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lundi 29 juillet 2019

Grand Débat, déchets nucléaires, PNGMDR et Cigeo


PNGMDR : Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs

PNGDR qu’es aco : Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Et il y a là-dessus  un débat organisé par la CNDP (Commission Nationale du Debat Public) – celle qui a organisé un grand débat ma foi assez objectif et bien conduit sur la PPE ( loi de Programmation pluriannuelle de l’Energie) et qui s’est fait recaler du Grand Debat de Macron ( et pour cause, puisqu’il s’est révélé comme une simple opération de propagande en vue des Européennes).

Donc débat il y a sur les déchets nucléaires, avec, selon maintenant une méthode bien rodée, site internet, documents d’information, cahiers d’acteurs, contributions citoyennes et aussi débats délocalisés.

Pour l’un de ces débats, à Lille, ça s’est mal passé. « La réunion publique de Lille qui s'est tenue fin mai, a été perturbée par certains participants anti-nucléaire. La commission en a pris acte, et a interrompu la rencontre au bout d'une heure trente environ, quand les échanges ne pouvaient plus se dérouler dans des conditions satisfaisantes. Elle regrette cette décision et invite tous les citoyens à participer au débat public via les différentes modalités offertes : réunions, site internet etc ; pour exprimer leur point de vue.
Il semblerait que les personnes qui ont perturbé la réunion aient répondu à l'appel de plusieurs collectifs qui considèrent "qu'il n'y pas à débattre tant que les centrales continuent de produire des déchets]", et qui souhaitaient "qu'aucun discours pro-nucléaire ne puisse s'exprimer" (tract du réseau Sortir du Nucléaire).
Précisons que tout au long de la phase de préparation et au cours du débat, la commission a proposé à ces associations et collectifs d'être présents dans le débat selon des modalités à discuter…

Belle démonstration du fanatisme et des conceptions de la démocratie, du refus de toute rationalité de certains prétendus écologistes. Au moins c’est clair !

Ceci dit, si la presse s’est fait l’écho de l’échec de Lille, il  a eu d’autres débats, certes passionnés, mais qui ont pu normalement avoir lieu, à Caen, Cherbourg, Rennes, Valence, Bordeaux, Strasbourg, Bar Le Duc, Lyon, Rouen…Et qui ont quand même révélé de grandes ignorances et pas mal de fantasmes.

Le cri d’alarme et position de Greenpeace (Yannick Rousselet)

« Nous faisons face à une saturation de toutes les capacités de stockage. Quel que soit le type de déchets, tout est saturé. La crise la plus forte est celle des combustibles usés qu’EDF garde dans les piscines de ses centrales. Elles ne sont pas destinées à cet usage, notamment pour des questions de sécurité. Elles sont normalement utilisées pour le refroidissement des combustibles à leur sortie des réacteurs, mais dans un délai raisonnable. EDF préfère les garder car cela ne lui coûte rien. Dès que le combustible sort de la centrale, il faut payer le service à Orano (ex-Areva »).

NB : une façon un peu partiale de voir les choses : en fait, ce stockage sous piscine est une étape transitoire incontournable du traitement des déchets….

 « La Hague est au bord de la saturation. Environ 10 000 tonnes de déchets y sont stockées. Sur le papier, elle présente une capacité de 17 000 tonnes. Mais dans la réalité, des espaces comme les allées de circulation sont comptabilisés dans ses zones de stockage. On tombe alors à 11 000 tonnes de capacité. EDF nous annonce la construction d’une nouvelle piscine de stockage géante à Belleville-sur-Loire (Cher) pour évacuer ces stocks de La Hague et des centrales. Elle ne sera pas opérationnelle avant 2030. Pendant ce temps-là, à La Hague, ce sont automatiquement 150 tonnes de déchets supplémentaires qui doivent être stockées chaque année. Pour nous, ce n’est pas la solution. »

« Il faut revisiter le dogme français du recyclage puis du stockage en couche profonde. L’entreposage à sec en subsurface (jusqu’à 30 m de profondeur) est une voie à étudier. Elle est utilisée en Suisse. Les Belges ont vidé les piscines de leurs centrales. Orano sait travailler pour cette filière. À la différence du stockage très profond, elle présente plusieurs avantages. Cette méthode est beaucoup plus flexible. Elle n’utilise pas d’eau. Et surtout, elle permet un retour en arrière. Peut-être que des avancées scientifiques nous permettront de mieux traiter les déchets à haute activité. S’ils sont enfouis à Cigéo, on ne pourra plus rien faire. »
(NB c’est faux, voir ci après)

Contributions : les Anciens du Nucléaire et la CFE-CGC

Sur le site de la Commission, deux contributions claires qui énoncent bien les enjeux : une d’un groupe d’anciens du nucléaire, et  d’autre part, de la CFE-CGC qui joue bien ici son rôle de partie prenante légitime à l’intérêt général (que Macron déniait aux syndicats !). Extraits :

« Le « Collectif des anciens du nucléaire » rappelle que l’électricité consommée par une personne pendant 50 années génère seulement 20 kg de déchets radioactifs (dont un peu moins de 500 g de déchets à « vie longue »). »

« Il souhaite aussi attirer l’attention sur les conséquences de l’application du principe de précaution étendue à la gestion des déchets issus de la déconstruction à venir des réacteurs du parc en exploitation d’EDF. Ce sont principalement des gravats et des déchets métalliques très faiblement radioactifs, en quantités importantes mais qui ne présentent aucun risque sanitaire. Ces déchets sont pourtant considérés comme des déchets radioactifs en se basant sur la zone d’origine de leur production, faute d’existence d’un seuil de libération.
La France est semble-t-il le seul pays européen dans ce cas. C’est d’autant plus étonnant qu’une directive européenne (2013/59/Euratom) autorise cette libération en fixant les valeurs d’activité à respecter, reconnues et utilisées par les autres pays européens nucléarisés. Or, non seulement cette absence de seuil a pour conséquence la multiplication des transports et la saturation des sites de stockage, mais elle est clairement néfaste pour le climat. En effet, recycler l’acier dans un four électrique alimenté en électricité pratiquement décarbonée, comme c’est le cas en France, émet très peu de CO2 alors que l’élaboration d’acier de « première fonte » à partir de la mine émet près d’une tonne de CO2 par tonne d’acier élaboré. Ainsi, avec la déconstruction prévue des réacteurs d’EDF ce sont plus de 500000 tonnes d’acier qui seront potentiellement concernées par le seuil de libération en France, ce qui représentera autant de tonnes de CO2 dont les rejets pourraient être évités… »

« Le stockage géologique profond choisi pour Cigeo est la solution la plus sure tant que les solutions de transmutation ne sont pas disponibles Concernant les déchets les plus actifs (HA) et/ou d’activité moyenne mais les plus durables (MAVL), la solution de long terme la plus sûre est le stockage géologique profond dans une couche argileuse épaisse, étanche et stable depuis des millions d’années pour au moins deux raisons majeures.
Il offre le plus de garanties analysables et vérifiables en termes de non-dissémination de matières radioactives dans l’environnement susceptibles d’atteindre les hommes et les autres êtres vivants.
Il constitue une protection appelée à devenir purement passive à terme, c’est-à-dire sans nécessité d’une intervention humaine, après une phase de possible réversibilité si un procédé de traitement est un jour mis au point. Cette conclusion est partagée par la France et de nombreux pays ayant étudié longuement le sujet (Royaume-Uni, Suisse, Suède, Finlande, Canada, etc.). Ce sera aussi la nôtre dans ce débat…

CFE-CGC :Extraits

Pour la CFE-CGC, la production d’électricité d’origine nucléaire permet de disposer d’une source d’énergie décarbonée, pilotable et compétitive. La Programmation Pluriannuelle de l’Energie prévoit qu’elle demeure, en lien avec le développement des énergies renouvelables intermittentes, une composante essentielle de la politique énergétique de la France. Il est donc essentiel de s’assurer que les déchets et matières radioactives sont pris en charge de manière sûre, sans conséquences sur la santé ou l’environnement.
La CFE-CGC considère que le PNGMDR doit être un outil au service de la politique énergétique française en permettant de s’assurer d’une gestion responsable des déchets et matières radioactives sur le long terme pour : • garantir la protection des populations et protéger l’environnement lors des traitements et manipulations de ces déchets de haute, moyenne, faible et très faible activité avec des moyens proportionnels aux enjeux et à la dangerosité ; • poursuivre le retraitement des combustibles usés qui permet à la fois de recycler aujourd’hui l’équivalent de 10 % des matières du combustible, de constituer un stock de matières valorisables dans de futurs réacteurs, de préserver ainsi les ressources naturelles et de réduire la quantité et la dangerosité des déchets de haute activité ; • promouvoir les emplois existants et à créer en France liés à la gestion des matières, des déchets... »

Une nouvelle piscine d’entreposage de combustibles uses est nécessaire.

 Le parc nucléaire français actuel utilise de l’ordre de 1 200 tonnes de combustible par an et il en traite environ 1 100 tonnes dont une partie (environ 100 tonnes) est recyclée sous forme de MOX (Mixed OXide = Combustible nucléaire constitué d'un mélange d'oxydes de plutonium provenant du retraitement et d'uranium). Le MOX usé n’étant pas recyclable dans les réacteurs actuels, il n’est pas retraité, ce qui conduit au remplissage des capacités d’entreposage disponibles, qui devraient donc être pleines à l’horizon 2030. Cela implique bien évidemment la création de nouvelles capacités d’entreposage du fait de l’exploitation du parc nucléaire français existant, comme le prévoit la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) et comme le défend la CFE-CGC. L’entreposage du combustible usé en piscine s’effectue d’abord sur le site de la centrale utilisatrice, puis se poursuit dans une piscine dédiée avant retraitement. Il s’agit donc d’une étape dans le cycle du combustible nucléaire destinée au refroidissement des éléments jusqu’à un niveau permettant leur retraitement. Le retraitement a pour objectif de séparer les produits de fission des matières recyclables et de réduire la quantité de déchets de haute activité et ceux de moyenne activité à vie longue . Une solution de type entreposage direct à sec des combustibles usés de type MOX, mise en avant par plusieurs acteurs, ne peut pas se substituer à un entreposage sous eau. Compte tenu de leur puissance thermique, qui de plus décroît lentement, un entreposage prolongé sous eau est nécessaire. L’entreposage sous eau est maîtrisé sur les plans technique et de sécurité nucléaire (au sens sûreté et protection des installations) et la construction d’une nouvelle piscine serait soumise à l’autorisation de l’ASN qui s’assurerait de la mise en œuvre des meilleures techniques existantes. Toutes ces techniques, et les compétences associées, sont présentes en France, puisqu’il s’agit d’activités mises en œuvre de manière opérationnelle au quotidien par les exploitants nucléaires…. Pour ces raisons, la CFE-CGC soutient le projet de construction d’une nouvelle piscine d’entreposage de combustibles usés.

Un cadre règlementaire permettant la valorisation des déchets très faiblement actifs doit être créé

Beaucoup de déchets sont classés comme susceptibles d’être radioactifs uniquement sur la base de leur localisation d’origine, alors qu’ils présentent un niveau de radioactivité nul ou extrêmement faible, et dans tous les cas, ne peuvent induire que des expositions non mesurables et très inférieures aux niveaux d’exposition naturelle. Par ailleurs, de nombreux déchets sont constitués de métaux qu’il conviendrait de préserver et de valoriser pour l’avenir au moment où les questions de souveraineté minérale et de préservation des ressources naturelles se font de plus en plus prégnantes...
Permettre de développer cette filière, c’est clairement commencer à développer l’économie circulaire des différents métaux, dans un contexte où celle-ci est au cœur des travaux des différents comités stratégiques de filière du Conseil National de l’Industrie et où un projet de loi Economie Circulaire devrait être présenté au Parlement en 2019, dans la continuité de l’élaboration de la Feuille de Route Economie Circulaire (FREC) en 2018. Qui plus est, alors que la compétition mondiale s’intensifie pour l’accès aux ressources minières et que la souveraineté minérale commence à être intégrée aux réflexions politiques, cette filière de valorisation peut avoir un intérêt pour l’approvisionnement de l’industrie métallurgique française.
Le cadre réglementaire et administratif actuel relatif à la gestion des déchets susceptibles d’être radioactifs restreint un tel recyclage à une utilisation au sein des installations nucléaires, ce qui constitue une spécificité dans le paysage européen et mondial… C’est pourquoi la directive européenne, qui fixe des seuils de « libération » des déchets radioactifs en dessous d’un niveau garantissant l’absence de conséquences sanitaires, doit être réellement mise en œuvre en France pour permettre le traitement des déchets et la valorisation des matériaux traités, a minima métalliques…

Le projet Cigeo doit se poursuivre pour garantir une solution aux générations suivantes

Les déchets nucléaires ne représentent qu’une infime portion des déchets produits par l’homme (2 kg de déchets radioactifs par an et par habitant en France) et pour les gérer de manière sûre, des solutions industrielles sont d’ores et déjà mises en œuvre quotidiennement. Les déchets de haute et moyenne activité à vie longue ne représentent que 3 % des déchets nucléaires mais concentrent plus de 99 % de la radioactivité. Pour ces déchets, la solution industrielle disponible (traitement à La Hague puis entreposage) permet de garantir l’absence de risque pour la santé et l’environnement sur une période de l’ordre du siècle. Cependant, certains éléments contenus dans ces déchets ont une décroissance lente, nécessitant un confinement sur une période de plusieurs milliers d’années. Plutôt que de reporter cette question de gestion au-delà du siècle aux générations futures, la représentation nationale a fait le choix en 2006 de développer une solution capable de prendre en charge ces déchets sur des échelles de temps « géologiques ». Cette solution à l’étude depuis presque 30 ans, c’est CIGEO : le stockage géologique en couche profonde
La Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a conclu qu’il s’agit d’une solution sûre et passive sur le long terme qui évite d’en transmettre la charge aux générations futures : elle devient la solution de référence. Les différentes études menées depuis, en France comme à l’étranger, confortent ce choix…L’ASN a reconnu la qualité et la robustesse du dossier présenté. Les questions posées par l’ASN sur le risque d’incendie lié au stockage des déchets bitumés ne remettent en rien en question ces qualités fondamentales ni la pertinence du stockage géologique profond dans l’argile…

De plus, la réversibilité du projet CIGEO qui consiste à proposer une solution de long terme tout en se gardant la possibilité sur plus d’un siècle de s’adapter et de récupérer les déchets si une meilleure solution était trouvée doit être conservée… Pour toutes ces raisons, la CFE-CGC réaffirme son plein soutien au projet CIGEO en s’appuyant sur les fondements et arguments des choix techniques réalisés, et demande que la réalisation des ouvrages soit engagée sans plus attendre pour participer à la pérennisation des compétences d’une filière industrielle intégrée et responsable, forte de plus de 200 000 salariés »

Un débat nécessaire

Dans les sondages d’opinion sur l’énergie nucléaire, le thème du devenir des déchets nucléaires et du « cadeau empoisonné » fait aux futures générations est récurrent. C’est en fait l’un des principaux arguments des écologistes défavorables au nucléaire (il y en a des favorables !), entendons l’un des principaux arguments sérieux auxquels faut répondre ! Ce débat sur le PNGMDR répond à cette préoccupation légitime, il est nécessaire et utile. Les écologistes partisans du démantèlement des centrales peuvent d’ailleurs difficilement s’en désintéresser… et certains ont choisi d’y participer.
Il a le mérite de montrer l’existence de solutions techniques sûres et acceptables, selon les différents types de déchet. Construction d’une piscine supplémentaire, nécessité d’adopter la directive européenne (« seuil de libération ») sur le retraitement des déchets non ou très faiblement (inférieurs à la radioactivité naturelle), enfouissement en argile profonde avec réversibilité partielle semblent faire consensus chez les experts.

Il restera à trouver le courage politique de les mettre en œuvre.

N.B. : sur ce sujet comme sur les autres, ne pas hésiter à consulter les threads twitter de Tristan Kamin. : @Tristankamin 

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