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jeudi 7 avril 2016

EDF et la politique énergétique : comment en sommes-nous arrivé là ? (3)


EDF, Areva et le nucléaire français : les voies du désastre.

 C’est le titre d’une étude de la passionnante et informée « Lettre Géopolitique de l’Electricité N°60 – 27 février 2016 » : EDF, Areva et le nucléaire français : les voies du désastre. (www.geopolitique-electricite.fr). Entendons-nous – il ‘sagit d’avantage d’une critique du passé (comment sommes-nous tombé si bas ?) que d’un pronostic sur l’avenir. Car la situation actu elle d’EDF et du nucléaire est le résultat de l’amoncellement de stupidités himalayennes de la part des politiques français, qui  auraient pu et dû être évitées, et qui doivent être corrigées. Les points principaux : (pour un argumentaire plus précis, se reporter au document original, il en vaut la peine !)

 La perte de compétence due au stupide affrontement EDF/Areva

 « Areva en quasi-faillite, EDF exclu du CAC40, le nucléaire français en grande difficulté, évènements invraisemblables il y a seulement dix ans. Il existe des causes communes bien plus profondes que les déboires d’UraMin. Les deux principales sont les suivantes :

 -  Une perte de compétence de l’industrie nucléaire française dans le métier d’architecte industriel-ensemblier pour la construction de centrales nucléaires. Ceci ajouté à un choix stratégique, un saut technologique avec l’EPR et non l’amélioration progressive des réacteurs existants, ont amené à des retards très importants des constructions en cours ».

 Une caractéristique importante d’EDF, présente dès son origine et mise en œuvre par Marcel Boiteux est qu’elle choisit d’être maître d’oeuvre et d’ouvrage de la construction de ses centrales, via sa Direction de l’équipement ; ce fut vrai pour les centrales hydrauliques, pour les centrales thermiques, pour les centrales nucléaires. Cette caractéristique d’EDF est fort rare chez les compagnies d’électricité, qui habituellement achètent leurs centrales clés en mains et donnait à EDF, à la fois concepteur et exploitant, un immense avantafe en terme technique et de compétitivité.

Ceci a été vrai en particulier pour le nucléaire : Le parc nucléaire d’EDF est (encore) le plus important appartenant à une seule compagnie, avec 58 réacteurs. Il a été construit en un temps relativement court, les mises en service se sont étalées de 1978 à 2002. Ce parc a une particularité : il marque l’arrivée systématique de la construction en série des réacteurs.

Ce parc nucléaire produit encore aujourd’hui 76% de l’électricité. Et contrairement à ce que l’on croit généralement , la plus vieille centrale nucléaire industrielle française est …belge : Tihange, ouverte en 1975, après six ans de travaux, et que le gouvernement belge vient de prolonger jusqu’en 2025. (Ce n’est donc pas Fessenheim 1).

Les années 1995-2000 ont été marquées par l’effacement de la Direction de l’Equipement EDF. En 2000, elle fut supprimée, les ingénieurs survivants, dont ceux travaillant au programme chinois, furent rattachés à la Direction de la Production. (Cette direction de l’équipement avait réussi en 1981 à connecter au réseau huit réacteurs, un toutes les six semaines ! Exploit jusque là inégalé de tentent de reproduire les Chinois !)

Intervint alors Framatome, devenu ensuite Areva qui, sous la direction d’Anne Lauvergeon prétendit exercer toutes les activités relevant du nucléaire civil dont la maîtrise de l’ensemble d’un chantier nucléaire, tâche que Framatome n’avait jamais assurée. Areva proposa deux types de réacteurs : L’EPR (puissance élevée, puissance élevée (1750 MWe). est un prototype et constitue un saut technologique ; des ATMEA, plus petits,  convenant mieux aux pays émergents.

EDF s’opposa aux ATME et refusa de participer à leur développement ; EDF s’opposa aux EPR et refusa de participer à leur développement. Pour cette raison le premier EPR fut vendu à la Finlande, dans des conditions déraisonnables pour un prototype ; quand EDF, sous pression du gouvernement, acquit un EPR (Flamanville), les spécifications furent telles qu’il dut être considéré comme un second prototype ! le comble fut atteint fin décembre 2009, lorsque Abou Dhabi préféra aux EPR français une offre sud-coréenne, EDF et Areva ayant été incapable de s’entendre. Conclusion : «  Au début du XXIéme Siècle, on constate que l’industrie nucléaire française ne dispose plus d’une compétence suffisante de gestion de l’ensemble d’un chantier nucléaire. ».

Pendant ce temps, en Chine, le vice–premier ministre Li Peng, lui-même ingénieur électricien, admiratif du programme nucléaire français décidera, non seulement, l’achat d’un premier réacteur identique en tous points à un réacteur français de série, mais il importera pour cette première construction notre modèle industriel. Li Peng est aujourd’hui en retraite mais le Président chinois Xi Jinping actuel est un partisan de l’énergie nucléaire. « Les dirigeants chinois ont parfaitement saisi la stratégie française nucléaire du XX éme Siècle :- ils construisent en série industrielle.- ils améliorent progressivement les réacteurs existants. » Bref, ils jouent pleinement de l'"effet parc".Et les Chinois se demandent avec effarement et quelque pitié comment le nucléaire français a pu en arriver là. La réponse : une stratégie aberrante et un manque de soutien politique, notamment face à certains écologistes.

 La faillite du marché européen de l’électricité

 La faillite du marché européen de l’électricité rend quasiment impossible la rentabilité du nucléaire. Conçu comme un ensemble libéralisé, ce marché a été vidé de sa substance par l’instauration d’une économie administrée promouvant les énergies renouvelables. Celles-ci bénéficient de subventions et de privilèges décisifs comme la priorité d’achat. Ces avantages ont suscité 800 Milliards d’euros d’investissements en dix ans et la construction de capacités de production représentant le quart de la puissance installée. Les prix de gros de l’électricité se sont effondrés, exprimant la quasi-impossibilité d’investissements dans d’autres sources d’électricité.

Ce qui se passe, c’est que les énergies subventionnées et prioritaires chassent les autres, puisque les exploitant sont contraints de les acheter et découragent l’investissement, notamment dans le nucléaire. La lettre cite les chiffre et faits suivants : « les Français qui payèrent plus de deux milliards d’aides au solaire en 2015, lui verseront plus de dix milliards de subventions de 2015 à 2018, soit plus que le coût de l’EPR de Flamanville, considéré à juste titre comme d’un prix exorbitant (on a vu pourquoi !)

En Allemagne, le Secrétaire d’Etat Vert Rainer Baake, tout en proclamant que l’éolien et le solaire deviennent compétitifs, indique que leurs aides sont de 23 milliards d’euros par an, sans évoquer une date de fin de subvention ». Et ça ne vas pas s’arranger avec la loi de transition énergétique.  « En France les énergies renouvelables coûteront, en 2016, 4,75 milliards d’euros d’aides publiques contre 3,75 en 2014 ».

En dehors de ces aides directes, la priorité au réseau est aussi une distorsion majeure, puisque les centrales classiques (nucléaires ou autres) ne peuvent écouler leur production que lorsque tout le renouvelable, quel que soit son coût réel est absorbé !

Or,  les investissements dans les autres centrales électriques restent nécessaires - parce que personne aujourd’hui ne peut dire quand le solaire et l’hydraulique deviendront compétitifs – parce que tant qu’il n’existe pas solutions techniques de stockage, le renouvelable, qui est intermittent, ne peut jouer qu’un rôle d’appoint, sous peine d’entrainer un effondrement du réseau ( et un black out)

Le pompom de l’absurdité va à l’Allemagne, qui, promouvant massivement le renouvelable et arrêtant le nucléaire a dû relancer très massivement ses centrales à charbon, au mépris complet de l’effet de serre, mais aussi de la pollution de ses voisins, ( nous Français en particulier !) Et loin de payer pour cela, elle a obtenu de la Commission européenne  a obtenu que l’extraction du charbon puisse être dégrevée des taxes finançant les renouvelables.

 « En conclusion, Le nucléaire français affronte deux difficultés majeures :

-une perte de compétence comme architecte industriel concernant la construction de centrales nucléaires. Ceci ajouté à un choix de saut technologique, l’EPR, a généré de graves retards sur les chantiers.

-les difficultés financières d’EDF causées principalement par un marché européen de l’électricité qui ne gère plus sa coexistence avec un secteur relevant de l’économie administrée et promouvant les énergies renouvelables. »
 
 
 

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