Europe et Eurokom
Dans
un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal
sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment
mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la
Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne),
vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable
secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et
des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne
Cum-Cum,
Roque Luxembourg-Pays-Bas, Double Irish with a Dutch sandwich, no man's land
fiscal, rescrits…
Bon,
on s’accroche un peu, on essaie de suivre l’imagination poétique des juristes
champions de l’optimisation.!
Cum-Cum : spécialement destiné aux
investisseurs étrangers possédant des parts dans les entreprises cotées en
Bourse en France. Juste avant le versement des dividendes, l’investisseur
étranger prête ses actions à une grande banque française. Elle perçoit les
dividendes à sa place, sans payer de taxe, et lui reverse le montant quelques
jours plus tard. Tout le monde s’y retrouve : l’actionnaire récupère son dividende
sans payer de taxe pendant que la banque réalise au passage de petits profits
grâce aux frais de transaction. Le perdant de l’histoire est le fisc, et donc
l’État français, qui ne perçoit rien : il ne taxe ni la banque ni
l’investisseur… Simplissime
Le Cum-ex : attention, une peu plus complexe,
et semble-t-il un peu plus illégal. Il s'agit cette fois d'acheter et revendre
des actions autour du jour de versement du dividende, si vite que
l'administration fiscale n'identifie plus le véritable propriétaire. La
manipulation, qui nécessite l'entente de plusieurs investisseurs, permet de
revendiquer plusieurs fois le même crédit d'impôt sur les bénéfices attaché au
dividende, lésant ainsi le fisc.
Ces
pratiques révélées par un consortium international de journalistes, selon un
premier et rapide bilan, auraient coûté en 15 ans 24,6 milliards d'euros à
l'Allemagne, 17 milliards à la France, 4,5 milliards à l'Italie
Allez,
on complique un peu !
Le roque Luxembourg-Pays-Bas : Une multinationale place la propriété de la marque
dans une fondation basée, par exemple, au Liechtenstein. Cette fondation vend
elle-même les droits d'utilisation de la marque à l'une de ses filiales,
société holding du groupe, immatriculée aux Pays Bas. Celle-ci facture des
redevances pour les droits d'utilisation de la marque aux sociétés franchisées
du groupe dans différents pays européens - celles qui réalisent les activités
commerciales concrètes et dégagent les marges. De cette façon, une partie des profits
est déplacée des sociétés commerciales européennes, où ils ont été réellement
produits, vers la société holding néerlandaise. Pour acheter les droits
d'utilisation de la marque, la société néerlandaise a contracté un emprunt
auprès d'une filiale luxembourgeoise de la fondation au Liechtenstein, et lui
paie donc des intérêts avec les redevances. La législation néerlandaise exonère
d'impôt les intérêts payés à des bénéficiaires étrangers. La société
luxembourgeoise accumule ainsi des profits et a pu négocier un « ruling "
avec l'administration fiscale locale pour avoir un taux d'impôt
insignifiant. Ensuite, la société
luxembourgeoise utilise ces profits pour verser des dividendes à la fondation,
où ceux-ci sont exonérés d'impôt car ils proviennent d'une filiale
étrangère…brillant !
Le Double Irish with a Dutch
sandwich : La
multinationale commence par décider que les clients de différents pays
européens, lorsque par exemple ils achètent ses services sur internet,
contractent avec une société du groupe qui est localisée en Irlande. C'est donc
là que se forment initialement les profits. Toutefois, le groupe établit une
autre société en Irlande, cette fois une société holding de droit irlandais
dont le centre d'activité est, lui, situé offshore. Cette société holding détient les droits de
la marque et en facture les droits d'utilisation à une société holding
néerlandaise, qui les réclame elle-même à la première société irlandaise. La
législation irlandaise exonère en effet d'impôts à la source les redevances
payées par une société du pays à une société à l'étranger. Ensuite, la
législation néerlandaise exonère d'impôts les redevances payées par une société
holding nationale à une société étrangère du groupe.De cette manière le
bénéfice se déplace sans impôts vers la société holding irlandaise. Comme
celle-ci a son centre d'activité offshore, ces profits sont exonérés d'impôts
en Irlande….
Le no man's land fiscal : Les recettes des ventes européennes
de la multinationale sont collectées de manière à se retrouver dans une même
société de droit néerlandais. Celle-ci forme une unité fiscale, taxée
globalement, avec une autre société néerlandaise chargée de la gestion des
stocks, qui accumule de grosses pertes car elle doit payer au groupe des
redevances pour l'utilisation de la marque.
Cette
facturation interne permet de payer très peu d'impôts, puisque les profits ont
été évacués sous forme de redevances.
Un
petit perfectionnement pour les sociétés américaines : le bénéficiaire des
redevances est une société néerlandaise vennootschap (société en commandite
néerlandaise) dont les détenteurs sont des sociétés du groupe localisées aux
Etats Unis. Pour le fisc américain, cette structure doit être taxée aux
Pays-Bas. Mais pour le fisc néerlandais, elle doit être taxée aux Etats-Unis.
Dans la pratique cette structure échappe
donc à tout impôt….
Le rescrit fiscal Luxembourgeois. Ca, pour le coup, c’est assez
simple. En novembre 2014, l’International Consortium of Investigative
Journalists (ICIJ) révèle dans plus de 40 journaux l’existence d’accords
fiscaux très avantageux conclus entre des sociétés multinationales et le fisc
luxembourgeois via des cabinets d’audit. Ces révélations sont étayées par des
documents rapportant plus de 548 accords
fiscaux, établis par le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC) entre 2002
et 2010, pour le compte de 343 sociétés et approuvés par l’administration
des impôts du Luxembourg. McDonald's
a ainsi mis au point une stratégie
d'optimisation fiscale qui lui aurait permis d'éviter de payer environ un
milliard d'euros d'impôts entre 2009 et 2013 en Europe. Selon l'enquête de la
Commission, la multinationale américaine a transféré au Luxembourg certains
bénéfices réalisés en Europe, avant d'expliquer à l‘administration luxembourgeoise
que ces revenus ne pouvaient pas être soumis à l'impôt car ils seraient taxés
aux Etats-Unis…
Oh
attention me faites pas dire ce que j’ai pas dit. Tout ça est parfaitement
légal, comme cela a bien été prouvé par La Commission Européenne : « La
Commission européenne, qui avait ouvert une enquête en décembre 2015 sur des
accords fiscaux consentis par le Luxembourg au géant de la restauration rapide
(McDonalds), a finalement jugé mercredi
que le traitement fiscal avantageux accordé par le Grand-Duché était légal ».
Légal, vous-dis-je. Tout au plus, M. Juncker, président de cette si
accommodante Commission Européenne et Premier Ministre du Luxembourg à la
grande époque des rescrits fiscaux a-t-il concédé : « Je suis en
faveur de la concurrence fiscale, mais elle doit être équitable… J’ai parfois
négligé cette dimension dans le passé. »
Légal
vous dis-je ! Par contre, les
lanceurs d’alerte ayant révélé l’existence des rescrits fiscaux à la presse ont
été poursuivis par le Luxembourg et condamnés à de la prison avec sursis en
première instance fin juin 2016… Et ils ont perdu leur travail et tout espoir
d’en retrouver dans le secteur financier…
Que mille fleurs fiscales
s’épanouissent ! Et que beaucoup d’argent s’évanouisse !
Chacun
de ces pays truqueurs, passagers clandestins de l’Europe, a sa
spécialité : montages louches à partir de la propriété intellectuelle pour
les Pays Bas, rescrits Luxembourgeois, fiscalité basse en Irlande. Tiens, aussi
Malte, et assez logiquement, ses yachts : les propriétaires de bateaux
peuvent ainsi bénéficier du « leasing maltais », qui permet notamment d’acheter
un yacht en location-vente par le biais d’une société maltaise en se le louant
à soi-même avec un taux réduit de TVA pendant une certaine période (5,4 % au
lieu des 18 % officiels), à l’issue de laquelle le yacht devient propriété
pleine et entière de l’acheteur. Les yachts, mais pas que ! le rabais
maltais permet aux entreprises étrangères de réduire l’impôt sur les sociétés
de leurs filiales maltaises à un taux effectif d’environ 5 %, bien loin de 33,3
% applicables en France. Depuis l’adhésion de l’île à l’Union européenne en
2004, des centaines de Français ont compris cet avantage et ont délocalisé leur
activité là-bas, que ce soit pour le jeu en ligne, la production de cinéma ou…
l’assurance
Ce
ne sont que quelques exemples de cette
floraison de néologismes et d’innovations fiscales auxquels la politique de
l’Eurokom a permis Comme ne disait pas
le Président Mao, que mille fleurs fiscales s’épanouissent !
Et
que beaucoup d’argent s’évanouisse !
Bref,
en 2018 (peut-être l’approche d’élections européennes n’y est-elle pas pour
rien), la Commission Européenne a commencé à s’émouvoir. « Pour la
première fois, la Commission insiste sur la question de la planification
fiscale agressive dans sept pays: la Belgique, Chypre, la Hongrie, l'Irlande,
le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas», a déclaré le commissaire européen à la
Fiscalité, Pierre Moscovici. «Ces
pratiques peuvent nuire à l'équité et à la concurrence loyale dans le marché
intérieur, et elles augmentent le fardeau des contribuables européens »
Notons
que le premier reproche que fait le Commissaire Européen (ex-socialiste), c’est
l’ « atteinte à l’équité et à la concurrence dans la marché
intérieur ! ». Qu’il s’agisse d’un
véritable et agressif programme de paupérisation des Etats et des peuples,
une attaque agressive contre l’Etat social, conquête historique des peuples
européens ne constitue qu’un regrettable ( ?) à coté.
En
2013, la Commission européenne estimait à 2 000 milliards d'euros le montant de
l'évasion fiscale dans l'Union européenne. En France, l'État perdrait 60 à 80
milliards d'euros par an, soit en gros 3 % du PIB !
Un
exemple du caractère massif de l’optimisation : l’Irlande. Surprise en 2015 : le pays a
soudainement révisé sa croissance de 7,8% (un chiffre qui aurait déjà pu faire
pâlir de jalousie la Chine) à 26%. Un bond qui lui a permis de faire passer son
ratio de dette publique de 104,5% à 76,9% en l'espace d'un an. Un bond surtout
qui ne se retrouve ni dans l'emploi, ni dans la consommation. L'emploi n'a
toujours pas retrouvé ses sommets d'avant crise. Et le poids de la consommation
ne cesse de diminuer en proportion du PIB, ce qui témoigne de la décorrélation
entre le PIB et l'augmentation des revenus des personnes qui résident et
travaillent réellement en Irlande. L’explication : l’Irlande, tel un
pirate fiscal, a détourné les impôts des autres pays européens.
L’action « résolue » de
la Commission européenne. Même pas 3% ! Pitoyable !
Prenons
un cas précis et emblématique, Apple. Le taux moyen d’impôt sur les bénéfices
dans l’UE est de 21% et un pays
comme l’Irlande, dont le taux compte parmi les plus bas du continent, taxe les
profits à hauteur de 12,5%. Mais
cela ne suffit encore pas pour un client pour Apple. Selon la Commission
européenne, Apple a réussi à rabaisser considérablement son imposition après le
rescrit mis en place avec le gouvernement irlandais en échange du développement
de ses activités dans l’île. Ainsi, en 2014, le taux de taxation en Irlande avait ainsi été de 0,005% selon les
calculs des services de la commissaire danoise à la concurrence Margrethe
Vestager.
Là,
même la très libérale Commission Européenne a jugé que c’était un peu trop.
Elle a décidé de sévir et contraint Apple à rembourser 13 milliards d’euros à
l’Irlande au titre «d’avantages fiscaux indus» pour la période 2003-2014… que
l’Irlande a d’abord refusé.
Qu’arriva-t-il
ensuite ? La multinationale a-t-elle changé ses pratiques ? Pas vraiment,
répond un rapport commandé par les élus du groupe de la gauche alternative au
Parlement européen. En se fondant sur des estimations en l’absence de données
fiscales claires et lisibles communiquées par Apple sur la répartition de ses
revenus, il conclut que la multinationale a payé un impôt sur ses bénéfices
compris entre 1,7 et 8,8% dans les différents pays de l’UE entre 2015 et 2017.
Soit un évitement fiscal qui représente un manque à gagner compris entre 4 et
21 milliards d’euros sur la même période… Pitoyable !
Bon,
alors attaquons par un autre côté.
Essayons une petiote taxe, pas trop grosse, 3% sur les Gafa. La France avait
l’air assez volontaire, l’Allemagne aussi, Le Maire, chaud bouillant,
Patatras : outre l’Irlande, le Luxembourg et Malte (tiens, tiens, on les
retrouve !), les trois pays
nordiques membres de l’UE (Danemark, Finlande, Suède) ont fait savoir leur
opposition au projet de taxation des géants du numérique défendu par la
Commission européenne. Ils ont estimé qu’il risquait de nuire à l’économie
européenne. Et Patatras bis ! Soumise à une forme assez peu discrète de
chantage américain sur la vente de ses voitures aux USA, l'Allemagne n’est plus,
mais alors plus du tout partante.
Enterrement
et évocation d’une taxe purement française…qui, à supposer qu’elle se fasse, ne
fera que renchérir le coût des services des GAFA en France. Le gilet jaune
informatisé la paiera, ça lui apprendra à utiliser Facebook ! ¨
Pitoyable !
Lamentable
Il s’agit d’un vol pur et simple de
recettes fiscales entre Européens
Extraits
d’une interview de Gabriel Zucman (prix du meilleur jeune économiste 2018), Le
Monde, 11/062018 :
40
% des profits des multinationales sont enregistrés en Irlande, au Luxembourg,
aux Bermudes, à Hong Kong, tous des territoires à fiscalité faible ou nulle. Il
s’agit donc de délocalisations artificielles de profits, juste pour payer moins
d’impôts. Le résultat est que des
paradis fiscaux comme l’Irlande ou le Luxembourg collectent deux à trois fois
plus d’impôts sur les sociétés, en pourcentage de leur PIB, que la France ou
l’Allemagne ; Malte est à 7 %, contre 2,5 % pour la France….
Ces
paradis fiscaux sont au cœur de l’Europe. Il
s’agit d’un vol pur et simple de recettes fiscales entre Européens. Il
existe un projet d’assiette commune consolidée d’impôt sur les sociétés,
malheureusement cela fait plus de quarante ans qu’on en discute…
Que
peut-on faire ? La France pourrait reconnaître que la situation est bloquée, et
choisir de réformer d’abord sa fiscalité. Un groupe qui fait 10 milliards de
dollars de profits dans le monde et qui réalise 10 % de ses ventes en France
serait taxé en France sur la base de 10 % de ses profits mondiaux, soit un
milliard… C’est simple, et cela rendrait caduque toute cette industrie de
l’optimisation fiscale. Cela permettrait aussi d’augmenter nos recettes
d’impôts sur les sociétés d’environ 20 %, sans augmenter le taux, juste en
réintégrant les profits aujourd’hui déclarés au Luxembourg ou aux Bermudes. L’autre avantage est qu’on passerait d’une
concurrence par le bas, par la baisse des taux et des recettes fiscales, à une
concurrence par le haut : les choix de localisation des entreprises ne se
feraient plus sur les taux, mais sur la qualité des infrastructures ou de la
main-d’œuvre du pays. Je crois que
le moment est venu pour la France de faire cavalier seul…
Le
projet de taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires porté par la France et la
Commission européenne relève de la courte vue, c’est beaucoup d’énergie
dépensée pour ne résoudre qu’une petite partie du problème….
Les
projets de flat tax (impôt à taux unique, proportionnel et pas progressif) se
multiplient : Italie, France, Autriche… On nous explique que les entrepreneurs et les
grandes fortunes sont très mobiles, qu’il ne faut donc pas trop les taxer, car
ils risquent de partir. Ces flat tax reviennent à dire qu’on va moins taxer
ceux qui bénéficient le plus de la mondialisation… Ce n’est politiquement pas soutenable, et je crois que le vote Trump ou
le Brexit sont, pour partie, des réactions à ce type de pratique. Il faut,
au contraire, concilier l’ouverture et la justice fiscale, pour redistribuer
les gains de la mondialisation. Cela passe par la réforme fiscale dont je
parlais, qui permet de taxer les multinationales à des taux plus élevés sans
risque de délocalisation, et en même temps de baisser les impôts de ceux qui
ont perdu dans la mondialisation, par exemple la CSG sur les retraités. Je rappelle qu’en 1985, le taux moyen de
l’impôt sur les sociétés, au niveau mondial, était de 49 %, contre 24 %
aujourd’hui.
Bon,
on a compris, je crois. Les peuples ne supportent plus cela ! Il va
falloir sortir de cet Eurokom, vraiment renverser la table !
Il
reste peut-être deux, trois ans pour arriver à une solution. Sans cela, la
Communauté Européenne va exploser !
aussi sur https://eurokomonaimepas.blogspot.com/2019/01/raison-de-detester-leurokom-25-le.html
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