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dimanche 27 octobre 2019

Un seul Fessenheim vous manque, et le réseau saute


Les scénarios inquiétants de RTE. Elisabeth Borne en mode panique

La fermeture de Fessenheim, rappelons-le, n’a été décidée que pour des motifs politiques, pour cause de complaisance envers les écolos les plus fanatiques et les plus rétrogrades (disons EELV, pour schématiser), ceux qui « périsse l’humanité pourvu que le nucléaire périsse avant ») et aux pressions de nos chers amis allemands, dignes du Reich.

Sauf que Fessenheim ne devait être fermé que lorsque Flamanville et son superbe EPR arriverait, ce qui permettait une soudure sans problème pour la production d’énergie renouvelable en France. Or, il faut bien l’avouer, il y a eu quelques problèmes et retards dans la construction du prototype Flamanville (rappelons que les deux EPR crachant tous leurs électrons de Taishan fonctionnent parfaitement (4 milliards d’euros par réacteur de 1660 MW, 10 ans de construction).

Sauf que par conséquent, soudure il n’y a pas eu, et que la très peu courageuse Elisabeth Borne (c’est sa fête ce mois-ci sur mon blog, mais elle le mérite bien cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/10/nucleaire-quand-elisabeth-passe-les.html) commence à paniquer devant les risques d’effondrement du réseau et de black out… dont elle sera légitimement tenue responsable. Donc elle a demandé en urgence un rapport au RTE. La logique scientifique étant ce qu’elle est, inflexible, elle n’a pas été déçue du voyage.

Extraits : « En novembre 2018, RTE avait estimé dans son Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité que les 5 dernières tranches au charbon en France (situées sur les sites de Cordemais, du Havre, de Gardanne et de Saint-Avold) pourraient être fermées d’ici à 2022 - comme s’y est engagé le gouvernement - « tout en conservant un niveau de sécurité d’approvisionnement équivalent à aujourd’hui ». Pour ce faire, les fermetures devraient être progressives : elles débuteraient mi-2020 avec l’arrêt de 2 réacteurs et concerneraient 2 autres tranches en 2021 et la dernière en 2022 »

« En janvier 2019, le ministère de la Transition écologique et solidaire a demandé à RTE de présenter des analyses complémentaires dans le cas de « configurations particulièrement dégradées », par exemple dans l'hypothèse de « décalages significatifs » de la mise en service de l’EPR de Flamanville (en 2023 ou 2024), de la centrale de Landivisiau (en 2022 ou 2023) ou de l’interconnexion Eleclink. Ces nouvelles analyses évaluent également l'impact potentiel pour le réseau électrique du projet de conversion à la biomasse des 2 tranches au charbon de la centrale de Cordemais (« Ecocombust ») »

« Dans les scénarios « les plus défavorables » (« non-réalisation cumulée de plusieurs des hypothèses principales du cas de base » de RTE), le critère de sécurité d’approvisionnement électrique en France - fixé par le code de l’énergie - « pourrait ne plus être respecté en 2022 ». Le gestionnaire de réseau précise toutefois que cette situation critique se limiterait à la période hivernale et serait « transitoire (au plus tard jusqu’en 2024) » avant la mise en service de nouveaux moyens de production .Parmi les différents facteurs défavorables étudiés, « c’est le report de l’EPR qui constituerait la situation la plus pénalisante pour le système français », indique RTE (la puissance du réacteur de 3e génération est de 1 650 MW). Dans le cas « où seule la centrale de Landivisiau ou l’interconnexion Eleclink avec le Royaume-Uni ferait défaut par rapport au cas de base », le déficit de puissance sur le réseau devrait « être relativisé par rapport à l’ensemble des incertitudes existant à l’horizon 2022 », indique RTE.

Parmi ces incertitudes figurent notamment l’évolution de la consommation en France, le développement du reste du système électrique européen ou encore le « placement et le positionnement des visites décennales » des réacteurs du parc nucléaire français
Commentaire : le scenario le plus défavorable, on y est avec 1)  la fermeture de Fessenheim avant la mise en service de l’EPR, 2) une évolution de la consommation en France minorée de façon délirante par la PPE, que le RTE n’ose remettre en doute, 3) l’échec total de l’energiewende en Allemagne et l’Angleterre, qui a réussi sa décarbonation de l’énergie électrique, mais au prix  d’une fragilité extrême du réseau qui a déjà conduit à des black out important à Londres (cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/08/trop-denr-black-out-assure.html). Nous ne pourrons donc pas compter sur nos voisins en cas de problème électrique
.
Et c’est pas pour le futur, on y est déjà : Afin d'éviter le risque de black-out, RTE a baissé le courant de 20 sites industriels énergivores le 7/10/2019.  Et surtout c'est la 2ème fois que ce dispositif d'urgence anti black-out est activé depuis sa création en 2011, la fois d'avt étant le 10/01/2019...! 11 octobre rebelote :  La réalité est que ce matin RTE a publié un manque d'offre pour passer la pointe de 7h a 13h la marge de sécurité requise en cas de panne d'un moyen de production n'est pas couverte, et comme de bien entendu la tendance de la prod éolienne est en baisse ce matin...

Donc Elisabeth Borne a raison de s’inquiéter, et la question n’est plus si un black out majeur risque de se produire en France, mais quand il se produira. Et c’est la conséquence logique de décisions prises par la même Elisabeth Borne, dans la lignée de ses prédécesseurs, et dont elle sera tenue pour responsable.

La situation actuelle résulte principalement de deux décisions : la libéralisation du marché de l’électricité qui, comme partout où elle a été mise en œuvre  (cf. Angleterre, Californie) a conduit à un manque criant d’investissement dans les moyens de productions et le réseau ; la fermeture anticipée de Fessenheim qui n’a aucune justification autre que démagogique.

Les causes du black out à venir : libéralisation du marché de l’électricité (loi Nome) et fermeture de Fessenheim

Loi Nome

Comme expérimenté ailleurs et parfaitement prévisible, la libéralisation du marché de l‘électricité a conduit à l’apparition d’acteurs parasitaires qui ne produisent rien et revendent avec un bon bénéfice le courant du nucléaire historique qu’EDF est obligé de leur céder à bas prix par le mécanisme dément de l’ARENH.

« En 2010, la loi NOME met en place l’Arenh (accès régulé à l’énergie nucléaire historique). Ce mécanisme permet aux nouveaux arrivants de s’approvisionner en électricité dans des conditions économiques équivalentes à celles supportées par EDF. Le prix de l’Arenh fixé par l’État à 42 € n’a pas évolué depuis 2012. En 2018, les opérateurs alternatifs ont demandé plus de 100 TWh, soit le quart de la production nucléaire d’EDF, sans obtenir satisfaction compte tenu du plafonnement légal, ils n’ont obtenu que 75 % de l’électricité demandée à 42 €…. En 2007, lors de l’ouverture du marché à la concurrence, l’AFOC avait dénoncé le manque d’incitation à investir dans la production par les défenseurs de la concurrence à outrance. Elle avait alerté en disant que tout ceci aura des conséquences graves au regard de la sécurité d’approvisionnement qui est déjà fragilisée par le manque d’investissement… » (Communiqué FO- Energie).

Dans la grande tradition des décisions idéologiques (ici ultra libérales) – puisque ça ne marche pas, il faut continuer plus fort- le gouvernement avait décidé…d’augmenter le plafond de l’Arenh de 50 % pour les concurrents d’EDF puisse se gaver encore plus. Il semble qu’il soit en train de revenir sur cette mesure…

Fermeture de Fessenheim

Là-dessus, remarquable tribune de Maxence Cordier, l’un de ces jeunes ingénieurs (CEA, e crois) de plus en plus nombreux et actifs  qui en ont marre du nucléaire bashing et du nucléaire honteux (https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/fessenheim-symbole-de-notre-schizophrenie-face-a-lurgence-climatique-1140070?_lrsc=462ce07e-5171-48bb-922b-a06024da1f17) :

Avec la fermeture de la centrale de Fessenheim, la France va perdre l’an prochain 1.800 mégawatts de capacités électrogènes bas carbone. Cette décision politique aura des conséquences pour les émissions de gaz à effet de serre, la sécurité énergétique française et l’emploi dans le Haut-Rhin,
C’est confirmé, la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin)  fermera bien en 2020. EDF a adressé à l’Autorité de sûreté nucléaire et au gouvernement la demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale, ainsi que sa déclaration de mise à l’arrêt définitif. Il s’agit du dernier épisode d’un feuilleton entamé lors de la campagne présidentielle de 2012, lorsque le candidat François Hollande s’était engagé à plafonner les capacités de production électrique nucléaires et à fermer Fessenheim – un engagement repris par son successeur, Emmanuel Macron.
Alors que le gouvernement martèle son engagement pour le climat, on est en droit de s’interroger quant à l’adéquation entre les discours et les actes, au travers de cette décision.

Mauvaise opération pour le climat : Les deux réacteurs condamnés de Fessenheim ont une capacité de production électrique cumulée de 1.800 mégawatts (MW). Leur production sur une année est légèrement supérieure à celle de 2.800 éoliennes terrestres de 2 mégawatts (dont la production dépend du vent), soit davantage que le tiers du parc éolien français. En outre, cette production est pilotable : elle est disponible suivant les besoins et non pas quand il y a du vent ou que le soleil brille.
La production électrique nucléaire présente l’avantage d’être très faiblement carbonée : sur son cycle de vie – chaîne d’approvisionnement, infrastructures et exploitation des centrales – elle émet 6 grammes d’équivalent CO2 par kilowatt/heure (kWh) selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). La France et les pays limitrophes comptent encore de nombreuses centrales à gaz (500 grammes d'équivalent CO2/kWh) et à charbon (1.000 gCO2éq/kWh).

La fermeture de Fessenheim entraînera donc un surcroît d’émission de gaz à effet de serre compris entre 6 et 12 millions de tonnes équivalent CO2 par an, par rapport à la situation dans laquelle la centrale aurait été prolongée, du fait du recours aux centrales à gaz et charbon que sa prolongation aurait permis d’éviter. Cela correspond à une fourchette comprise entre 30 et 60 % des émissions de CO2 de la totalité de la production électrique nationale (20,4 millions de tonnes de CO2 en 2018 selon le Bilan électrique 2018 du Réseau de transport d'électricité (RTE).

Un projet alternatif peu convaincant : Dans le cadre du plan de reconversion du territoire de Fessenheim, le gouvernement a lancé début 2019 un appel d’offres pour l’installation dans le Haut-Rhin de 300 MW de panneaux photovoltaïques. Un observateur peu averti se dira peut-être que ça représente 17 % de la puissance de Fessenheim, ce qui n’est pas si mal, même si c’est insuffisant.
Cependant, les centrales nucléaires françaises ont un facteur de charge de 75 %. C’est-à-dire que l’énergie électrique fournie par les réacteurs sur une année équivaut à ce qu’ils auraient produit en fonctionnant en permanence à 75 % de puissance (ou 75% du temps à pleine puissance). Du fait de l’ensoleillement, le facteur de charge photovoltaïque dans la région Grand Est est de 13 % seulement, si l'on en croit le  Panorama de l’électricité renouvelable en 2018 du RTE.
Sur une année, les 300 MW de panneaux photovoltaïques produiront ainsi 35 fois moins d’électricité que la centrale de Fessenheim. Cela, sans compter le fait qu’une centrale nucléaire est pilotable et produit selon les besoins, même de nuit.

Menace sur l'emploi : On peut avoir tendance à l’oublier mais une centrale nucléaire est aussi une installation industrielle, comme un haut-fourneau, une aciérie ou une usine automobile. Elle emploie donc des gens et participe à l’activité économique de la région où elle est implantée. Dans le cas de Fessenheim, une analyse de l’Insee estime que «pour la région, l'existence de 1.900 emplois et les revenus de 5.000 personnes dépendent de la centrale». Même si le gouvernement soutient des projets alternatifs pour en limiter le contrecoup, l’arrêt de la centrale ne sera pas transparent pour les communautés locales.
Enfin, même s’il s’agit d’un problème bien plus vaste dont Fessenheim n’est qu’une petite composante, la plupart des pays européens ferment des capacités électrogènes pilotables – centrales nucléaires et à combustibles fossiles – sans se concerter et en comptant sur leur capacité à importer l’électricité qui leur est nécessaire en période de forte consommation. Les gestionnaires des réseaux électriques européens ne cessent d’alerter – sans succès – leurs gouvernements quant au risque croissant de coupure d’électricité majeure en Europe.
En reprenant à son compte l’engagement du président Hollande de fermer la centrale de Fessenheim, le gouvernement actuel fait preuve de schizophrénie entre un discours très clair sur l’urgence climatique, et des actions qui vont à l’encontre de la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre en France. Étant donné les enjeux vitaux portés par le changement climatique, ce manque de cohérence est grave.

Commentaire : pas mieux sauf quelques petits trucs à rajouter.

1) Fessenheim produit plus de 80% de l’électricité en Alsace, il ne faudra donc pas s’étonner (il ne faudra que Mme Borne s’étonne !) si un black out majeur se produit en Alsace, d’autant que c’est pas l’Allemagne avec son energiewende catastrophique qui pourra venir au secours des Alsaciens. (Dieu se rit de ceux qui chérissent les causes dont ils déplorent les effets, je ne pense que Mme Borne fasse rire les Alsaciens dans le futur).
2) L’électricité décarbonée de Fessenheim sera remplacée au mieux par du gaz, au pire par du charbon, français ou allemand.
3) Le surcroît d’émission de gaz à effet de serre dû à la fermeture anticipée et compris entre 6 et 12 millions de tonnes équivalent CO2 par an ; Fermer Fessenheim équivaut à autant de CO2 supplémentaire dans l'atmosphère que faire voler chaque jour 24 à 48  Airbus supplémentaires entre Paris et New York (en AR). Bravo les écolos !

En cas de black out majeur, Mme Elisabeth Borne aura du souci à se faire. Elle aura des responsabilités à assumer.


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