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samedi 13 mai 2017

Bullshits (conneries) contre mensonges

De Derida à Trump, la route du Bullshit

C’est le dernier débat à la mode chez certains de nos intellectuels, en particulier les historiens (notamment Patrick Boucheron sur France Inter), à qui Donald Trump donne des boutons Le Bullshit (entendre l’évident déni de réalité, la connerie monstrueuse- par exemple, il n’y a jamais eu autant de public qu’à mon investiture alors que la comparaison photographique avec Obama montre sans ambiguïté le contraire ) serait beaucoup plus grave que le mensonge.
Le sujet a  été abordé aux USA depuis 1986, avec le court essai devenu célèbre de Harry Frankfurt, professeur à l’Université de Princeton, On Bullshit, qui vient d’être traduit en français aux Editions Mazarines ( De l’art de dire des conneries). L’auteur y explique que le Bullshit ( l’art d’aligner les conneries) implique que le bonimenteur n’est intéressé que par ses propres objectifs, ignore et méprise la réalité, ne lui accorde aucune attention, tant et si bien qu’il perd et fait perdre à ceux qui l’écoute tout sens des réalités. Au contraire, un menteur a besoin de connaitre la réalité. « Le menteur est obligatoirement concerné par le souci de vérité,. Avant de concocter un mensonge, il doit chercher à déterminer ce qui est vrai. Et pour que son mensonge soit efficace, son imagination doit se laisser guider par la vérité ». Donc bonimenter (bullshiter) serait plus grave que mentir.
L’ironie est que ce texte ne vise pas Donald Trump ou ses émules…mais les déconstructeurs français tels Jacques Derrida, dont Harry Frankfurt considérait qu’ils avaient fait de Yale « la capitale mondiale du baratin ». Des brillants prophètes et adeptes de la « French Theory » à Trump, la route du bullshit est surprenante et devrait inciter à la modestie ceux qui n’ont pas su ou osé dénoncer une certaine déréliction intellectuelle française.

Rappels aux faits :  vrais mensonges et crime - Irak

La lecture d’un ouvrage remarquable (Or Noir, la grande histoire du pétrole, Mathieu Auzanneau , La découverte), passionnante de bout en bout, qui montre comment l’histoire est considérablement déterminée par les besoins en énergie de nos sociétés) et permet de découvrir bien des hommes et des faits considérables de l’histoire du pétrole, permet, à propos de la première guerre d’Irak, de se souvenir à quels points, contrairement aux buillshits, les vrais mensonges peuvent être tragiques et meurtriers.
Tout d’abord, l’auteur rappelle qu’Américains, branchés sur l’Arabie saoudite et Anglais, connectés à l’Iran du temps du Shah, avaient depuis très longtemps fait de l’Irak  une variable d’ajustement : lorsque saoudiens ou iraniens faisaient savoir qu’ils aimeraient augmenter leurs livraisons, c’est l’Irak qui était sommé de baisser sa production  et par conséquent ses revenus. D’où la volonté de Sadam Hussein d’échapper à ce système, par exemple en accordant une part importante de sa production à des pétroliers français.
Venons-en à l’époque de la grande guerre Iran Irak, mené par l’Irak appuyé par l’Occident et les monarchies pétrolières pour affaiblir l‘Iran. Citations
« L’Arabie saoudite et le Koweit…refusent d’effacer une partie de la lourde dette creusée par l’Irak, qui atteint près de 90 milliards de dollars après la fin de la guerre. Pire, le Koweit est accusé par Bagdad de subtiliser depuis des années le brut du champ de Rumaila… Le Koweit en a profité pour percer des forages horizontaux sous la frontière et aspirer indument l’or noir irakien. L’Irak prétend que le petit émirat lui a subtilisé pour  2.4 milliards de dollars de brut. En outre, le Koweit, ainsi que les Emirats arabes unis dépassent de près de 40% en 1990 leurs quotas de production fixés par l’Opep. Conséquence : un manque à gagner évalué par Bagdad à 14 milliards de dollars, bein plus que ce que le Koweit a preté à l’Irak pendant la guerre »
Bref le 2 aout l’armée irakienne envahit le Koweit…après que l’ambassadrice US en Irak ait affirmé à Saddam « qu’elle n’avait pas d’opinions sur ses conflits interarabes ». Citation :
« Le président Bush connait les objectifs de Bagdad et n’ignore pas qu’ils se limitent au seul Koweit. En échange de son retrait, Saddam Hussein prétend obtenir 4 milliards de dollars l’effacement de sa dette, et un réajustement de frontière  qui lui permettrait d’obtenir un accès la mer…Dès le 3 août, le président irakien a offert de retirer ses troupes et proposé de rencontrer les drirgeants arabes à Djeddah. Washington s’y oppose »

Premier mensonge donc : Saddam Hussein ne se proposait pas de conquérir tout le pétrole et n’avait en vue que des buts très limités et somme toute raisonnables, voire justifiés. Et manifestait son intention de se retirer

Deuxième mensonge : l’importance des forces irakiennes au Koweit, selon le Pentagone et ce menteur en série que se révélera  Dick Cheney entre 250.00 et 500.000 hommes. Citation :
« Au mois d’août 1990, un journal japonais , puis la chaine américaine ABC soumettent à un expert militaire américain réputé des clichés satellites russes pris au-dessus du Koweit. Cet expert, Peter Zimmerman montre à son tour les clichés à plusieurs autres experts. Verdict. Nous étions tous d’accord pour dire qu’on ne voyait rien qui ressemblait à une activité militaireZimmerman déclare que ce qu’il voit n’atteint pas le cinquième des chiffres avancés par Dick Cheney. … Evoquant un ennemi fantôme, le quotidien new-yorkais Newsday rapportera la déclaration suivant d’un haut gradé américain : « il y a eu une grande campagne de désinformation autour de cette guerre » »

Enfin, le plus beau ou le plus ignoble, comme on voudra, les couveuses. Citation
« 70% des Américains penchent en faveur de la poursuite des négociations, et rejettent le recours à l’option militaire. Mais le 16 octobre, une Koweitienne de quinze ans fournit devant le congrès américain un témoignage bouleversant qui va faire basculer l’opinion américaine. Devant le groupe parlementaire sur les droits humains, cette Koweitienne prénommée Nayirah pleure en racontant qu’elle a vu dans une maternité de Koweit-city des soldats irakiens arracher des bébés de leur couveuse et les jeter par terre pour les laisser mourir sur le sol glacé. Le récit est repris en boucle dans les media occidentaux.  George Bush l’évoque à de nombreuses reprises et ne se prive pas d’invoquer l’holocauste…On découvrira après la guerre que l’histoire des couveuses est une pure fiction, montée de toute pièce par Hill et Knowlton , et que la jeune Nayira n’est autre que le fille de l’ambassadeur du Koweit aux Etats-Unis »

Et je ne parle ici que des mensonges pour la première guerre d(Irak, pas même ceux sur ‘implication de l’Irak dans les attentats du 11 septembre ou sur les armes de destruction massives que l’on cherche toujours… »

Il faut vraiment être un curieux intellectuel, un bizarre historien, un baroque philosophe pour prétendre que les bullshits (conneries, vantardises) d’un Trump auxquelles personne ne croit ( car enfin qui méprise autant le peuple que de penser qu’il peut y croire) sont plus dangereuses que les mensonges d’état meurtriers aux conséquences gravissimes des Bush.


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