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mercredi 10 juillet 2019

Tarifs réglementés de l’électricité : une bien curieuse augmentation


La Lettre géopolitique de l’électricité juin 2019 est consacrée à l'étude des causes de la forte et inhabituelle hausse des Tarifs Réglementés d'EDF au 1er juin 2019. Vous la trouverez sur www.geopolitique-electricite.com . Encore une intervention du très remarquable Lionel Taccoen pour expliquer comment contribuables, clients d’EDF et EDF lui-même sont pillés pour faire vivre une pseudo concurrence.

Elle complète joliment et précise un de mes blogs précédents : Pourquoi les tarifs EDF augmentent ? Magouilles et mensonges. Un système fou, fou, fou (2) !Ou l’ARENH expliqué à vos enfants (enfin, on essaie)

Donc ici ce sera, l’ARENH expliquée à vos grands enfants ! Extraits du texte de Lionel Taccoen

Les Tarifs réglementés : qu’y-a-t-il dedans ?

Les Tarifs Réglementés sont obtenus par empilement des différents coûts : coûts d’approvisionnement en électricité (produite ou achetée), d’acheminement (réseaux de transport et de distribution), de commercialisation additionnés d’une modeste marge (bénéfice), auxquels s’ajoutera ensuite une composante de taxes. On observe que les concurrents d’EDF produisent peu ou pas d’électricité. Leur approvisionnement impose donc qu’ils l’achètent pour la revendre. D’où un premier coût : le prix d’achat. Mais il faut ajouter un second coût indirect : la garantie d’approvisionnement. Tout fournisseur doit acquérir des certificats de capacité prouvant qu’il a accès à une capacité de production compatible avec l’approvisionnement de ses clients. On constate que la cause unique d’augmentation des Tarifs Régulés est une forte augmentation des coûts directs et indirects (garantie de capacité) d’approvisionnement en électricité. Les autres postes sont restés stables. C’est donc dans les achats d’électricité qu’il faut rechercher la cause des augmentations des Tarifs Réglementés d’Electricité. Les concurrents d’EDF ont deux possibilités pour se procurer du courant : le parc nucléaire d’EDF et le marché de l’électricité. Les prix de l’électricité de ces deux sources entrent dans le calcul des Tarifs Réglementés.

Un marché qui se retourne, l’électricité polluante étant davantage taxée ! Les concurrents d’EDF accros au biberon nucléaire !

Durant des années, les prix de l’électricité sur le marché ont été très bas. Les centrales à charbon allemandes déversaient du courant, polluant, mais bon marché, au prix proche du nucléaire EDF. Les surplus de charbon américain, arrivant en Europe avaient fait chuter les coûts de ce combustible. A cela s’ajoutait l’apport des renouvelables, une électricité livrée à un prix dérisoire car payée hors marché par des taxes. Dans un premier temps, le prix bas (artificiel) des renouvelables et des combustibles fossiles firent énormément chuter les prix de marché. Ils devinrent inférieurs au prix de production des centrales à charbon seules et également à celui du nucléaire mis à disposition des concurrents d’EDF par le dispositif ARENH… On observa simultanément des baisses du prix de gros de l’électricité sur le marché et des augmentations de factures des particuliers en raison des taxes finançant les renouvelables. Bref, l’époque fut bénie pour les concurrents d’EDF. Lorsque le marché ne procurait pas assez d’électricité à bas coût, il suffisait de compléter par des achats de nucléaire EDF à prix d’ami. Certes, en l’absence de concurrence lors de la production, aucun gain n’apparut pour le consommateur (sur les factures TTC) comme l’indiqua le Président de la Commission de Régulation de l’Energie (voir ci-après).

Mais début 2018, l’annonce d’une modification des règles du marché du carbone provoqua une forte hausse des prix de la tonne de CO2 pour les centrales électriques (Enfin, une volonté politique de décarboner l’énergie !). A cela s’ajouta une augmentation du coût des combustibles fossiles. La conséquence fut une l’augmentation notable des coûts de production des centrales à combustibles fossiles (dont le charbon). Le prix du marché de gros de l’électricité suivit. Le changement majeur fut que les prix de marché dépassèrent le prix de vente du courant nucléaire d’EDF (42 euros/MWh).

Les concurrents d’EDF devinrent alors accros au biberon nucléaire. La situation était renversée : désormais les fournisseurs alternatifs, qui produisent peu ou pas devaient acheter une partie de leur courant sur le marché à un prix supérieur à celui issu des centrales nucléaires, qui, comme chacun sait, procurent la plus grande partie du courant à EDF. Ils se ruèrent sur le courant nucléaire : en 2018, les deux tiers de leur approvisionnement vinrent du parc nucléaire EDF.

ARENH : un échec complet parfaitement prévisible, et des margoulins qui se goinfrent.

EDF, premier producteur mondial occupe en France une position dominante. Le législateur français a, par la Loi Nome (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité , décidé de s’écarter des règles habituelles de concurrence afin d’aider l’apparition et le développement des nouveaux fournisseurs d’électricité. La raison invoquée est le prix très bas du nucléaire lié à l’amortissement du parc de centrales. La Loi Nome, par le dispositif nommé Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH), permet aux concurrents d’EDF de se procurer du courant nucléaire à un prix censé ne pas léser EDF tout en leur donnant, à efficacité égale, la possibilité de concurrencer l’opérateur historique (42 euros/MWh depuis plusieurs années)…. Le recours à l’ARENH est bien sûr optionnel. Les fournisseurs alternatifs n’ont intérêt à l’utiliser que lorsque les prix de marché sont plus élevés que 42 € MWh. La Loi NOME stipule que le dispositif ARENH doit s’arrêter en 2025. L’Autorité de Concurrence, consultée, a accepté le dispositif ARENH en constatant : « Le dispositif … conduit à s’écarter des conditions normales d’un marché concurrentiel … pendant une période très longue ». Et encore :  l’Autorité de Concurrence, en donnant son accord à l’ARENH, l’a assortit des considérations suivantes : - « L’émergence d’une concurrence réelle rend nécessaire de favoriser une incitation à l’investissement des fournisseurs alternatifs dans les moyens de production ». Ces investissements sont « la contrepartie » des fournitures de courant nucléaire par l’ARENH. - « … il est important [de prévoir] une sortie progressive du mécanisme…L’objectif est d’obliger les fournisseurs à se préparer à l’échéance du 31 décembre 2025 »

Force est de constater que de telles incitations, dont la sortie progressive du dispositif, ne furent pas prévues. Les investissements dans la production des concurrents d’EDF ne sont pas apparus. La concurrence à la production d’électricité n’existe pas en France. Ce qui entraîne, dans les faits, l’absence de concurrence tout court, donc l’absence d’effet sur le prix. Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie le confirme : « la concurrence par les prix reste marginale » , Comme l’avait prévu l’Autorité de Concurrence : « A défaut [de la concurrence à la production]…à la sortie du dispositif [ARENH] la configuration du marché ne sera guère différente de celle actuelle ». L’ARENH est un échec. Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie et l’Autorité de Concurrence constatent : aucun gain pour le consommateur, aucune avancée dans la mise en place d’un véritable marché de l’électricité. On notera que ni la Commission de Régulation de l’Energie, ni l’Autorité de Concurrence ne parlent de renouvelables: ces sources sont toujours largement hors concurrence. La véritable raison de l’échec de l’ARENH est le marché de l’électricité européen, qui par son fonctionnement aberrant, ne permet pas d’investissement rentable dans la production et le stockage de l’électricité. Cette situation existant depuis des années, le résultat de l’ARENH aurait pu être prévu. »

NB : Si l’ARENH qui contraint EDF à céder à prix coûtant (voire même plus bas) un quart de sa production nucléaire, n’a permis aucun gain pour le consommateur, ni aucun progrès dans la constitution d’un marché de l’électricité, elle fait en revanche un tabac chez les pseudo-concurrent d’EDF, qui en demandent toujours plus, soit une augmentation de 30% ! Accordée en dépit de tout bon sens par M. De Rugy, alors que l’ARENH était au contraire censée disparaître progressivement. Une aberration de plus !
 Et c’est ainsi qu’EDF se trouve contraint de subventionner (et de plus en plus) des margoulins qui prétendent fournir de l’énergie verte et qui n’ont investi dans aucune installation de production, et qui se contentent de revendre le courant nucléaire qu’EDF est forcé de leur vendre à bas prix !

Ou encore par l’ARENH, EDF est forcée de subventionner Total au frais des consommateurs…pour que Total lui prenne des clients ! Au fou !

Pourquoi l’augmentation ? Pour sauver la parodie de concurrence !

Tout consommateur qui a quitté les Tarifs Réglementés d’EDF peut y revenir quand il veut. La seule façon d’éviter l’effondrement des concurrents de parodie d’EDF était d’augmenter les Tarifs Réglementés d’EDF … afin que les concurrents puissent augmenter leurs prix tout en évitant que leurs clients retournent chez EDF.

Concurrents de parodie , qui ne produisent rien, et se contentent, dans un marché de gros devenu plus cher à cause  de tensions internationales et de  l’ augmentation des taxes carbones, de revendre à coût plus élevé le courant nucléaire qu’EDF est contrant de leur céder à bas prix ! Comme ils ne produisent pas ( et comment pourraient produire à plus bas coût qu’EDF ?), comme ils n’investissent pas dans de nouveaux moyens de production, leur seul levier, c’est une concurrence au niveau des frais de commercialisation, 6 à 8% de nos factures !. Alors on assiste  à ce déplacement massif des centres d’appel dans des pays où le soleil est plus généreux et le code du travail nettement moins. Une grande entreprise (Suez) a ainsi délocalisé massivement ses commerciaux au Maroc et à Madagascar… avec les conséquences évidentes sur l’emploi en France et la qualité du service rendu./

La hausse des tarifs réglementés pour maintenir l’hypocrisie de la concurrence sur le marché de l’électricité

Les dirigeants français ont essayé de se soumettre aux directives européennes sur la libéralisation du marché de l’électricité en particulier par l’adoption d’un dispositif nommé ARENH, qui oblige l’entreprise EDF à fournir aux autres fournisseurs du courant nucléaire à un prix tel que ceux-ci aient la possibilité de la concurrencer (à efficacité égale). Il en a résulté une Usine à Gaz, dont le fonctionnement semble échapper à ses concepteurs. L’espoir était que les concurrents d’EDF investissent dans la production. Ils ne l’ont pas fait. Cela entraîne l’absence de concurrence à la production, donc l’inexistence d’une concurrence permettant de faire baisser les prix. . L’augmentation récente des prix de gros de marché de l’électricité menace la compétitivité des concurrents d’ED.  Pour sauver la face vis-à-vis de Bruxelles et maintenir cette apparence de concurrence sans intérêt pour le consommateur, il est nécessaire d’augmenter les Tarifs Règlementés d’EDF ainsi que la quantité de courant nucléaire livré aux « fournisseurs » alternatifs. Il faut éviter que les clients qui ont quitté EDF y retournent. Le consommateur français va payer son électricité plus chère et sera privé d’une partie de la compétitivité du nucléaire, utilisée pour aider les concurrents d’EDF. EDF, seul investisseur conséquent dans le secteur électrique et dont dépend une branche industrielle de centaines d’entreprises, est fragilisé par les aides à ces mêmes concurrents, qui eux, investissent bien peu.

C’est technique ? Non, en fait, c’est assez simple. Les syndicats et organisations de consommateurs ont bien compris ce qui se passe et le dénoncer. Par exemple, la position de la CNL :

« Durant des décennies, la France a fait le choix politique de développer un service public de l’énergie en offrant aux usagers de l’électricité et du gaz un prix uniforme et accessible sur tout le territoire, et qui garantissait l’indépendance énergétique du pays.

En 2000, le choix de privatiser les opérateurs historiques EDF et GDF ainsi que les différentes étapes de l’ouverture du marché de l’énergie ont conduit à des augmentations très importantes des prix pour les consommateurs et à la recherche systématique des profits pour les actionnaires.
La situation ne va faire qu’empirer avec la dernière loi de nouvelle organisation du marché de l’électricité et la mise en place de nouveaux compteurs. L’objectif est très clair : la disparition des tarifs réglementés de l’électricité, entre autres, et une ouverture totale à la concurrence et à la spéculation. Avec cette loi, il n’existe plus de garde-fou sur l’évolution des tarifs.
Pour la CNL, il est scandaleux que l’Etat ait renoncé à un service public de l’énergie, garant de l’accès de tous à ce bien de première nécessité, d’autant plus que 3,5 millions de ménages ne peuvent plus se chauffer correctement. Ces familles sont prises dans une spirale infernale : factures impayées, restriction ou privation de chauffage, tout conduit à la dégradation accélérée du bien-être dans le logement. Les conséquences sanitaires et sociales sont tout autant dramatiques. Qu’en sera-t-il demain ? Ce ne sont pas les Tarifs de solidarité énergie actuels qui peuvent aider les familles en difficulté. »

La CNL et d’autres ont entrepris de contester l’augmentation des TRV. Comme le souligne M. Taccoen, « la base juridique, comme l’explique l’Autorité de Concurrence, est fragile.Il est bien possible que le Conseil d’Etat, saisi par des associations de consommateurs annule l’augmentation de 5,9 % pour la ramener à 3,54%. Cette même Autorité de Concurrence, qui a donné un avis défavorable à cette initiative de la Commission de Régulation, estime qu’il s’agit d’un transfert financier aux concurrents d’EDF fait aux dépens des consommateurs »

Nous voyons à quels sommets d’absurdité mène l’idéologie de l’ultralibéralisme – la pseudo libéralisation du pseudo marché de l’électricité en est un exemple particulièrement clair !

Il est peut-être temps d’arrêter !

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