a qu’un seul antécédent, celui de la haute mer. Ce
phénomène criminel, ce n’est pas la mafia, c’est la piraterie. »
Voilà une belle définition des politiques
de libéralisation !
Manipulations
boursières et gros profits sur le gaz
C'est une grande première
et elle mérite qu'on s'y arrête. Une amende de 5 millions d'euros a été infligée au négociant Vitol pour de
sérieuses irrégularités sur le marché de gros du gaz. La Commission de
régulation de l'énergie (CRE) a annoncé en début de semaine des sanctions pour
manipulation de marché sur le marché de gros de l'énergie. En l'occurrence,
c'est le comité de règlement des différends et des sanctions (Cordis) qui est à
la manœuvre. Le bras armé du régulateur en termes de surveillance des marchés a
décidé, après une longue enquête de la CRE, d'infliger une amende de 5 millions
d'euros au négociant Vitol, basé aux Pays-Bas. Les faits incriminés courent sur
la période allant de juin 2013 à mars 2014. De quoi s'agit-il exactement? La
CRE a repéré les étranges manœuvres de Vitol sur le marché de gros du gaz
contraires à l'intégrité et à la transparence des marchés. À plusieurs
reprises, tôt le matin , quand le marché était encore peu liquide - avec donc
peu de transactions -, le négociant passait beaucoup d'ordres de vente qui
avaient pour effet de faire baisser les prix. Plus tard dans la journée, quand
le marché redevenait plus actif, non seulement Vitol pouvait acheter des
volumes à un prix attractif à la suite de quoi il annulait les ordres de vente
passés un peu plus tôt. Le procédé s'est répété suffisamment de fois pour pour
que la CRE s'empare du dossier et saisisse le Cordis. Vitol n'est pas un petit
acteur du paysage énergétique. Fondé à Rotterdam en 1966, le néerlandais
s'appuie sur quelque 40 représentations dans le monde et commercialise
quotidiennement plus de sept millions de barils de pétrole brut et de produits
dérivés.
Le cas de Vitol ne serait
pas isolé. Même si la CRE refuse d'en dire beaucoup plus, plusieurs enquêtes
portant sur la surveillance des marchés de gros sont ouvertes actuellement. Ni
les noms des sociétés concernées ni le calendrier des procédures n'est
communiqué.
La libéralisation du marché du gaz, ou le retour
aux immenses scandales boursiers du début du XXème siècle !
Une autre
absurdité : la privatisation des barrages hydroélectriques.
Donc la Commission Européenne a décidé d’imposer la
concurrence sur l’énergie hydroélectrique. Pourtant, il s’agit d’un marché
naturellement limité et concernant des ressources publiques – 1) on ne peut pas
construire autant de barrages que l’on veut. 2) C’est une industrie où la
sécurité est primordiale et le profit ne peut être le seul moteur – les
barrages ont tué plus que le nucléaires. 3) C’est un secteur qui a été
relativement négligé ces dernières années et qui nécessite de gros
investissements, pour la sécurité et aussi pour augmenter la productivité, et
les expériences étrangères montrent que les opérateurs privés ne les feront
pas. 4) Enfin, l’énergie hydroélectrique constitue une énergie durable et
écologique au plus haut point, et une énergie d’appoint mobilisable à volonté
lorsqu’une pénurie menace, justement ce dont nous avons le plus grand
besoin !
Mais aucune de ces considérations n’est de nature à faire
reculer la secte libérale au pouvoir à Bruxelles ! Et devant les
réticences de la France, la très redoutable et rigide Commissaire à la Concurrence, Margareth
Vestager a expédié en novembre 2015 un véritable missile : « La
Commission considère que les mesures par lesquelles les autorités françaises
ont attribué à EDF et maintenu à son bénéfice l’essentiel des concessions
hydroélectriques en France sont incompatibles avec l’article 106 du traité sur
le fonctionnement de l’Union européenne. ». Das ist Klaar ?
Les Allemands ont gentiment expliqué à
la Commission que leurs monopoles régionaux équivalent à une concurrence au
niveau national, et que donc, ils ne feraient rien ; les
Portugais se sont dépêchés de faire passer leurs concessions de service public
sur l’hydroélectrique à cent ans ; l’Autriche a choisi 80 ans, ce qui
laisse aussi le temps de voir venir les prochaines Commissions. La Norvège et
la Suède ont carrément choisi de garder le contrôle public de leurs barrages –
ce qui n’empêche pas les Suédois d’être candidats à la reprise de barrages en
France.
Mais la France, elle, va obtempérer.
Le fait que les barrages hydrauliques,
non seulement produisent, avec le nucléaire, la seule énergie électrique
décarbonnée, pilotable ; que leur entretien et les conditions de leur
exploitation doivent impérativement faire passer la sécurité avant les profits
( les catastrophes liées aux barrages ont fait beaucoup plus de mort que le
nucléaire) ; qu’ils ne font pas que produire de l’électricité, mais gèrent
aussi la ressource hydraulique de toute une vallée, pour les agriculteurs, pour
les pêcheurs, pour des activités de loisir diverses ; qu’ils jouent un
rôle important dans la sécurité des centrales nucléaires en assurant un débit
suffisant à leur refroidissement, bref qu’ils sont impliqués dans des missions
de service public et même de sécurité publique, tout cela impose une
conclusion : les barrages
électriques ne doivent pas être privatisés !
L’ensemble des organisations syndicales
s’oppose à cette libéralisation de la production hydraulique. CFDT, CFE-CGC,
CGT et FO sont allés manifester devant la Commission Européenne sur le mot
d’ordre : « Stop à la casse du modèle hydroélectrique français et au
bradage des concessions hydrauliques ! » Face à la volonté de la Commission
européenne d’ouvrir à la concurrence l’exploitation des barrages, les syndicats
de l’énergie veulent défendre « le patrimoine hydroélectrique français et ses
missions de service public » et entendent « mettre en garde les
eurodéputés contre les conséquences des choix de la Commission, notamment sur
la gestion des ressources en eau de ces barrages » actuellement gérés en
majorité par EDF. On trouvera d’autres éléments sur le site de la CGT,
qui mène une campagne exemplaire (avec FO et la CFE-CGC) pour sauver le service
public de l’électricité (voir https://www.mainbassesurlenergie.com),
et notamment le fait qu’en cas de pénurie d’électricité, il sera très tentant
pour les exploitants des centrales hydrauliques d’attendre le
quasi-effondrement du réseau pour profiter du prix spot le plus élevé
possible !
Les syndicats n’ont pas été entendus. La
voix de la raison non plus. Les leçons de l’expérience de libéralisation
californienne de l’électricité, qui a conduit à un effondrement toatl, puis à
une renationalisation, non plus.
C’est pourquoi il est urgent de quitter cette
Europe-là !
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