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lundi 1 juillet 2019

Tritium dans la Loire : information et désinformation


Degré de racolage modéré  à fort?

Le 20 juin 2019, la Nouvelle République titrait en très, très gros : Alerte sur les rejets de tritium dans la Loire et la Vienne.

Quelques réactions : « C’est bien la preuve que lorsque les autorités publiques nous disent que tout est parfaitement maîtrisé en matière de sécurité nucléaire, c’est faux. » Charles Fournier, vice-président de la région Centre-Val de Loire délégué à la transition écologique. « Plusieurs associations antinucléaires demandent une enquête après avoir relevé, en janvier 2019, un taux anormalement élevé de tritium dans les eaux de la Loire, au niveau de Saumur (Maine-et-Loire). Ils dénoncent, mardi 18 juin, une « contamination » radioactive « anormalement élevée » en aval de cinq centrales nucléaires. » (Nouvelle République).

« En France, les militants antinucléaires se disent inquiets, et pour cause. Des prélèvements effectués dans la Loire en janvier dernier ont affiché un taux de tritium largement supérieur à ce qui est normalement observé : 310 becquerels par litre au lieu de 20 becquerels en moyenne. » (Euronews).

« Le collectif Loire Vienne Zéro Nucléaire et l’Acro alertent les autorités et demandent une enquête pour déterminer l’origine de cette valeur exceptionnelle », ajoutent les associations. La présence de tritium (hydrogène radioactif) y « est quasi systématique aussi bien dans le fleuve que dans les eaux de consommation. En janvier 2019, la concentration dans l’eau de la Loire a atteint 310 Bq/L » (Magcentre)

« Créée en 1986, au lendemain de l’accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro), basée dans le Calvados, a annoncé, ce mardi 18 juin, le résultat d’un prélèvement étonnant effectué en Loire près de Saumur (Maine-et-Loire). Inquiétant même, selon Guillaume Rougier, chargé d’étude au sein de son association agréée par l’Autorité de sûreté nucléaire, qui est en charge des centrales en France. » (Ouest-France).

 « Des risques pour les consommateurs : Beaucoup de communes du bassin de la Loire pompent leur eau de consommation dans le fleuve, notamment dans le Maine-et-Loire et en Loire-Atlantique. C'est pour cela que les chercheurs ont relevé des taux élevés de tritium dans l'eau courante.On retrouve encore du tritium dans l'eau du robinet à Nantes.Les doses observées dépassent rarement les 100 Bq/L, considérés par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) comme "un seuil qui, lorsqu'il est dépassé, entraîne une investigation complémentaire pour caractériser la radioactivité de l'eau Malgré tout, elles sont ingérées quotidiennement par les habitants de ces communes. Cela pourrait leur causer des problèmes de santé, notamment des cancers. Mais l'ACRO reste prudente. "On ne tient pas non plus à créer un mouvement qui inciterait tout le monde à acheter de l'eau en bouteille", précise Guillaume Rougier. » (France-Bleu)

Donc une couverture presse extrêmement large, avec même une reprise dans le 20H de TF1, dans une tonalité racoleuse de moyenne intensité (en général titres bien inquiétants, mais dans le corps de l’article, les informations de l’ASN (Autorité de Sureté Nucléaire)  sont souvent correctement reprises. Si on ajoute à cela le fait que par un hasard malencontreux, c’est juste à ce moment qu’ appliquant la modification du règlement faisant passer de 10 à 20 km la zone de sécurité autour des centrales, la Préfecture a fait distribuer des dizaine de milliers de pastille d’iode, il y avait place pour une psychose majeure. Il y a tout de même eu quelques courriers angoissés à propos de la boisson ou des baignades dans la Loire.

Tonalité racoleuse modérée, oui mais la multiplication de ces titres angoissants (même si le corps de l’article la corrige souvent) crée quand même un climat de peur et de désinformation qui impressionne ceux qui n’ont pas les connaissances scientifiques et techniques spécialisées qui permettent de remettre l’information dans son contexte, et qui, titre après titre, journal après journal, facilite le travail des  trafiquants de peur. La presse et ses déontologues devraient y réfléchir sérieusement.

Tiens, au fait, le député Mathieu Orphelin a demandé une enquête…qui aura de toute façon lieu.

Et quand même : « La présence quasi systématique de tritium dans les eaux en aval des centrales nucléaires nous inquiète. Les consommateurs devraient avoir droit à une eau non contaminée », mardi 18 juin 2019, Collectif Loire Vienne Zéro Nucléaire.

Décidément, un peu de démago,  les écolos n’y échappent pas !

Les faits : 15 millièmes de dose-équivalent-banane par litre.

Les faits : le rapport de l'ACRO, qui a servi de source aux annonces depuis hier, concerne des mesures réalisées entre décembre 2017 et mai 2019. On court donc sur 18 mois de données, sur toute cette période, sur la Vienne et la Loire (deux cours d'eau, 5 centrales, 14 réacteurs), ils ont eu UNE mesure dépassant 60 Bq/L, atteignant 310 Bq/L

Donc, ça va plutôt bien, à l’exception d’une mesure qu’il faut comprendre.

Et qu’il faut aussi relativiser ….


« Pour le tritium, l’Union Européenne  fixe en effet une référence de qualité de 100 Bq/L. De quoi légitimer les inquiétudes du collectif ? Les choses ne sont peut-être pas aussi simples. Car il est bon de rappeler que ce niveau d'alerte ne correspond en aucun cas à une limite sanitaire. Il s'agit simplement d'un niveau à partir duquel il est bon de commencer à se poser des questions. Le niveau habituel ne dépassant pas les quelques becquerels par litre, voire quelques dizaines de becquerels par litre en aval des centrales nucléaires qui produisent du tritium au cœur de leurs réacteurs. »

« Rappelons d'abord que le tritium est un isotope radioactif de l'hydrogène. Il n'émet pas de rayons gamma, mais un rayonnement bêta - soit un électron - de très faible énergie : moins de 6 keV en moyenne. Son parcours dans la matière se limite donc à quelques microns seulement.
La demi-vie est d'environ 12 ans. Et il a tendance à se combiner à l'oxygène pour former de l'eau tritiée (3H2O). De quoi faciliter sa pénétration dans les organismes. Mais aussi... son élimination. Sa période biologique n'est que d'environ 10 jours et il est finalement assez rare qu'un noyau de tritium se désintègre durant son parcours dans un organisme. Ainsi la radiotoxicité du tritium reste très faible. D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé fixe le seuil de potabilité de l'eau à quasiment 10.000 Bq/L ! »

« Les facteurs de dose permettent d’évaluer la radiotoxicité d’un élément. Pour l’eau tritiée, le facteur de dose pour un adulte est de l’ordre de 6 picosieverts par becquerel (pSv/Bq). Un chiffre à comparer à celui du potassium 40, par exemple. Son facteur de dose est d’environ 2 nanosieverts par becquerel (nSv/Bq), ce qui en fait un élément de l’ordre de 1.000 fois plus radiotoxique que l’eau tritiée.
Notez par ailleurs que la radioactivité d’une banane due au potassium 40 est d’environ 20 Bq, soit l’équivalent de 20.000 Bq d’eau tritiée, en termes de radiotoxicité. »

« Ainsi pour qu’une eau tritiée mesurée disons à 500 Bq/L provoque sur un adulte les mêmes « dommages » qu’une seule banane, il faudrait en boire quelque… 40 litres ! »

Donc finalement, c'est une confirmation d'une situation parfaitement normale sur tout 2018 et le premier semestre 2019, à l'exception d'une mesure plus élevée en janvier dernier, qui interroge. Rien de plus.« S’agit-il d’un incident particulier sur lequel nous serions tombés, s’interroge Jean-Yves Busson de SdN Maine-et-Loire ? L’autre possibilité serait que nous serions tombés sur un lâcher régulier qui n’avait pas encore été dilué. »

Sur tous ces sujets, cf aussi les tweet de Tristan Kamin, par exemple :

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