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jeudi 4 avril 2019

Chers amis allemands (3) : le fardeau de l’euro



Selon le Centre de politique européenne, la France et l'Italie sont les pays qui, faute de réformes suffisantes, ont le plus pâti de l'adoption de l'euro. Chaque Français aurait perdu 56.000 euros sur la période 1999-2017. Et les grands gagnants seraient l'Allemagne et les Pays-Bas.

Selon cette étude intitulée du CEP intitulée «20 ans d'euro: perdants et gagnants, une enquête 
empirique», la monnaie unique aurait largement pris à certains pays ce qu'elle a apporté à d'autres, depuis son introduction.

Un gain de 23. 000 euros pour les Allemands, un appauvrissement de 56.000 euros par Français !

Selon le CEP, c'est bien l'Allemagne qui est le grand vainqueur de l'introduction de l'euro, avec 1893 milliards d'euros supplémentaires pour le PIB, sur la période 1999-2017, soit un gain de 23.116 euros par habitant. Les Néerlandais ont gagné presque autant (21.003 euros), et première surprise, les Grecs n'auraient pas pâti de l'euro (+190 euros par habitant depuis 2001). Invité à préciser ce résultat étrange, l'économiste du CEP Matthias Kullas a souligné auprès de Die Presse que concernant la Grèce, l'euro a en effet apporté un gain de prospérité au début, qui a été ensuite annihilé par la crise économique à partir de 2010. Concernant l'Allemagne, pas de surprise: le pays s'est appuyé sur la stabilité de l'euro, dans la continuité du Deutsche Mark, pour exporter ses produits de haute valeur ajoutée.

Commence ensuite la liste des perdants. Si l'Espagne et la Belgique n'ont pas trop vu baisser leur PIB par habitant (-5031 et -6370 euros), les Portugais ont plus fortement souffert de la monnaie unique (-40.604 euros par personne). Et les deux pays les plus négativement affectés sont la France et l'Italie, qui ont perdu respectivement 3591 et 4325 milliards d'euros sur 20 ans, soit 55.996 euros par Français et 73.605 euros par Italien. Le bilan global semble donc, à l'échelle de l'économie européenne, plutôt négatif.

En ce qui concerne les deux lanternes rouges du classement, le Centre de Politique Européenne mentionne l'importance d'un outil de politique économique mort avec l'adoption de l'euro: la dévaluation. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la France et l'Italie avaient en effet eu plusieurs fois recours à la dévaluation du franc et de la lire, pour soutenir leur compétitivité. Une pratique aux avantages et revers nombreux, utilisée pour la dernière fois en France en 1986, justement pour rééquilibrer la valeur du franc par rapport au mark allemand, et défendre les entreprises exportatrices. Depuis l'usage de la monnaie unique, les gouvernements des deux pays n'ont plus la possibilité de dévaluer, et selon le CEP, n'ont pas engagé les réformes qui leur auraient permis de rendre l'économique plus efficace, et de bénéficier de l'euro.

Bref selon le CEP, l’euro ça ne va pas ! et on ne peut pas lui donner tort (cf. http://vivrelarecherche.blogspot.com/search?q=probl%C3%A8mes+avec+l%27euro). 

Vu l’ampleur des dégâts, une solution pourrait être de  conseiller à la France de reprendre le contrôle de sa monnaie, et donc de précipiter la fin de la monnaie unique, de manière ordonnée. Mais le CEP s'inscrit dans la tradition de l'école de Fribourg, d'inspiration ordolibérale. Alors le think tank, à tous les pays, donne le même conseil : il faut faire des réformes  structurelles sur l'économie – traduisons : il faut faire tout comme les Allemands et obéir à leur diktat. Et le diktat le voilà, en ce qui concerne la France : « pour profiter de l'euro, la France doit suivre avec rigueur la voie de la réforme du président Macron»…Punkt

Tiens d’ailleurs, un truc que je comprends pas : si tous les pays deviennent exportateurs comme l’Allemagne, eh bien l’Allemagne perdra son excédent commercial record, hein ? Donc tout le monde ne peut pas faire comme l’Allemagne ; et d’ailleurs, tout le monde n’a pas envie de devenir allemand, ni d’être gouverné par les Allemands.

L’euro ne fonctionne pas !

Un gain de 23.000 euros pour les Allemands, un appauvrissement de 56.000 euros par Français ! Evidemment, le chiffre a choqué, alors l’étude a été mise en cause. Peu crédible, dit l'entourage du ministre français de l'Économie Bruno Le Maire à propos des résultats pour la France. « Une seule étude ne peut suffire à forger une opinion, d'autant plus que la méthode et les résultats peuvent prêter le flanc à la critique ». Les auteurs de l'étude ont en effet cherché à calculer quel aurait été le PIB entre 1999 et 2017 des pays qui ont adopté l'euro de longue date, si ces derniers avaient conservé leur monnaie nationale. La méthode retenue consiste à imaginer une évolution du PIB pour chaque pays, dans l'hypothèse où l'euro n'aurait pas existé. Les projections ont été réalisées en récréant virtuellement des trajectoires économiques à l'aide d'algorithmes, eux-mêmes basés sur les données de pays hors zone euro. Par exemple, le PIB fictif de la France sans euro a été établi en utilisant les données de l'Australie et du Royaume-Uni. C'est ce qu'on appelle "la méthode de contrôle synthétique ». Ca peut sembler un peu schématique mais le think tank précise que l'influence des évènements économiques indépendants est neutralisée.

Le chiffre peut être contesté, mais pas la réalité : l’euro fonctionne au profit exclusif des allemands et au détriment de tous les autres ! Et c’était évident dès le départ, cf par exemple la tribune de  Jean-Michel Naulot, membre du Collège de l'autorité des marchés financiers (AMF) de 2003 à 2013. http://l-arene-nue.blogspot.com/2015/03/leuro-en-crise-permanente-jusqua-quand.html ; Citations :

« Depuis l’origine, depuis sa conception même, l’euro est en crise. Dès le début des années quatre-vingt-dix, lorsque les autorités françaises décidèrent de défendre à tout prix la parité monétaire du franc avec le deutschemark pour préparer l’avènement de la monnaie unique, ce que l’on a appelé la politique du franc fort, la France a connu la crise. Tout au long de ces années, elle se tiendra à l’écart de la reprise économique mondiale. La politique de taux élevés pratiquée par la Banque de France cassera la croissance et, ce que l’on a tendance à oublier, fera exploser la dette publique. Pendant les années Bérégovoy - Balladur - Juppé (1992-1997), la croissance sera ainsi en moyenne de 1,5%, au lieu de 3,5% aux Etats-Unis, et la dette publique passera de 36% du PIB à 60%. Et pourtant, les premiers ministres de l’époque n’avaient pas la réputation d’être particulièrement dépensiers ! Le bond en avant de la dette publique française date de ces années-là. Lorsque la croissance n’est plus là, la dette augmente. La dette publique progressera à nouveau de manière spectaculaire dans la période récente en liaison avec les deux crises financières des subprimes et de l’euro (de 64% du PIB en 2007 à 95% en 2014). »

« Il faut tout faire, dès maintenant, pour que la zone euro ne soit plus le maillon faible de la croissance mondiale. L’arrivée d’une nouvelle crise financière, à échéance rapprochée, n’a en effet rien d’improbable »

« Le constat est clair : depuis sa création, l’euro n’a pas tenu ses promesses, ni en termes de prospérité, ni en termes de rapprochement des peuples. Il aurait fallu un miracle, celui du fédéralisme, pour qu’il en soit autrement. Depuis qu’existe la pensée économique, nous savons qu’une zone monétaire est indissociable de la souveraineté, Etat ou fédération. Sans cette condition, une zone monétaire ne peut fonctionner que de manière sous-optimale. Robert Mundell, Michel Aglietta et tant d’autres économistes avaient très bien montré avant l’arrivée de l’euro que sans transferts financiers massifs, sans une solidarité équivalente à celle qui existe entre l’Etat de New-York et celui de Californie, une zone monétaire se traduit par le renforcement des plus forts et l’affaiblissement des plus faibles. »

Eh oui : l’euro ne peut fonctionner sans transferts massifs, sans fédéralisation. Allons vers la fédéralisation répètent les perroquets de l’ultra libéralisme.  Oui, mais la fédéralisation, ça veut dire ceci : aux USA, lorsque la Louisiane  perd un euro, le système fédéral lui redonne 60 cents (en Europe, pour un euro perdu c’est un cent seulement selon Patrick Arthus). Donc la fédéralisation, ce seraient des transferts massifs, et plus que massifs de l’Allemagne vers l’Europe du sud et de l’est.
Croyez-vous que les Allemands l’accepteraient ? Non la seule chose qu’ils souhaitent, c’est de maintenir l’euro tel qu’il existe et tel qu’il leur profite énormément, au détriment des autres. Et quand ça ne sera plus tenable, lorsque tous les pays européens, sauf l’Allemagne en seront au point de la Grèce, eh bien ils ‘sen iront.

Alors, il faut tout changer ! Maintenant ! Et éventuellement s’en aller !



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