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mardi 2 mai 2017

Les Ecoles d’ingénieurs saisies par la débauche

Explosion des frais de scolarité

Ne fantasmons pas, précisons : par la débauche financière auxquelles les Ecoles de Commerce sont depuis longtemps habituées.

Le branle a été donné par l'initiative prise en 2014 par le ministère de l'Industrie, autorisant ses écoles à passer leurs droits de 850 € à 1.850 €. Soit 1.000 euros d'augmentation. Soit plus de 217% !
Une autre étape a été franchie en 2015 lors de la création de CentraleSupélec. L'établissement, sous double tutelle Enseignement supérieur et Industrie, exige 2.200 € par an (2.500 € en 2017), contre 615€ auparavant pour Centrale. Soit 357% !

Dans les écoles privées, la barre des 10.000 € se rapproche. Entre 2012 et 2015, les écoles de statut privé ont augmenté leurs frais d'inscription de 520 €. À la rentrée 2015, le coût pour une année de scolarité en école d'ingénieurs privée est en moyenne de 6.513 €. Les moins chères se situent à 4.800 € annuels, quand une poignée flirte désormais avec les 10.000 €, à l'image de l'Epita, l'ESME Sudria ou encore l'ECE.

À la rentrée 2017, intégrer l’école des Mines ParisTech coûtera à l’année 3.186 euros, 2.150 euros pour l’Institut Mines-Télécom Lille-Douai. Des chiffres en augmentation comparés à 2016 : la rentrée dernière, il fallait débourser 2.590 euros pour la première, 1.850 euros pour la seconde.  La nouvelle est tombée le 28 mars dernier, au travers de 2 arrêtés publiés au Journal Officiel. Elle traduit un phénomène plus général dans les écoles d’ingénieur françaises, à savoir l’augmentation récurrente de leurs droits de scolarité.

C’est une évolution qui avait été annoncée en mars 2015 par un rapport du  Cgefi (Contrôle général économique et financier) pour le compte de Bercy,  qui avançait douze propositions chocs pour «  améliorer l’efficience des écoles d’ingénieurs !! » , notamment :   Passer les frais de scolarité des écoles d'ingénieurs à 2.570 euros, généraliser la ponction sur les fonds de roulement, fusionner... Rappelons que les Ecoles dépendant du Ministère de l’enseignement supérieur ne demandaient qu’environ sept cents euros de frais de scolarité !

Cela ne touche pas que les Ecoles d’ingénieur nationales. Ainsi, la fameuse Ecole Supérieure de Physique et Chimie de la ville de Paris prévoyait-elle cette année un triplement des frais de scolarité. Devant la grogne de l’Association des Anciens Elèves, arguant de travaux importants et que l’augmentation des frais de scolarité aurait été difficile à justifier dans un environnement peu favorable et que de plus, elle aurait eu un effet négatif sur l'attractivité de l'École, la Direction a reculé. Pour l’instant.

Un autre pan de la république s’écroule !

Le paysage des Ecoles d’Ingénieurs est assez morcelé : Formation payante, gratuite ou donnant même lieu à une solde... Dans les écoles d'ingénieurs, les stratégies en matière de frais de scolarité sont aussi hétérogènes que les statuts des établissements et dépendent des ministères de tutelle. Nous avions même une tradition bien française: plus le niveau de sélection est élevé, moins l’école est chère jusqu’à même payer ses élèves (Ecole Polytechnique, Ecoles  normales..). Incompréhensible pour un anglo-saxon ! Mais c’est qu’il s’agissait d’une tradition républicaine et égalitaire, celle qui permit longtemps aux fils, puis - trop tardivement- aux filles des familles les plus modestes d’accéder à l’enseignement le plus élitiste, pourvu qu’ils le méritent par leurs dons et par leur travail, au terme d’une sélection rigoureuse et juste.

Et c’est cette tradition qui est en train de s’effondrer sous l’action des forces  conjuguées, comme d’habitude, de la démagogie faussement égalitaire (et pourquoi les élèves des Grandes Ecoles ces privilégiés ne devraient-ils pas payer plus pour leurs études ?) et du libéralisme anglo saxon pour qui seul comptent les privilèges de l’argent.(on va quand même pas mélanger nos enfants avec n’importe qui)

Cette course, sous les meilleurs prétextes évidemment, à l’augmentation des droits d’inscription comme au rétablissement de la pantoufle à Polytechnique, nous savons qu’elle va au rebours de notre modèle républicain, de la sélection par le mérite  et non par la naissance. Nous savons qu’il devient de plus en plus difficile aux enfants du petit peuple d’intégrer les écoles d’ingénieur, parce que l’école ne leur fournit plus les connaissances et les méthodes nécessaires  qu’il faut alors aller chercher dans l’environnement familial ou dans des cours privés.

Avec cette politique impulsée par Bercy, c’est un pan supplémentaire de la République qu’in abat. Généralement, les Associations d’Anciens Elèves, attachés à cette justice, à ces possibilités de promotions sociales qu’elles ont connu et qu’elle souhaitent préserver pour les jeunes générations tentent de s’y opposer, mais elles sont bien seules dans l’indifférence générale.

Un autre pan de la République s’écroule avec ces places fortes du savoir, de la méritocratie et de l’égalité républicaine qu’étaient les Ecoles d’Ingénieurs voulues par les Monge, les Laplace, les Chaptal…

Faudra-t-il appeler aussi ce mouvement macronisation ? Nous verrons

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