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jeudi 3 octobre 2019

Politique énergétique : nucléaire ou effondrement ?


L’EIA américaine (Energy Information Administration) a publié le 24 septembre son International Energy Outlook(1) dans lequel elle présente ses prévisions énergétiques mondiales d’ici à 2050.

Une hausse de 70% de la demande dans les pays en voie de développement

Selon le scénario de référence de l’EIA, la consommation mondiale d’énergie primaire pourrait augmenter de 46,9% entre 2018 et 2050. Plus de la moitié de cette demande supplémentaire pourrait provenir des pays asiatiques en voie de développement (hors OCDE(2)) : la consommation énergétique de ce « groupe incluant la Chine et l’Inde » pourrait doubler d’ici le milieu du XXIe siècle selon l’EIA.

La hausse très forte de la demande envisagée dans l'ensemble des pays « hors OCDE » (+ 70% entre 2018 et 2050) s'explique par « une forte croissance économique, un accès accru à l’énergie et une croissance démographique rapide ». Dans les pays de l’OCDE, la consommation d’énergie pourrait toutefois également croître d’ici le milieu du siècle (+ 15%), cette hausse étant bien plus modérée que dans les pays en voie de développement en raison de « la plus faible croissance économique et démographique et des progrès en matière d’efficacité énergétique ».

Le vecteur électrique occupera une place importante dans la hausse de la consommation mondiale d'énergie, notamment dans le secteur résidentiel des pays en voie de développement (avec la hausse de la population et l’amélioration des conditions de vie). La production d'électricité - injectée sur les réseaux - pourrait ainsi croître au niveau mondial de 79% entre 2018 et 2050 (+ 2,3% par an en moyenne dans les pays hors OCDE, + 1% par an dans les pays de l’OCDE) selon le scénario de référence de l'EIA.

Toutes les sources d’énergie davantage consommées en 2050

Selon le scénario de référence de l’EIA, la demande mondiale va augmenter pour toutes les sources d’énergie, y compris fossiles (même si les énergies renouvelables devraient connaître la plus forte croissance sur la période). En 2050, les énergies fossiles pourraient encore compter pour 69% de la consommation mondiale d'énergie primaire, contre 80% en 2018 d'après les estimations de l'EIA.

Le charbon, fréquemment montré du doigt pour les fortes émissions de CO2 associées à sa combustion, pourrait voir sa consommation mondiale « décliner jusqu’à la décennie 2030 » (avec une transition vers le gaz et les énergies renouvelables dans le secteur électrique) mais à nouveau augmenter dans les années 2040 pour satisfaire des besoins industriels mais aussi de production d'électricité dans les pays asiatiques hors Chine.
Selon l’EIA, les émissions mondiales de CO2 relatives à l’énergie pourraient ainsi augmenter de 0,6% par an en moyenne entre 2018 et 2050 (contre + 1,8% en moyenne entre 1990 et 2018), bien loin des ambitions affichées pour lutter contre le réchauffement climatique. Si les progrès d’efficacité énergétique et le remplacement partiel du charbon par des filières moins carbonées dans le secteur électrique pourrait avoir un effet positif à court terme, l’EIA souligne le fort impact sur ces émissions de la croissance démographique et économique à plus long terme.

La part du pétrole et des autres hydrocarbures liquides pourrait encore compter pour 27% de la consommation mondiale d’énergie primaire en 2050, contre 32% en 2018 selon le scénario de référence de l'EIA. (cf. ©Connaissance des Énergies, d'après EIA)

Commentaire : Le scénario de l’EIA a le mérite de relativiser ce qui se passe dans nos pays, et il montre la nécessité d’une action au niveau mondial. L’augmentation démographique et la volonté de développement économique et social des pays hors OCDE va continuer à augmenter la demandé d’énergie de 47% jusqu’en 2050, et cela va concerner toutes les sources d’énergie. Non seulement la consommation de charbon ne vas pas diminuer, mais elle va augmente ! essentiellement à cause des pays asiatiques hors Chine. Non seulement les émissions de CO2 ne vont pas diminuer, mais elles vont continuer à augmenter ( pas bon pour le climat !).

C’est donc la catastrophe climatique, écologique, économique et sociale qui s’annonce, illustrée par les courbes diaboliques ci-joint. Avec tout de même un espoir, un seul espoir. Une montée en puissance  immédiate et important de la seule énergie décarbonée, abondante et économique, le nucléaire !





Et ce n’est pas tout ! Un danger d’effondrement ?

L'OCDE estime les impacts annuels du réchauffement climatique sur le PIB mondial entre 1 et 3,3 % en 2060 en l'absence d'actions supplémentaires sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre[1]- et, parmi les prévisions des économistes, c’est l’une des plus modérées. Qu’on n’imagine pas qu’un tel prélèvement conduira à une décroissance harmonieuse et joyeuse. Par exemple, la réforme des régimes de retraite en France constitue un point chaud social- or les scénarios élaborés par le COR (Conseil d'orientation des retraites) parient sur une croissance annuelle du PIB comprise entre 1,1 et 1,9 % d'ici à 2070.  Ca fait une sacrée différence !

Et il y a encore plus à craindre ! Des spécialistes de la transition énergétique comme MM. Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean (Fondation Hulot, Carbone 4, Shift Project) font valoir  que le PIB ignore tout simplement les consommations de stocks naturels, que nous avons déjà passé le pic de production de pétrole et probablement celui du gaz, et que les pétrolez et gaz non conventionnels s’épuisent à une vitesse inattendue, elle aussi non conventionnelle.

En fait, le réchauffement climatique risque bien de n’être que l’un, et pas le plus important, des graves problèmes auxquels nous aurons à faire face et il se combinera avec la problématique mise il y a déjà longtemps en avant par le club de Rome, celle des limites de la croissance. La moyenne mondiale annuelle de la consommation d’énergie primaire[ était en 2014 de 22 000 kWh soit 1,89 Tep par personne, ce que M. Jancovici traduit souvent en disant que nous disposons chacun de l’équivalent de 200 esclaves énergétiques. Toutes nos civilisations sont basées sur notre pouvoir de transformation du monde qu’est l’énergie.
Nous n’avons d’autre choix que de réussir la transition énergétique, et celle-ci doit permettre d‘obtenir une énergie abondante et décarbonée dans des conditions économiquement et socialement justes.

Sans le nucléaire, nous n’y arriveront pas …Et ce serait un effondrement sans précédent. En gros, ou nous vivrons avec un développement exponentiel et international du nucléaire civil (et la France, avec la Chine, la Russie les USA), personne n’est de trop, peut y jouer un rôle important et bénéfique, ou nous mourrons dans les convulsions et peut-être avec le nucléaire militaire. Au choix.



[1] OCDE, les conséquences économiques du changement climatique, editions OCDE, 2016

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