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dimanche 7 juillet 2019

Politique énergétique et climatique ; à fond dans le mur, derrière l’Allemagne !

Après le blog précédent (« Le grand maléfice : pourquoi plus il y a de renouvelable, plus le prix de l’électricité augmente !)

un  autre aspect des dépositions devant une Commission parlementaire du très grand et indispensable Jean-Marc Jancovici, repris dans deux interviews données à Energgeek


Extraits :

Deux priorités incompatibles : combattre le réchauffement climatique ou baisser la part du nucléaire ?

« Dans son interview au Monde du 10 septembre 2018, le nouveau ministre de Rugy évoque un mix électrique à 50% EnR et 50% nucléaire dans la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), que pensez-vous de cette déclaration ?
Cette déclaration de François de Rugy atteste d’une mauvaise appréhension des priorités du gouvernement. Après avoir déclaré l’importance de décarboner l’économie, commencer par se focaliser sur la baisse du nucléaire, qui n’aura strictement aucun impact sur nos émissions, ne correspond à rien de logique.

Si la première déclaration de François de Rugy avait été « je vais m’occuper des transports », ou « de la rénovation des bâtiments », ça aurait clairement montré qu’Emmanuel Macron avait compris que la question climatique était ailleurs que dans le nucléaire. Le fait que le président laisse dire au nouveau ministre de l’environnement, dans sa première interview au Monde, « je vais commencer par m’occuper du nucléaire », même s’il précise qu’il souhaite pacifier le débat, illustre que rien n’a changé dans la mauvaise gestion des priorités. La démission de Nicolas Hulot n’y aura rien changé : le nucléaire reste le passage obligé de tout discours environnemental du gouvernement, et la place qu’il occupe dans les esprits et les débats annihile tout débat environnemental sérieux…

Attaquer sur le nucléaire est donc avant tout une erreur stratégique et tactique, car cela signifie que l’on va continuer à regarder ailleurs que là où sont les vrais problèmes. Il n’y a qu’à voir, la loi mobilités vient de passer de 130 à 30 articles, mais personne chez les écologistes ou ailleurs ne proteste…

Cette obsession autour du nucléaire vient peut-être de ce que ni François de Rugy, ni le président, ne disposent des leviers d’action pour agir sur les autres déterminants majeurs du système énergétique qui concerne la France, à savoir l’ouverture des mines de charbon en Chine ou en Indonésie, l’exploitation des gisements de gaz russes et le développement de l’activité des foreurs de shale oil aux États-Unis… Car c’est là que sont les grands facteurs déterminants de notre système énergétique depuis que nous sommes entrés dans une civilisation thermo-industrielle, où les machines produisent à notre place. Face à ce constat, le chef de la cinquième république française a finalement assez peu de possibilités d’agir à court terme.

Malgré toujours plus de renouvelables, nous ne sommes pas du tout sur la bonne trajectoire : les GES réaugmentent.

Avec l’Accord de Paris et l’exemplarité du nouveau champion de la Terre et du climat, Emmanuel Macron, peut-on tout de même croire que nous sommes sur une bonne trajectoire ?

Malheureusement, comme la plupart des pays qui ont adopté l’Accord de Paris, nous ne faisons pas les efforts qui correspondent à ces déclarations. Que fait-on pour lutter réellement contre nos émissions ? Pas grand-chose, et d’ailleurs elles ont augmenté en France en 2017. Quand on regarde les postes d’émission et les ordres de grandeur pour estimer ce qu’il faudrait faire, on ne peut pas dire qu’on tienne compte de l’Accord de Paris. On ne s’occupe sérieusement ni des transports, ni du bâtiment par exemple. En Allemagne c’est pareil, les constructeurs automobiles sont vent debout contre la réduction des émissions, les industriels sont vent debout sur la baisse des quotas à distribuer, les électriciens sont vent debout contre la baisse du charbon… L’Allemagne ne peut absolument pas être citée en exemple : ils vont certes dépenser 500 milliards d’euros dans les énergies renouvelables, mais cela n’aura quasiment rien changé à leur trajectoire sur les émissions de CO2.

En France, nous finançons essentiellement des investissements « de transition » qui ne correspondent pas à la question climatique. D’après un récent rapport de la Cour des comptes, à fin 2017 120 milliards d’euros ont été engagés dans l’énergie solaire et les éoliennes (sans compter les 25 milliards promis pour l’offshore à l’été 2018), sans modifier la part non fossile de la production d’électricité française, qui est à 90% depuis 1987. Question : à quoi ont servi les dépenses dans ces énergies renouvelables électriques intermittentes, si ce n’est à préparer une transition énergétique à l’allemande, c’est-à-dire pour faire moins de nucléaire, alors que ce dernier ne contribue pas aux émissions ? La plus grande confusion règne sur les objectifs, et elle est entretenue par une partie du monde politique qui met dans un même sac les énergies fossiles et le nucléaire. Au point que récemment encore, un sondage indiquait qu’environ deux tiers des Français pensent que le nucléaire est un contributeur significatif aux émissions de gaz à effet de serre, alors que c’est évidemment inexact. Ce qui est sûr, c’est que les slogans simplistes nuisent à la compréhension correcte des dossiers scientifiques !



L’Europe sous domination allemande. Pauvre démagogie des politiciens français. Pour quoi le fermeture de Fessenheim relève de l’imposture.

Pourquoi nos responsables politiques n’ont pas su faire un choix pertinent pour le pays au lieu d’essayer de singer les Allemands qui sont partis dans le décor…

Finalement, au regard de ces éléments, comment expliquez-vous les choix énergétiques français depuis ces dernières années ?
Pour moi, l’Europe est allemande, et donc l’Europe de l’énergie… est allemande. Le nucléaire c’est mal, le charbon on verra plus tard, le gaz (pourtant fossile et contributeur aux émissions) c’est bien, et le pétrole est en dehors des esprits. Au nom de l’axe franco-allemand, nous cherchons à les imiter en tout… Or, de l‘autre côté du Rhin, il y a une haine viscérale du nucléaire qui existe depuis longtemps, pour des raisons qui ne sont pas techniques. Le nucléaire rappelle tout d’abord les fusées Pershing, la présence militaire américaine sur le sol allemand, donc la « honte » de la Seconde Guerre mondiale. Ces fusées rappellent aussi l’époque où il y avait deux Allemagne, et que tout le monde essaie d’oublier aujourd’hui. Une experte de l’énergie m’a aussi fait remarquer un jour que l’énergie nucléaire est une énergie fédérale, et que dans un pays dominé par les Lander, elle sera moins bien vue que l’éolien qui est présenté comme une énergie locale (comme le charbon !). En France, nous n’avons pas tous ces éléments « culturels », donc nous voyons aussi la situation différemment.
Chez nous, cette focalisation sur le nucléaire a aussi des déterminants culturels. Les Français adorent l’Etat, mais adorent aussi s’en plaindre. Ils sont très attachés à avoir des hôpitaux publics tout en critiquant dès qu’ils le peuvent la qualité de l’accueil, très attachés au système public ferroviaire tout en se gaussant des retards des trains (alors que notre système ferroviaire nous est envié par nombre de pays étrangers), très attachés à l’école publique tout en critiquant l’enseignement, etc.
Dans cet ensemble, ils sont aussi très attachés à EDF tout en critiquant le système technique mis en place. Il faut savoir dépasser cet esprit de « village gaulois » pour faire des choix pertinents, et ni Sarkozy ni Hollande n’ont su le faire. Sarkozy a délibérément évité de parler du nucléaire au moment du Grenelle de l’Environnement, mais du coup il a laissé le champ libre aux anti-nucléaires et aux gaziers pour proposer que ce soient les ENR électriques (couplées au gaz !) qui montent en puissance dans le mix électrique.
Hollande a voulu séduire les 2% d’électeurs pour qui la baisse du nucléaire est un des premiers déterminants du bulletin de vote en annonçant la baisse à 50% en 2025 (il n’avait pas d’autre idée en tête que de se faire élire, ce chiffre rond ne correspondait à aucune analyse technique sérieuse) et la fermeture de Fessenheim, qui relève de l’imposture. Sur ce dernier point, que l’Etat, actionnaire d’EDF, lui impose, quelle que soit la raison, de fermer un réacteur, peut être vu comme une bêtise, mais cela reste dans le cadre des droits de l’actionnaire majoritaire. Par contre, que Monsieur François Hollande affirme, sans tenir compte de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), que c’est Fessenheim qu’il faut fermer car c’est la plus vieille et donc la plus dangereuse, cela relève de l’hypocrisie. Cela laisse croire que Monsieur Hollande est plus compétent que l’ASN ou que les ingénieurs d’EDF pour arbitrer entre tous les réacteurs en fonctionnement, alors qu’il n’a pas la compétence pour. En fait, la seule raison de cette décision était de réaffirmer l’autorité du gouvernement sur EDF, exactement comme un gamin sur la plage montre à un autre gamin qu’il est le plus fort en allant piétiner son château de sable. Voilà où nous en sommes rendus en matière de « clairvoyance » de l’Etat sur les arbitrages de ce qui constitue le sang de nos sociétés modernes, l’énergie.
Et encore, ici nous n’avons parlé essentiellement que d’électricité, mais cette dernière ne constitue que le quart à la moitié de notre consommation énergétique (selon la façon de compter, primaire ou final), et notre société dépend tout autant du pétrole, qui est un des angles morts majeurs de la politique énergétique européenne et française. »

Conclusion : Si l’objectif est de remplir nos engagements climatiques, diminuer la part du nucléaire dans le mix électrique est une imbécillité, une erreur monstrueuse, d’autant plus que la consommation d’électricité va considérablement augmenter. L’électricité peut être la plus décarbonée des énergie si elle est produite de la façon la plus décarbonée, c’est-à-dire le nucléaire, l’hydraulique plus des renouvelables en taux acceptables pour la stabilité du réseau (f ; l’Australie du Sud pour un contre-exemple). Mais pour un certain nombre d’écologistes (pas tous) fanatiques et misologues, l’objectif principal est la diminution du nucléaire, et ils sont suivis par des politiciens démagogues – il semble malheureusement que M. De Rugy  soit de leur côté.



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