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vendredi 4 janvier 2019

Parlons énergie ! Tribunes et tweet de l’année


Parlons énergie et dérèglement climatique, c’est un sujet important pour les années qui viennent. En ce qui concerne les tribunes libres de l’année consacrées à ce sujet, je vous conseille les deux remarquables de Marc Fontecave, professeur au Collège de France dans Le Monde.

« Ecologie : Il n’y a aucune chance de voir une révolution se réaliser ….Nicolas Hulot a quitté son poste en déplorant la faiblesse des moyens engagés pour l’écologie, mais la sauvegarde de l’environnement exige des avancées technologiques et politiques qui ne se décrètent pas «  Marc Fontecave Le Monde, 03 septembre 2018_ https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/03/ecologie-il-n-y-a-aucune-chance-de-voir-une-revolution-se-realiser_5349357_3232.html

« Pétition « L’Affaire du siècle » : « Attaquer la France en justice est à la fois injuste, idiot et inopérant..Dans une tribune au « Monde », le professeur au Collège de France Marc Fontecave juge la pétition « déplacée », l’Hexagone étant, grâce à l’énergie nucléaire, un leader mondial en matière de limitation des gaz à effet de serre. Le Monde, 29 décembre 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/29/petition-l-affaire-du-siecle-attaquer-la-france-en-justice-est-a-la-fois-injuste-idiot-et-inoperant_5403389_3232.html

Et puis,  mon prix du tweet de l’année, de Tristan Kamin, très pédagogique sur la façon dont nous avons géré la première vague de froid de l’année du vendredi 14 décembre 2018

,Précis, pédagogique, instructif, bien rédigé, intéressant,…un peu inquiétant. Le récit palpitant  heure par heure, alimenté des commentaires et des graphiques adéquats. Je n’ai reproduit ici que les commentaires ! Siouplait ! Hésitez pas ! Allez voir le tweet avec ses figures !


Petit #thread sur les observations du jour sur @eCO2mixRTE. Vous l'avez remarqué, ça caille. #Vaguedefroid. Or, vous le savez probablement, la thermosensibilité du système électrique français est élevée : notre consommation élec. dépend beaucoup de la température. Résultat, depuis deux semaines, la consommation a une petite tendance à la hausse.
Soyez observateurs, c'est pas très visible
Oh, parenthèse mesquine. Vous vous souvenez que, le week-end dernier, je saluais les records de l'éolien ?Bah c'était en plein creux de consommation.
Et pendant cette semaine, face à l'envolée de la consommation ? Dans le jargon, on dit « bah » !
Fin de parenthèse mesquine.
On va surtout parler d'aujourd'hui, dans la suite.

Avec cette fichue thermosensibilité, la consommation ce matin a suivi une pente particulièrement raide.
Dans toute la suite, on va se placer sur l'intervalle 4h du mat' - 8h.
La consommation : +18 600 MW.
BIM. +30% en 4h.

Comment on a géré ça ?

Bon, 1) bad news  Le parc nucléaire envoyait déjà tout ce qu'il pouvait avant même le pic. Il a pu gratter quelques 800 MW quand même, mais c'est pas grand chose.
C'est pas un manque de souplesse du nucléaire, parce que pouvoir varier entre 50 et 100% en 10 secondes ne servirait à rien si t'es déjà à 100% au départ.
Alors je dirais juste que c'est un manque de nucléaire, tout court !
Cette haute production nucléaire pendant la nuit a permis de remplir les réservoirs de nos STEP, et d'exporter : à 4h du mat', on consommait 2300 MW pour pomper l'eau dans les barrages, et on exportait 2400   MW.
Et on était pas les seuls à remplir nos barrages : on exportait notamment 2900 MW vers le nord de l'Italie et 2200 MW vers la Suisse ;-)

On continues leBadNews : 2) Parc de centrales charbon HS.

Ok, c'est une bonne nouvelle pour le #climat, l'environnement, tout ça, mais du point de vue équilibre du réseau, dans ces conditions, c'est pas cool.  La raison : grève.
Bon, alors, comment on a pu gérer ce pic de consommation ?
Bon bah pour commencer, on a arrêté de pomper de l'eau. 2300 MW de consommation qui s'efface, en seulement 3 heures.
Et on tire un peu sur le gaz : La cogénération monte de rien du tout (100 MW), mais les centrales à cycle combiné se rendent un peu plus utiles : +700 MW (bon, tout gaz réuni, finalement, ça fait le même "petit coup" que le nucléaire).
Bon, à noter, on démarre pas les turbines à combustion. Ça consomme un max ces trucs là, c'est vraiment du dernier recours. Donc on les garde en chauffe, d'où les 19 MW je suppose, prêtes à monter en régime si besoin, mais, visiblement... Pas eu besoin.
Mais c'est un peu grâce aux turbines à combustion au fioul, en fait
de 0 MW jusqu'à 7h, on les a fait monter jusqu'à 1300 MW à 8h45, avant de redescendre progressivement au cours de la matinée. (NB ES faute de nucléaire, on est sauvé par le fuel !)
Un peu de positif dans tout ça quand même : c'est le matin, donc le soleil se lève, et passe de 0 à... 100 MW à 8h. Bon, c'est négligeable, en fait.

Et c'est là qu'on rigole : qu'en est-il de l'éolien ?
Bah il se fait la malle, avec une production qui a baissé toute la nuit, passant notamment de 2800 à 2400 MW sur le délai qui nous intéresse ici.
Bref, pendant cette énorme montée de consommation, les énergies intermittentes ont parfaitement joué leur rôle : elles ont accru le problème !

Ah, oui, je vous parle pas des bioénergies parce qu'elles sont restées très stables à 800 MW. C'est vraiment de la production en base.
Du coup, il nous fallait dégager 18 600 MW en 4h (20 900 MW en fait, mais on avait 2 300 MW de pompage qu'il "suffisait" d'arrêter), et avec nucléaire, charbon, gaz, biomasse, fioul, éolien, solaire, bioénergies, on a réussi à trouver... 1900 MW.

On a fait un dixième du taff !
Bon bah il est venu le temps de vous montrer la folle puissance de l'hydroélectricité.
Et vous faire comprendre que c'est insultant de mettre dans le même sac « ENR » ce truc merveilleux et les boulets éolien et solaire.

L'hydroélectricité, RTE la divise en 3 catégories.

1 - Fil de l'eau/écluses, comme la centrale de Toulouse, en photo ci-dessous. 
On les considère en général comme non pilotables : elles produisent en base, au fur et à mesure que l'eau passe et que les écluses sont activées.
Mais je devine qu'elles ont une certaine souplesse, puisqu'on peut délibérément choisir de faire passer plus ou moins d'eau dans les turbines.  Mais l'eau qu'on ne fait pas passer n'est pas retenue, elle est perdue (comme si on freinait une éolienne par temps venteux). 2 - Les lacs de barrage, j'ai pas besoin de vous expliquer j'espère . 3 - Les STEP : un lac en surplomb, un cours d'eau ou un bassin/lac en contrebas, et la possibilité de pomper dans un sens ou turbiner dans l'autre.

Et du coup, qu'est-ce que ça a donné ce matin ?

Oh, rien de fou. Les centrales fil de l'eau et éclusées, qu'on dit non pilotables, ont réussi à fournir une montée en puissance de 1900 MW rien qu'à elles !

Les lacs, quant à eux, ont dégagé 4500 MW supplémentaires en multipliant par plus de 4 leur production dans ce délai de 4h ! 
Et admirez moi cette magnifique rampe parfaitement régulière !

Quant aux STEP, outre les 2300 MW qu'elles ont cessé de consommer en passant du pompage au turbinage, c'est une production de 3400 MW supplémentaires qu'elles ont réussi à apporter.
Bilan : ce sont 9700 MW qui ont été apportés par la seule EnR électrique vraiment pilotable, et celle qui, depuis 40 ans, est véritablement complémentaire au nucléaire pour un MixÉlectrique bas-carbone.
Évidemment, le stock dans les barrages est limité, et trop le solliciter pourrait nous conduire à un manque d'eau au plus froid de l'hiver, quand on en aura le plus besoin, comme ça a bien failli être le cas l'hiver dernier : les riverains de lacs de barrage ont pu les voir presque vides...
Mais bon, cette année, on commence l'hiver avec un stock hydraulique plutôt correct, et un parc nucléaire qui s'annonce assez disponible, donc ça devrait mieux se passer.
Bon, c'est bien beau ça, mais +9700 MW d'hydraulique et +1900 MW de tout le reste, ça fait pas 18600 MW encore !


Bah ouais. Le reste, c'est en passant d'exportateurs nets à importateurs nets qu'on l'a comblé. 5100 MW de flux qui se sont inversés.
Bon, la somme y est toujours pas, il manque presque 2 GW... Et je ne sais pas pourquoi ?

J'ai fait l'hypothèse que le pompage des STEP était inclus dans la consommation, mais peut-être pas en fait, et ça expliquerait l'erreur .C'est pas bien grave, l'idée était davantage de sensibiliser aux différents moyens de production et leur pilotabilité dans les circonstances de ce matin. Et vous partager mon émerveillement devant la perfection de l'hydroélectricité dans ces conditions 
Et voilà ce que donne la superposition des filières, hors nucléaire que j'ai masqué parce qu'il écrase trop l'échelle sinon ^^(et il varie quasiment pas : 800 MW sur 52500, soit 1,5%).
Si je devais faire passer un message en conclusion, j'aurais bien envie de dire « vous voyez, il faudrait plus de nucléaire », mais je vais aller vers le plus politiquement correct... Et potentiellement plus utile.
Ce matin, on a été sauvé par le fioul (ça aurait pu être le gaz ou le charbon) et les imports (donc, entre autres, du charbon, du gaz, du fioul).
Évidemment, on a aussi et surtout été sauvés par l'hydroélectricité, certes propre, mais...une partie du stock hydraulique qu'on a turbiné aujourd'hui ne pourra pas servir demain à éviter des MW de gaz, charbon, fioul, imports. Donc l'hydroélectricité consommée aujourd'hui est une sorte de crédit sur des émissions futures de CO2.
Je dis souvent que le mix électrique est déjà décarboné et donc que si on veut faire un geste pour le climat, c'est pas vraiment l'électricité le sujet.


Néanmoins, vous pouvez agir pour le climat via votre consommation électrique. N'en déplaise à @onestpret ou @greenpeacefr, ce n'est pas en changeant de fournisseur.
N'en déplaise à @nWassociation, ce n'est pas vraiment en consommant moins.
Pas dans l'absolu, en tout cas.

C'est surtout en consommant mieux. Au meilleur moment. Et surtout pas au pire.

Donc si vous voulez réduire l'empreinte carbone de votre électricité, essayez de moins contribuer à ce pic de consommation du matin - et celui du soir, tant qu'à faire.
Ce que je fais, à titre perso, qui, comme beaucoup, me lève pile à l'heure pour contribuer à ce pic :
Quand est arrivé le milieu de l'automne, j'ai arrêté les douches le matin. Enfin, c'pas la douche le problème, c'est le sèche-cheveux derrière. 2 kW, ce fucking sèche-cheveux. C'est mort.
(Douche le soir et, si sèche cheveux, APRÈS le pic de conso, donc).
Également, je suis très frileux au réveil, donc je monte un peu le chauffage le soir.
Bah je le baisse d'autant dès que je suis levé, pour diminuer ma conso instantanée. Dès que je suis levé, pas au moment de partir au boulot.
D'autres trucs que je peux proposer : pas de bouilloire, ni de toaster au petit-dèj' si vous le prenez à cette heure là. On est vite à 2-3 kW pour chacun de ces appareils.
Pas non plus d'œufs ou bacon à la poêle sur plaque électriques ou à induction, évidemment :p
Et apprenez ces gestes à votre entourage. Vouloir éteindre les vitrines des magasins entre 23h et 7h ça a pas grand intérêt, point de vue CO2, et pourtant beaucoup y voient un geste fort ; expliquez leur notre mix électrique.
À votre entourage, et à vos enfants, le cas échéant ! Mes parents m'ont très tôt expliqué le concept d'heures pleines et creuses, pour programmer le lave-vaisselle ou m'expliquer à quoi servait le ballon d'eau chaude.
Et c'est devenu un réflexe, pour moi, de toujours prendre ça en compte.
Résultat : depuis que je vis seul, je constate que les deux tiers de ma conso électrique sont en heures creuses.
Et c'est économique, en plus, croyez-moi…

Fin du tweet !
Messages forts, à mon avis  :

1) Même pour un petit coup de froid, comme celui du vendredi 14 décembre 2018, on est vraiment ricrac en énergie de base. Il n’y pas trop de nucléaire, il n’y en n’a pas assez et cela va se voir bientôt, et sur les ruptures d’électricité, et sur les tarifs.
2) Même pour un petit coup de froid, comme celui du vendredi 14 décembre 2018, on a été obligé de compter sur une part importante de fuel et de carbone, soit interne, soit d’importation – Merci pour le climat.
3) Même pour un petit coup de froid, comme celui du vendredi 14 décembre 2018, les énergies intermittentes solaires et surtout éoliens ont parfaitement joué leur rôle : elles ont accru le problème.
4) Sur ce (petit) coup, on a largement été sauvé par l’hydraulique, la seule ENR pilotable, mais faudra pas y revenir trop souvent vu que que c‘est pas inépuisable et tragiquement limité par la géographie !

Conclusion :ben assez évident, non ! Du Nuc, des EPR, des SMR, des surgénérateurs !




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