De
Derida à Trump, la route du Bullshit
C’est le dernier débat à
la mode chez certains de nos intellectuels, en particulier les historiens
(notamment Patrick Boucheron sur France Inter), à qui Donald Trump donne des
boutons Le Bullshit (entendre l’évident déni de réalité, la connerie
monstrueuse- par exemple, il n’y a jamais eu autant de public qu’à mon
investiture alors que la comparaison photographique avec Obama montre sans ambiguïté
le contraire ) serait beaucoup plus grave que le mensonge.
Le sujet a été abordé aux USA depuis 1986, avec le court
essai devenu célèbre de Harry Frankfurt, professeur à l’Université de
Princeton, On Bullshit, qui vient
d’être traduit en français aux Editions Mazarines ( De l’art de dire des conneries). L’auteur y explique que le
Bullshit ( l’art d’aligner les conneries) implique que le bonimenteur n’est
intéressé que par ses propres objectifs, ignore et méprise la réalité, ne lui
accorde aucune attention, tant et si bien qu’il perd et fait perdre à ceux qui
l’écoute tout sens des réalités. Au contraire, un menteur a besoin de connaitre
la réalité. « Le menteur est obligatoirement concerné par le souci de
vérité,. Avant de concocter un mensonge, il doit chercher à déterminer ce qui
est vrai. Et pour que son mensonge soit efficace, son imagination doit se
laisser guider par la vérité ». Donc bonimenter (bullshiter) serait plus
grave que mentir.
L’ironie est que ce texte
ne vise pas Donald Trump ou ses émules…mais les déconstructeurs français tels
Jacques Derrida, dont Harry Frankfurt considérait qu’ils avaient fait de Yale
« la capitale mondiale du baratin ». Des brillants prophètes et
adeptes de la « French Theory » à Trump, la route du bullshit est
surprenante et devrait inciter à la modestie ceux qui n’ont pas su ou osé
dénoncer une certaine déréliction intellectuelle française.
Rappels
aux faits : vrais mensonges et
crime - Irak
La lecture d’un ouvrage
remarquable (Or Noir, la grande histoire
du pétrole, Mathieu Auzanneau , La découverte), passionnante de bout en
bout, qui montre comment l’histoire est considérablement déterminée par les
besoins en énergie de nos sociétés) et permet de découvrir bien des hommes et
des faits considérables de l’histoire du pétrole, permet, à propos de la première
guerre d’Irak, de se souvenir à quels points, contrairement aux buillshits, les
vrais mensonges peuvent être tragiques et meurtriers.
Tout d’abord, l’auteur
rappelle qu’Américains, branchés sur l’Arabie saoudite et Anglais, connectés à
l’Iran du temps du Shah, avaient depuis très longtemps fait de l’Irak une
variable d’ajustement : lorsque saoudiens ou iraniens faisaient savoir
qu’ils aimeraient augmenter leurs livraisons, c’est l’Irak qui était sommé de
baisser sa production et par conséquent
ses revenus. D’où la volonté de Sadam Hussein d’échapper à ce système, par
exemple en accordant une part importante de sa production à des pétroliers
français.
Venons-en à l’époque de
la grande guerre Iran Irak, mené par l’Irak appuyé par l’Occident et les monarchies
pétrolières pour affaiblir l‘Iran. Citations
« L’Arabie
saoudite et le Koweit…refusent d’effacer une partie de la lourde dette creusée
par l’Irak, qui atteint près de 90 milliards de dollars après la fin de la
guerre. Pire, le Koweit est accusé par Bagdad de subtiliser depuis des années
le brut du champ de Rumaila… Le Koweit en a profité pour percer des forages
horizontaux sous la frontière et aspirer indument l’or noir irakien. L’Irak
prétend que le petit émirat lui a subtilisé pour 2.4 milliards de dollars de brut. En outre, le
Koweit, ainsi que les Emirats arabes unis dépassent de près de 40% en 1990
leurs quotas de production fixés par l’Opep. Conséquence : un manque à
gagner évalué par Bagdad à 14 milliards de dollars, bein plus que ce que le
Koweit a preté à l’Irak pendant la guerre »
Bref le 2 aout l’armée
irakienne envahit le Koweit…après que l’ambassadrice US en Irak ait affirmé à
Saddam « qu’elle n’avait pas d’opinions sur ses conflits
interarabes ». Citation :
« Le président Bush connait les objectifs de
Bagdad et n’ignore pas qu’ils se limitent au seul Koweit. En échange de son
retrait, Saddam Hussein prétend obtenir 4 milliards de dollars l’effacement de
sa dette, et un réajustement de frontière
qui lui permettrait d’obtenir un accès la mer…Dès le 3 août, le président irakien a offert de retirer
ses troupes et proposé de rencontrer les drirgeants arabes à Djeddah. Washington
s’y oppose »
Premier mensonge
donc : Saddam Hussein ne se proposait pas de conquérir tout le pétrole et
n’avait en vue que des buts très limités et somme toute raisonnables, voire
justifiés. Et manifestait son intention de se retirer
Deuxième mensonge :
l’importance des forces irakiennes au Koweit, selon le Pentagone et ce menteur
en série que se révélera Dick Cheney
entre 250.00 et 500.000 hommes. Citation :
« Au mois d’août 1990, un journal japonais ,
puis la chaine américaine ABC soumettent à un expert militaire américain réputé
des clichés satellites russes pris au-dessus du Koweit. Cet expert, Peter
Zimmerman montre à son tour les clichés à plusieurs autres experts. Verdict. Nous étions tous d’accord pour dire qu’on
ne voyait rien qui ressemblait à une activité militaire…Zimmerman
déclare que ce qu’il voit n’atteint pas le cinquième des chiffres avancés par
Dick Cheney. … Evoquant un ennemi
fantôme, le quotidien new-yorkais Newsday rapportera la déclaration suivant
d’un haut gradé américain : « il y a eu une grande campagne de
désinformation autour de cette guerre » »
Enfin, le plus beau ou le
plus ignoble, comme on voudra, les couveuses. Citation
« 70%
des Américains penchent en faveur de la poursuite des négociations, et
rejettent le recours à l’option militaire. Mais le 16 octobre, une Koweitienne de quinze ans fournit devant le
congrès américain un témoignage bouleversant qui va faire basculer l’opinion
américaine. Devant le groupe parlementaire sur les droits humains, cette
Koweitienne prénommée Nayirah pleure en racontant qu’elle a vu dans une
maternité de Koweit-city des soldats irakiens arracher des bébés de leur
couveuse et les jeter par terre pour les laisser mourir sur le sol glacé. Le
récit est repris en boucle dans les media occidentaux. George Bush l’évoque à de nombreuses reprises
et ne se prive pas d’invoquer l’holocauste…On découvrira après la guerre que
l’histoire des couveuses est une pure fiction, montée de toute pièce par Hill
et Knowlton , et que la jeune Nayira n’est autre que le fille de l’ambassadeur
du Koweit aux Etats-Unis »
Et je ne parle ici que
des mensonges pour la première guerre d(Irak, pas même ceux sur ‘implication de
l’Irak dans les attentats du 11 septembre ou sur les armes de destruction
massives que l’on cherche toujours… »
Il faut vraiment être un
curieux intellectuel, un bizarre historien, un baroque philosophe pour prétendre
que les bullshits (conneries, vantardises) d’un Trump auxquelles personne ne
croit ( car enfin qui méprise autant le peuple que de penser qu’il peut y croire)
sont plus dangereuses que les mensonges d’état meurtriers aux conséquences
gravissimes des Bush.
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