Europe et Eurokom
Dans un de mes précédents blogs, je
m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a
donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité
géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses
institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à
construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je
propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et
l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne
L’Europe met le paquet vers toujours plus de libéralisation
La commission européenne a livré en 2018 son 4ème paquet (le
Winter Package !) de recommandations et directives
intitulé « une énergie propre pour tous les européens ».
Ces textes ont vocation à devenir – après vote du parlement européen, puis du
conseil, des règlements d’application immédiate dans tous les
secteurs concernés ou des directives à transposer en droit français avant mise
en œuvre.
L’Europe de l’Energie (après celle de la métallurgie et du
charbon !) s’est mise en route au début des années 1990. Le premier paquet
concerna la libéralisation du marché de l’énergie ; le deuxième paquet
(2003 ) a organisé un accès régulé des tiers au marché et la
libéralisation pour tous les particuliers. Le troisième paquet (2009) a imposé
l’indépendance des GRT (réseaux de transport) et un réseau européen de
gestionnaires de réseaux de transport, l’ENTSOs.
Donc l’Europe ne s’est soucié jusqu’à présent que d’une seule chose :la dérégulation
du secteur de l’énergie, démanteler le service public, piller le patrimoine des
citoyens des différents états au service de firmes privées.
Ce quatrième paquet énergie, aussi l’occasion de montrer comme l’Europe (l’Eurokom)
dysfonctionne. Ce sont 5000 pages porteuses
d’éléments à forts impacts pour l’avenir des salariés, des entreprises, des
clients, qui vont encore plus dans le sens de la libéralisation du marché de
l’énergie et de la dérèglementation, au point de mettre en péril
l’accès égal de tous à l’énergie, et d’ailleurs l’accès à l’énergie
tout court. Or parmi les rapporteurs des textes au parlement
européen, il n’y a aucun parlementaire français, et selon la pratique
européenne, Il ne faut pas compter sur des marges de manœuvre possibles lors
de la déclinaison !!! au parlement français – il sera alors trop
tard. Et le calendrier politique en France ne facilite pas l’implication des
hommes politiques français- à l’exception notable des Sénateurs de
l »’Ancien Monde » ( c’est-à-dire pas des beni oui oui du libéralisme
d’En Marche) qui à travers un rapport sénatorial très fourni ont publié une
très sévère et inquiète mise en garde : cf. Rapport n°435 de la Commission
des Affaires économiques, 22 février 2017, L. Poniatowski, J. Bizet et M.
Delebarre)
Les points principaux mis en avant dans ce quatrième paquet
par la Commission sébatoriales sont les suivant :
La suppression des tarifs régulés, tel que les tarifs
réglementés de vente (TRV) de l’électricité
Les textes demandent un arrêt immédiat des
tarifs particulier réglementés de l’électricité et du gaz. Outre les pertes de
part de marché attendues pour les entreprises et l’impact sur les emplois
commerciaux du segment particulier, la mesure est sans justification dès lors
que ces tarifs sont contestables par les fournisseurs alternatifs. Leur
suppression expose le consommateur d’autant plus que d’autre
mesures rendent obligatoires de proposer au consommateur une tarification
dynamique (indexée sur le prix marché) et qu’une autre prévoit le
déplafonnement total des prix de gros de l’électricité et
l’interdiction d’un prix plancher…
Une tarification dynamique qu’es aco ? une
étude de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) montre qu’un pic
extrême aboutirait à multiplier par 1000 la valeur du prix
horaire, soit en une heure l’équivalent d’une semaine ou un mois de
consommation. C’est lorsque vous aurez vraiment besoin de chauffage que vous le
paierez très très cher !!!!
Les Mécanismes de capacité remis en cause et les contrat
long terme non confortés… Vers le black out
!
Les mécanismes de capacité (ils sont indispensables pour
assurer la sécurité d’approvisionnement électrique aux périodes de pointe de
consommation), dans un contexte durablement marqué par l’essor de la production
d’électricité intermittente devraient se trouver confortés. Pourtant
il n’en est rien : conditionnés à la réalisation d’une étude à l’échelle
européenne, révisés annuellement et qui plus est sans cadre de
réciprocité entre états membres, comment pourraient-ils conforter les
investissements et mener une politique de long terme ?
De manière assez étrange, les mécanismes de
capacité allemands reposant sur des centrales à charbon !!!! se trouvent
confortés tandis que ceux d’EDF seraient invalidés. Comme quoi le
lobbying européen est important et certains le pratiquent mieux que d‘autres.
Droit des « communautés d’énergies
renouvelables » de produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie…
mais aucune étude sur la stabilité du réseau et la fin de l’égalité tarifaire
(péréquation géographique)
Avec le développement des ENR et leurs intégrations
le droit des « communautés d’énergies renouvelables » de produire,
consommer, stocker et vendre de l’énergie est affirmé (ainsi que le
droit à l’autoconsommation d’ENR individuelle et collective et à la vente des
surplus d’électricité). L’encadrement de ces nouveaux modèles
énergétiques plus décentralisés est absolument nécessaire pour préserver la
solidarité entre les territoires et la péréquation tarifaire. Aucune
des conséquences possibles et gravissimes sur l’optimisation des réseaux et la
sécurité même de l’approvisionnement ne sont envisagées, non plus que sur la
robustesse du mode de financement des réseaux. Fort légitimement, le Sénat
s’est intéressé aux effets néfastes attendus sur l’égalité entre les
territoires et la péréquation et a publié un rapport très critique sur
la quatrième paquet.
Tout cela s’ajoute au lourd bilan des paquets précédents.
Le lourd bilan
des paquets précédents : la loi Nome !
La mécanique (made in Bruxelles) infernale de la loi Nome
(la libéralisation) est implacable : Lorsque les coûts de production d’EDF
sont supérieurs à ceux d’un marché surcapacitaire, EDF n’a pas le droit de
vendre à perte à ses clients, mais doit produire à perte pour ses
« compétiteurs » qui, eux, feront des bénéfices, en revendant à un
coût supérieur auquel EDF les livre. Et lorsque les coûts de production
d’EDF sont inférieurs à ceux du marché, EDF est obligé de vendre une partie de
son électricité à ses compétiteurs.
Exemple tiré de La France dans le Noir
(remarquable ouvrage de M. Hervé Machenaud ( Les Belles
Lettres) « C’est ainsi qu’avec les
premiers froids de l’hiver 2016 et l’indisponibilité d’un certain nombre de
centrales nucléaires, les prix ont beaucoup monté en Europe , en particulier
sous l(effet des importations réalisées par EDF. . Les concurrents d’EDF se
précipitent sur son électricité nucléaire titre Le Figaro du premier décembre.
Pourquoi se gêneraient-ils ? Acheter 42 euros un MWh qu’ils vont revendre
(éventuellement à EDF) 70 euros n’est-il pas tentant ?... Un monde de
fous ! « Obliger EDF à vendre à ses concurrents à 42 euros le MWh
risque de peser sur sa rentabilité déclare Paul Marty, analyste chez
Moody’s.
Exemple par l’absurde : le premier janvier 2018,
il faisait relativement bon, il y avait du vent. Production très importante
éolienne en France et en Europe, sauf qu’il n’ y avait aucun besoin industriel
et peu de vesoin domestique. Résultat sur le
marché l’électricité était achetée à 82 euros le MW par EDF (prix
garantis Cochet oblige) et vendue à -15 euros ! le MW, ce qui
coûte aux Français 97 euros le Mw ! Le lobby des margoulins de l’éolien
remercie bien l’Europe et les Verts !
Le lourd bilan des paquets précédents : la privatisation des barrages
hydroélectriques.
Donc
la Commission Européenne a décidé
d’imposer la concurrence sur l’énergie hydroélectrique. Pourtant, il s’agit d’un
marché naturellement limité et concernant des ressources publiques – 1) on ne
peut pas construire autant de barrages que l’on veut. 2) C’est une industrie où
la sécurité est primordiale et le profit ne peut être le seul moteur – les
barrages ont tué plus que le nucléaires. 3) C’est un secteur qui a été
relativement négligé ces dernières années et qui nécessite de gros
investissements.
Eh bien, rien n’ y
fait, et la très redoutable et rigide
Commissaire à la Concurrence, Margareth Vestager a expédié en novembre
2015 un véritable missile : « La Commission considère que les mesures
par lesquelles les autorités françaises ont attribué à EDF et maintenu à son
bénéfice l’essentiel des concessions hydroélectriques en France sont
incompatibles avec l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne ». A l’inverse de ce pays socialo-bolchevik, qu’est la Suisse,
qui défend et investit généreusement dans son service public d’Etat de
l’électricité hydraulique, l’Europe nous impose un bradage et une dégradation
de l’hydroélectrique. Inquiets, révoltés, déboussolés, les hydrauliciens d’EDF ont fait, coup sur coup, deux grèves
très suivies, dans une indifférence assez
générale (plus de 60% de grévistes)
L’énergie est trop
sérieuse pour être abandonnée au marché, surtout si l’on veut respecter les
objectifs de la COP21. EDF doit pouvoir rester un champion de l’hydraulique en
France et à l’étranger
La folie de la
secte libérale de l’Eurokom
C’est donc une concurrence non pas normale, mais de nature
parasitaire, qu’a mis en place la folle politique européenne de
libéralisation de l’énergie. C’est une recette infaillible vers la catastrophe
économique et sociale. Il suffisait de savoir comment a tourné la
déréglementation de l’électricité en Californie en 1990 ; en moins de dix
ans, elle a provoqué une catastrophe nécessitant la fin de l’expérience, avec
de nombreuses pannes, des prix en hausse et un parc de production fortement
dégradé. Pourquoi ? Les producteurs privés n’ont eu aucun intérêt à des
investissements lourds pour maintenir ou améliorer la production et la
distribution de l’électricité… puisqu’il leur suffisait de vendre de plus en
plus cher une électricité de moins en moins abondante !
Toutes les
caractéristiques, toutes, absolument toutes, du « marché » de
l’électricité : produit non stockable, besoin d’adaptation immédiate à la
demande, lourds investissements et grande intensité capitalistique, garantie
d’approvisionnement, garantie absolue de sécurité, égalité des clients et des territoires,
besoin essentiel de l’industrie et des particuliers pointent vers ceci :
le marché de l’électricité n’est pas un marché comme les autres, il ne
peut pas, quant à son cœur de métier, être libéralisé.
Mais la secte libérale de l’Eurokom ne veut rien entendre
et met le paquet vers toujours plus de libéralisation. Il faut les arrêter, et
sortir de cette Europe-là.
Quelques commentaires du rapport sénatorial (Rapport n°435 de la Commission des Affaires économiques-
très instructif sur le mode de gouvernement de l’Eurokom.
« Le dogme selon lequel le marché pur serait gage
d’harmonie absolue pour tous les consommateurs, les producteurs et les
territoires inspire largement les textes. Le passage de compétences en principe
partagées entre l’état et l’UE à une compétence européenne quasi exclusive se
fait sentir sur un certain nombre de points. L’utilisation excessive des normes
et règlements au détriment d’une ambition politique est évidente. »
« On regrettera cependant qu’un tel volume (5000
pages), en partie justifié par la technicité des sujets abordés, rende malgré
tout difficile son appropriation par les citoyens. J’ajoute que cela fait déjà
presque trois mois que les textes ont été présentés et que de nombreux volets
ne sont pour autant toujours pas traduits en français !
L’électricité est un bien de première nécessité, ce que la
Commission européenne semble oublier… »
« En matière de compétence européenne sur l’énergie,
nous sommes passés d’une compétence partagée à une compétence imposée ! »
« Toute
évaluation de la politique européenne, et en particulier, un bilan indépendant
de la Commission des étapes précédentes de la politique de libéralisation de
l’énergie s’avère impossible à obtenir : « Mon intention était
que la Commission européenne nous fournisse un rapport avec des chiffres sur
longue période, couvrant l’ensemble de l’Europe, pour comparer les objectifs
initiaux et les résultats de la construction du marché intérieur de
l’électricité. »
Ce dernier texte était une proposition d’amendement de
M. Montaugé, sénateur socialiste. Refusé
car impossible : la Commission ne
fournit aucune évaluation de ses politiques
Il y a comme un petit problème, non ?????
aussi sur https://eurokomonaimepas.blogspot.com/2019/01/presentation-de-ce-blog-debattre-de.html
RépondreSupprimer