Europe et Eurokom : Dans un de mes précédents
blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui
nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent
l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté
européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées
uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte
libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des
nations de l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne.
« Il
y a un peu plus de 60 000 éleveurs laitiers ; dans quinze ans, à mon avis, il
en restera 20 000. Bref, ce qui se passe avec l’agriculture en France, c'est un
énorme plan social, mais un plan social secret, invisible, où les gens
disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un
sujet pour BFM. » Michel Houellebecq, Serotonine
Merci au monde
paysan, de tous pays !
Se
souvient-on de cette longue sortie de guerre, et de combien les Français ont eu
faim, des tickets de pain, du café inabordable remplacée par la chicorée, les
pommes des terres remplacées par les topinambours (sur lesquels les bobos ne
s’extasiaient pas encore !), des ersatz très douteux. Et des tickets de
rationnement dont les derniers n’ont disparu qu’en 1949 !
En
2015, la production agricole française s’élevait à 74,1 milliards d’euros, soit
18 % de la production globale des 27, selon une publication de l’Insee, du 5
juillet 2018, consacrée à la place de l’agriculture française en Europe. La France est au premier rang pour la
production de céréales, de plantes fourragères, de vin, de pommes de terre, de
bétail et de volailles. Rien que pour les céréales, la présidente de la
FNSEA, Christiane Lambert aime à rappeler que, avec70 millions de tonnes
produites par an, leurs exportations représentent deux Airbus par semaines !
Bravo
et Merci les paysans français !
Et
tant qu’à ne pas être chauvin, à tous les paysans de tous les pays. De
1900 à 1909, 27 millions d’êtres humains ont succombé aux famines. De 1920 à
1960, chaque décennie, c’étaient 15 millions de morts par famine. De 1950 à
1980, la population mondiale a doublé, passant de 2.5 à 5 milliards. Les
malthusiens de l’époque s’affolaient : des centaines de millions d’être
humain vont mourir de faim dans les années 70-80. La bataille menée pour
nourrir la totalité de l’humanité a eu lieu, nous en sommes au dénouement (Paul
Ehrlich, la bombe P, 1968) Dans quinze ans, les famines seront catastrophiques
(Famine 1975, Paul Paddock).
C’est
le contraire qui s’est produit et les famines, fléaux immémoriaux, ont aujourd’hui quasiment disparu de la
surface du globe, sauf perversité humaine (guerres). Merci aux paysans de tous
pays !
Merci
donc, mais qu’il a un goût amer et scandaleux ce merci. Chaque année
maintenant, le chiffre reste stable : un
agriculteur se suicide tous les deux jours ! Ce
taux de mortalité par suicide des agriculteurs français est supérieur de 20% à celui de la population générale et
de 30 % pour la seule catégorie des éleveurs de vaches laitières !
La cause est
aussi bien connue : des revenus agricoles insuffisants pour vivre. Une
enquête réalise dans l’Ouest en 2017 a montré que plus de 30 % des agriculteurs gagnent moins de 350 € par mois et que les deux tiers d’entre eux étaient en-dessous du seuil de pauvreté
! (L’enquête indiquais également que le plus grand nombre de suicides a été observé pendant les mois où les prix du
lait ont atteint leur record le plus bas, ce qui bien sûr n’a aucun lien avec
la suppression des quotas laitiers, chers ultra-libéraux de
Bruxelles !!!). Selon
la Mutualité sociale agricole (MSA), plus
de la moitié des paysans français gagnent moins de 354 euros par mois. Ils n'étaient que 30 % dans ce cas-là en
2015 et 18 % en 2014. En 2016, les revenus
ont diminué de 26% ! Conséquence de cette paupérisation rapide : les
fermetures d'exploitations se multiplient : 1.281, (soit 3.5 exploitations par jours !)
entre septembre 2016 et septembre 2017 ! Un chiffre en hausse de 6,7% par
rapport aux douze mois précédents ! En 2017, 300 fermes de bovins ont fait
faillite, chiffre en très nette augmentation de 19% sur
un an et 69% sur quatre ans. Au-delà des faillites, 70% des agriculteurs
sont dans le rouge, selon la Coordination rurale. Ils travaillent énormément et
ne peuvent pas se payer. Comment en est-on arrivé là ?
Vive la vieille PAC,
qui fut un succès !
Prévue
par le traité de Rome du 25 mars 1957 et entrée en vigueur le 30 juillet 1962, la
politique agricole commune (PAC) est une des plus anciennes et jusqu'à peu la
plus importante des politiques communes de l’UE (environ 35 % du budget
européen). Ses grandes lignes ont été définies à la conférence de Stresa (du 3
au 12 juillet 1958) et elle a été mise en place en 1962. Ses objectifs étaient d’accroître la productivité de
l’agriculture ; d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
de stabiliser les marchés ; de garantir la sécurité des approvisionnements ;
d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Depuis, s’y sont ajoutés
les principes de respect de l’environnement et de développement rural. La
section Garantie du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole
(FEOGA) finançait le soutien des marchés.
Lorsque
la PAC fut lancée, la France, seule parmi les pays fondateurs, arrivait juste à l’autosuffisance
alimentaire. Cette vieille PAC avait une orientation résolument productiviste, car il fallait augmenter
la production agricole, et protectionniste,
car la construction d’une union douanière nécessitait une protection aux
frontières. Il s'agissait alors de rendre la Communauté auto-suffisante, plus
solidaire et de moderniser un secteur agricole encore très disparate selon les
pays. Elle a été une incontestable réussite: modernisation de l'agriculture,
développement de la production, immenses gains de productivité qui ont fait de l’Union le 2e exportateur mondial, autosuffisance et sécurité alimentaire
garantie. Si l’évolution des techniques et la concentration des
exploitations faisaient diminuer naturellement la population paysanne (qui
pouvait alors contribuer à l’industrialisation), cela allait de pair avec
l’augmentation du niveau de vie des paysans.
Les écueils rencontrés (crises
liées à la surproduction de nombreux produits, aux variations de change des
monnaies, à l'entrée de nouveaux membres) ont été surmontées par des
adaptations intelligentes avec notamment en 1984 la résorption des excédents,
avec la mise en place de quotas de
production, notamment dans le domaine laitier, et une politique de
réduction des prix de soutien.
On
sait comment par une malédiction incompréhensible, l’Eurokom des fanatiques
libéraux s’acharne à détruire les rares succès de la politique européenne.
C’est exactement ce qui arriva avec la PAC !
La nouvelle PAC et le
règne du marché.
La
préférence communautaire permettait d’isoler l’agriculture européenne des
variations des prix mondiaux en lui accordant des avantages en matière de prix
par rapport aux produits importés et les agriculteurs bénéficiaient d’aides
indirectes, les « prix garantis », qui leur assuraient un prix minimum pour
leurs productions.
Cette
disposition est actuellement en quasi désuétude et les réformes de 1992 et 1999
ont eu pour but de rapprocher l’agriculture européenne du marché (du dieu
marché !) en baissant les prix garantis et en les remplaçant par des aides
directes, disposition aggravée en 2003 ; désormais, les aides ne sont plus
liées à la production. Les agriculteurs touchent un paiement unique par
hectare, à la condition de respecter des normes européennes en matière
d’environnement et de sécurité alimentaire. La régulation du marché est
abandonnée et les quotas sont progressivement supprimés (2015 pour le lait,
2017 pour le sucre).
Et
il s’est produit ce qui était parfaitement prévisible. En ce qui concerne les
quotas laitiers, la production maintenant libre, l'agriculture européenne affronte la
concurrence sans filet de sécurité. Dans un premier temps, la production a
augmenté… et les prix d'achat aux agriculteurs ont baissé - le prix payé est inférieur en 2016 et début
2017 au prix de production ! Selon des chiffres de l'Insee publiés en
décembre 2016, le revenu moyen d'un chef d'exploitation agricole diminue de 26,1%
en 2016 par rapport à 2015 !
Cette
PAC est devenue complètement absurde, et la Cour Européenne des comptes vient d’y
consacrer un rapport au vitriol, dénonçant un système inégalitaire selon lequel
les petits
se paupérisent quand les plus gros s’enrichissent. La répartition est tellement
injuste…qu’elle est secrète. En avril 2009, on a pu connaître les montants reçus au titre du premier
pilier pour tous les bénéficiaires de la PAC en France (le prince de Monaco
figurait au premier rang…) ; alors un arrêt de la Cour de Justice de l'UE,
consécutive à une démarche luxembourgeoise,
a invalidé en 2010 la réglementation de l'Union sur la publication des
informations relatives aux bénéficiaires de fonds européens agricoles.
Beaucoup d’États membres (dont la France) ont alors retiré l'accès public aux
informations nominatives !
Cette PAC est tellement juste et efficace qu'elle doit être secrète
Et surtout, l’effort global en faveur de l’agriculture, le
montant global de la PAC diminue considérablement. La Commission européenne envisage une
enveloppe de 265 milliards d’euros pour 2021-2027 soit une diminution de 12% en euros constants. Les exploitants
agricoles français vont perdre près de 5 milliards d’euros d’aides directes sur
toute la période et les revenus des agriculteurs européens diminueront de 8 %,
selon le cercle de réflexion Farm Europe. Toujours selon FARM Europe, la valeur des aides directes devrait baisser de 15 %, et
elles seront, par ailleurs, plus compliquées à obtenir. Les paiements du
premier pilier seront soumis à des exigences environnementales. Leur montant
sera dégressif à partir de 60 000 euros et plafonné à 100 000 euros par
exploitation.
Tiens, pour ajouter la connerie à la bêtise, nous apprenons début 2019 que
Bruxelles a alloué à la France 700 millions d’euros pour le développement de
projets ruraux, à dépenser entre 2014 et 2020. A un an de l’échéance, seulement
3% de l’enveloppe a été dépensé… (Europe1)
D’où une spirale infernale. La
concurrence mondiale tire les prix vers le bas et les prix agricoles sont trop
bas et parfois deviennent même inférieurs
aux coûts de production ! Des mises aux normes incessantes viennent
augmenter encore les coûts de production. Et parfois stupides : que nous
coutera l’abandon unilatéral du
glyphosate, le plus efficace et le plus sûr pour la santé des herbicides ?
On veut une agriculture écologique et vertueuse, mais on ne fait rien pour
se protéger des produits importés qui ne respectent aucune norme, et, au nom du
libre échange, on « négocie » des traités comme le Ceta. La production agricole sera exposée
à ce qui se fait de pire au Brésil ou au Canada, par exemple de la viande produite
avec un cahier des charges largement différent du nôtre. Dans ces conditions,
pourquoi lutter contre le glyphosate et le poulet aux hormones chez nous ? En
France, on produit avec une meilleure qualité: il faut l'assumer, en être
fiers, en revalorisant notre processus de production. Ce qui impliquerait en
premier lieu de mettre des clauses dans les traités de libre-échange qui, sur
le modèle de l'exception culturelle, instituerait une exception agricole.
Mais
ça, ce n’est pas dans le logiciel de la Commission Européenne.
L’Agriculture, un
marché pas comme les autres
Vivent
les marchés, donc ; et pourtant, partout dans le monde, au nom de la
sécurité alimentaire, au nom de la lutte millénaire contre les famines, au nom
des traditions locales, partout l’agriculture est aidée : 190 euros par
habitant en Europe, 389 aux USA, 434 au Japon, 228 au Canada, 629 en Suisse,
957 en Norvège.
L’Union
Européenne, une fois de plus, l’idiote du libre-échange !
Michel
Houellebeck, Serotonine « Mes interlocuteurs ne se battaient pas pour
leurs intérêts, ni même pour les intérêts qu’ils étaient supposés défendre, ç’aurait
été une erreur de le croire ; ils se battaient pour des idées ;
pendant des années, j’avais été confronté à des gens qui étaient prêt à mourir
pour la liberté du commerce »
Croit-on
que le gigantisme, la productivité au détriment de toute considération des
animaux, les fermes de 1000 vaches et de
200.000 poules en cage soit la solution ? Ceci alors : En Allemagne,
la faillite de la plus grande firme agricole relance le débat sur la régulation
du foncier. Avec 46 000 ha répartis entre l’ex-RDA, la Lituanie et la Roumanie,
KTG Agrar faisait figure de totem au phénomène de concentration foncière, ou «
land grabbing », en Europe. Développée sur la base de la privatisation
d’anciennes fermes d’Etat est-allemandes dans les années 1990, l’entreprise a
connu une expansion rapide à partir de son entrée en bourse en 2007. Ses
activités ne se limitaient pas à la production agricole et parmi les 96
filiales et autres entreprises associées du groupe KTG figuraient différents
outils de transformation alimentaire et de production de biogaz. Le groupe
avait même occupé le 3ème rang des producteurs d’énergie renouvelable en
Allemagne. En difficulté, avec un
endettement important, KTG Agrar avait réussi à conserver la confiance de ses
créanciers grâce à des jeux d’écriture sur les prix d’achat et de vente entre
ses différentes filiales. Le pot aux roses découvert, le fondateur fût poussé
au départ en 2016 et le groupe déclaré insolvable…
Vous
savez-quoi ? Une pénurie de nourriture conduirait notre société à se
rappeler aussitôt de l'importance de nos agriculteurs…
Nous
y allons tout droit. L’Eurokom aura réussi cela !
C’est
pourquoi il faut en sortir !
aussi sur https://eurokomonaimepas.blogspot.com/2019/01/raison-de-detester-leurokom-23-la-pac.html
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