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mercredi 31 mai 2017

Theresa May paie le merdier libyen

Un mea culpa anglais, et nous, et nous, et BHL ?

Ce devait être une victoire écrasante pour Theresa May, qui voulait profiter de l’état d’inquiétude lié au Brexit pour renforcer sa majorité; or, depuis quelques jours, les sondages, dont certes il faut se méfier en Angleterre encore plus qu’ailleurs annoncent une remontée en flèche des travaillistes, pourtant emmenés par le contesté (par l’establishment travailliste) Jeremy Corbyn. Unes des raisons : l’attentat de Manchester a mis encore plus en évidence l’immense erreur qu’a été l’intervention britannique et française en Lybie. Le terroriste était en effet tiraillé entre Manchester et la Lybie, où son père l’avait enrôlé à seize ans dans son combat islamiste anti-Kadhafi. De fait, une partie des Libyens de Manchester  a joué un rôle non négligeable dans la guerre civile de 2011 en Libye. A cette époque, les autorités (conservateurs) britanniques ont facilité l’envoi en Libye d’islamistes de Manchester, comme le père du terroriste, estimant qu’ils constituaient une alternative plus crédible à Kadhafi que les laïcs ! (dixit Le Monde, 30 mai 2017). Brillante idée, politique géniale dont on voit aujourd’hui les résultats
Il faut dire qu’en Angleterre, contrairement à la France, la politique libyenne avait été déjà étrillée, en 2016,  par un rapport parlementaire fustigeant une intervention militaire britannique en Libye «fondée sur des postulats erronés» et mal préparée. «Nous avons été entraîné par l'enthousiasme français», explique un parlementaire. La politique britannique en Libye avant et depuis l'intervention de mars 2011 a été basée sur « des suppositions erronées et une compréhension incomplète du pays et de la situation.» Selon le rapport, les Britanniques et les Français « ont été aveugles quant à la part non négligeable des islamistes dans la rébellion, et n'ont pas su prévoir que ceux-ci en tireraient profit ». Les parlementaires décrivent le « bilan désastreux d'une intervention, destinée à changer un régime sans prévoir de solution de rechange, qui a abouti à la transformation de la Libye en «failed-state» («État défaillant»). «Le résultat est un effondrement politique et économique, une guerre civile et tribale, une crise humanitaire et migratoire, une violation généralisée des droits de l'homme, la dispersion des armes de Kadhafi dans toute la région et l'apparition de l'État islamique en Libye», écrivent sans fard les parlementaires dans leur résumé.
En plus, le rapport affirme :« d'après les indices que nous avons rassemblés, la menace envers les civils de Benghazi a été largement exagérée» !

Une faute, un crime, une imbécillité, une politique à changer – Corbyn a raison !

Rappelons que 15 septembre 2011, le président de la République français Nicolas Sarkozy et le premier ministre britannique David Cameron, suivis comme leurs ombres par le philosophe Bernard Henri Levy débarquaient à Benghazi acclamés par une foule en liesse. Les Anglais, en bons démocrates parlementaires ont tenu à faire leur mea culpa. Et nous ? Entendra-t-on encore BHL donner des leçons de géostratégie ? Un petit regret ? Bon, enfin, avec Macron, on devrait être débarrassé du brillant philosophe et de son influence élyséenne.
C’est vraiment un pur scandale et un gâchis innommable. Car enfin, pour la première fois, il y avait un accord du Conseil Général de Sécurité, Russes et Chinois compris, pour une opération limitée à Bengazi afin de protéger les populations contre un assaut imminent et imposer une médiation à Kadhafi. Français et Anglais se sont délibérément parjurés et ont poursuivi la guerre pour provoquer militairement la chute de Kadhafi. Avec le résultat que l’on sait ! Et bien pire ; du coup, Russes et Chinois se sont bien promis qu’on ne les y reprendrait pas, et se sont opposés à toute intervention en Syrie. Bravo ! Le merdier libyen est aussi responsable du merdier syrien et de ses millions de morts. Dans l’histoire, cette intervention en Libye apparaîtra comme une faute et un crime, et une imbécillité pire que l’expédition de Suez.
Autre fait oublié, pour lesquels certains devraient peut-être rendre des comptes : la mort d’un agent secret français, Pierre Marziali, assassiné le 12 mai 2011 à Benghazi. Ayant compris à juste titre que les rebelles soutenus par Bernard Henri Lévy et Nicolas Sarkozy se composaient de bataillons de djihadistes purs et durs, Marziali voulut prévenir Claude Guéant et, surtout, Nicolas Sarkozy, l’ami du Qatar, l’émirat qui soutenait alors financièrement et militairement les rebelles libyens. Alain Juillet, ancien directeur du Renseignement de la DGSE interrogé par les auteurs de « Mort pour la Françafrique », livre de loin le scénario le plus crédible. Extrait : «La katiba du 17 Février a revendiqué la mort de Marziali, or elle était soutenue par les Qataris. Qu’une personne malintentionnée ait fait passer le message aux gars de la katiba ou aux Qataris qu’un Français était chez eux et les espionnait, ça, c’est possible ! Dulas et Marziali avaient rédigé une note pour mettre en garde contre les islamistes. Moins d’un mois plus tard, Marziali est tué. Je suis trop vieux dans ce métier pour croire aux coïncidences. Si quelqu’un a voulu faire le malin en lâchant le nom de Marziali aux islamistes, c’est déjà très grave. Mais si cette fuite a été organisée, que l’info a été transmise en toute conscience à la katiba ou à ses protecteurs qataris, là, c’est encore plus grave : ce serait de la trahison.»  A tout le moins, Marziali a pris des risques insensés pour savoir qui étaitent vraiment les anti-Kadhafi et le faire savoir  aux autorités françaises, et il a perdu la vie pour rien. Mais en France, pas de mea culpa !

Pourtant, nos brillants politiques n’ont pas compris quelques vérités simples, par exemple qu’une dictature laïque vaut mieux qu’une dictature religieuse, et bien mieux qu’un effondrement complet. Que les interventions militaires au Moyen-Orient ont été désastreuses. Qu’il est assez stupide de s’étonner et de s’indigner parce que plus nous bombardons les musulmans arabes, plus nous détruisons leurs sociétés, plus ils commettent d’attentats chez nous.(après, dans des cas où une intervention protège un pays et ses autorités légitimes de l’effondrement face à une agression islamiste, comme au Mali, c’est évidemment un devoir de la mener). C’est ce que Jeremy Corbyn explique, et il se présente en homme de paix conséquent, et ceci explique une partie de sa remontée.

Et en France ? à part Michel Onfray, pas grand monde. Puisque renouvellement de la classe politique il y a, il serait bon qu’il y ait aussi renouvellement des idées. Et qu’un rôle plus important soit confié à ceux qui se sont opposés aux guerres  d’Irak et à l’intervention en Libye au détriment de ceux qui les ont soutenues.


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