Mort d'un doyen du MIT.
L’économiste Lester Thurow, est mort, vendredi 25 mars 2016, à l’âge de 77
ans dans sa maison de Westport (Massachusetts). Cet ancien professeur et doyen
du MIT consacré l’essentiel de sa carrière à étudier les conséquences de la
mondialisation. Il fut l’un des premiers
à souligner l’importance grandissante et
néfaste des inégalités de revenus
et un avocat infatigable de
l’investissement dans la recherche pour stimuler la croissance et dans
l’éducation afin d’anticiper l’adaptation aux ruptures économiques et
technologiques et accordant un rôle important aux gouvernements
Bref il n’était pas vraiment dans la ligne ultra libérale de l’école
dominante.
Ses principaux livres sont : Fortune
Favors the Bold: What we must do to build a new and lasting global prosperity
(2003) ; Building Wealth: The new rules
(1999) ; The Future of Capitalism:
How today's economic forces shape tomorrow's world (1996) ; The Zero-Sum Solution: Building a
world-class American economy (1985). Dangerous
Currents: The state of economics (1983). The Zero-Sum Society: Distribution and the possibilities for economic
change (1980). Generating Inequality: Mechanisms of Distribution in the U.S.
Economy (1955)
Aucun n’a été traduit en français. Et c’est ainsi que l’Ecole ultra libérale
de Toulouse et Jean Tirolle passent pour prophètes en leur pays : en
supprimant toute concurrence, ce qui est quand même assez paradoxal.
Generating Inequality: Mechanisms of Distribution in the U.S. Economy (1955):
Dès son premier livre, (de 1955!), Lester Thurow se montra à la fois
critique du capitalisme tel qu’il fonctionne réellement, et visionnaire en cela
qu’il a pointé des conséquences qui n’ont fait que se développer depuis.
Quelques exemples :
Wage competition
vs job competition ; contrairement à ce qu’affirme une théorie libérale
basique des salaires, le marché du travail n’est pas un marché comme les
autres, en tous cas, il n’est pas régulé par une loi de l’offre et de la demande
sur les salaires mais par une concurrence sur les emplois eux-mêmes. Dans
le premier cas, investir sur l’éducation de base ne serait pas un choix
toujours judicieux, dans le second cas, oui. En régime de concurrence sur le travail (job competition), les gens doivent
surinvestir défensivement. C’est pourquoi Lester Thurow placera au premier rang
des rôles de l’Etat d’assurer au mieux à tous un bon capital éducatif
Rénumeration du capital et rénumeration du travail.
Des études
empiriques menées par Harvard à son instigation ont montré que l’accroissement
des impôts sur les salaires les plus élevés n’entrainent pas, au contraire, une
baisse du travail et de la performance. Lorsqu’on teste la théorie des produits
marginaux et que l’on compare la manière dot le capital est rétribué par
rapportà ce qu’il rapporte, et de même pour les salaires, la conclusion de
Thurow est que Le capital est surpayé tandis que le salarié est sous-payé….
Le rôle du hasard et le renforcement des inégalités
La richesse se crée principalement par un mécanisme de « marche au hasard »
qui ne peut qu’engendrer de fortes inégalités. En effet, personne, si bien
informé qu’il soit (sauf délit !) ne peut « battre le marché », aucun
martingale n’a été inventée qui « batte le marché », les prix des
actions réagissent rapidement au contexte, et il n’y a pas de séries
temporelles : le prix d’une action à un moment donné ne peut prédire son
évolution ; les richesses sont
créées en un temps très court, et une fois créées, elle se maintiennent par l’héritage
ou une stratégie conservatrice. La richesse apparait presque par hasard, et
ensuite la richesse va à la richesse. Ce mécanisme de marche au hasard (random
walk) est un des facteurs qui expliquent que le capitalisme aujourd’hui provoque l’explosion des inégalités.
Ceci est vrai aussi pour les entrepreneurs. La lecture de Fortune incite à penser que ceux qui réussissent
sont plus intelligents qu’intelligent, plus rapides que rapide…mais il existe
un biais profond : on ne sait rien des gens plus brillants, plus
intelligents, plus rapides que les fortunes de Fortune, et qui n’ont pas réussi. La marche au hasard semble, d’après
diverses études, être vraiment au centre de la création de richesse. Entre
entrepreneurs prenant les mêmes risques et de génie comparable se joue une loterie.
Comme dans toutes les loteries, les chances de gagner sont faibles , mais quelques-uns
gagnent. Une fois qu’une fortune est créée, elle croit au mieux de ce qu’elle
peut
The Zero-Sum Society: Distribution and the possibilities for economic
change (1980) :
L’’ouvrage comporte une critique du statut scientifique de l’économie (les
tirolliens apprécient peu en général, eux se prennent au sérieux). Citation
« En tant que citoyen vous avez à choisir la meilleure navigation parmi
de nombreux caps économiques. Comment allez-vous savoir qui a raison?...
Pourquoi est la discipline redevenu si discordante?... le fait que nous pouvons
utiliser les mots « libéral » et « conservateur » en se référant aux
économistes est particulier. Personne ne parle des chimistes libéraux ou
conservateurs, mais seulement des chimistes qui, dans leur vie privée, se
trouvent être des libéraux ou conservateurs ».
Ceci encore : « Plutôt que de dominer l’économie, le contrôle de
la demande monétaire (pierre dans le jardin des monétaristes) est lui-même
dominé par les évènements économiques et leurs ramifications politiques ».
Il insiste sur le fait que les vrais problèmes économiques viennent de la microéconomie,
et qu’il est assez vain d’ élaborer des
théories macroéconomiques sophistiquées, tant que la compréhension des
mécanismes microéconomiques restr à ce point instisfaisante.
Au contraire des ultra libéraux (« there is no such thing as
society »), il fait remarquer que « les sociétés ne sont pas de
simples aggrégats statistiques. Une société est clairement quelque chose de
plus grand que la somme des individus, contrairement à ce qu’affirme le modèle
du marché…L’Economie ne peut se passer de simplifications, mais le truc est d’utiliser
les bonnes simplifications au bon moment ; et ce jugement ne peut provenir
que d’une analyse empirique, portant sur ce qu’est Réellement le monde, et non
ce que les manuels d’économie disent qu’il devrait être »
Pourquoi le zero-sum ? Thurow prédit
deux phénomènes marquant de ces
dernières années : la paralysie des
gouvernements en matière économiques et l’accroissement des inégalités. La
raison en serait parce que les
interventions gouvernementales en matière économique sont à somme zéro :
des groupes en bénéficient, d’autres y perdent. Or, lorsqu’une mesure déplait à
une minorité bien organisée et relativement privilégiée qu’elle impacte
fortement, mais impacte faiblement et positivement la grande majorité, il y a
peu de chance qu’elle soit adoptée.. ; Les 1% gagnent trop souvent contre
les 99%. Cependant, pour Thurow cela s’applique aussi au processus de
destruction-création de Schumpeter ; ainsi il est plus facile pour un
gouvernement de venir au secours d’industries obsolètes plutôt que de favoriser
des innovations, qui, au début, ne concerneront que peu de gens.
La suite de l’œuvre de Thurow au prochain blog….
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