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samedi 3 décembre 2016

Alzheimer : Pour un grand programme public de recherche fondamentale

Des médicaments plus dangereux qu’utiles
Renouvelant un avis de 2011, qui renouvelait un avis de 2007, la Commission de la Transparence chargée de l’évaluation des médicaments au sein de la Haute autorité de santé (HAS) a conclu pour les médicaments anti-Alzheimer « à un intérêt médical insuffisant de ces médicaments pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale ». Quatre médicaments sont visés : Aricept®, Ebixa®, Exelon®, Reminyl® et leurs génériques.  A vrai dire, ce n’est pas une surprise, car leur efficacité est contestée depuis plus de dix ans.
Par contre, ces médicaments ont des effets secondaires parfois graves : troubles digestifs (diarrhées, vomissements), neurologiques (aggravation de syndromes parkinsoniens, vertiges, tremblements, maux de tête), urinaires (incontinence), cardiaques (syncope, troubles du rythme cardiaque, et à une déshydratation (surtout en cas de canicule) pour ceux qui agissent sur la cholinesterase. La mémantine expose surtout à des troubles neurologiques (hallucinations, vertiges, maux de tête, fatigue, confusion). Tous ces médicaments exposent à de nombreuses interactions, qui augmentent les risques d'effets indésirables et parfois de décès. En particulier, le donépézil, la galantamine et la rivastigmine interagissent avec des médicaments atropiniques, neuroleptiques, bradycardisants et dépresseurs de la conduction cardiaque.
Bref ces médicaments sont non seulement inactifs, mais ils participent à la dégradation de l’état de santé général des victimes de la maladie d’Alzheimer, sans compter qu’ils représentent depuis près de vingt-cinq ans plusieurs milliards d'euros de dépenses qui seraient plus justifiées dans d’autres domaines (il y a en France plus de 800.000 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer ou une maladie apparentée).  Et pourtant, comme en 2011, comme en 2007 ils ne seront pas déremboursés. (En 2007, la commission avait déjà considéré que « ces médicaments avait un rôle important, tout en n'apportant qu'un progrès thérapeutique mineur »). Ce n’est même pas le cas. Il semble que la principale raison soit de ne pas désespérer les proches des patients, et même le personnel médical, confrontés à une maladie entrainant une terrible déchéance, pour laquelle on a aucun traitement médicamenteux. C’est humain, mais encore une fois les médicaments actuels semblent plutôt aggraver les choses. Cependant, il existe des prises en charges qui permettent de maintenir plus durablement les contacts sociaux.
Etat de la recherche désespérant
Il y a un an l’association France-Alzheimer s’enthousiasmait pour le solanezumab, un anticorps développé par Lilly.   Pour la première fois, un traitement qui s’attaque aux causes directes ( présumées) de la pathologie, et ne se limite pas à en contenir les symptômes, a fait la preuve de son efficacité chez des humains», expliquait l’association en évoquant un essai mené sur deux groupes de patients de plus de 600 patients chacun. Le solanezumab s’attaque à la protéine bêta amyloïde qui forme les plaques séniles et les détruit ; Dans une étude achevée en 2012, le solanezumab avait échoué à diminuer le déclin cognitif des patients gravement attneits, mais il semblait monter un effet chez les patients modérément affectés, ralentissant le déclin cognitif.  Ce sont ces résultats préliminaires qui n’ont pas été confirmés dans une étude de phase III menée pendant deux ans sur 2100 patients, dans plusieurs pays. La conclusion est sans appel : « Les patients traités avec le solanezumab n’ont pas montré un ralentissement significatif du déclin cognitif comparé aux patients ayant reçu un placebo. (...)Le résultat  n’est pas celui que nous avions espéré et nous sommes déçus pour les millions de personnes qui attendent un traitement capable de modifier le cours de la maladie d’Alzheimer ; Lilly ne poursuivra pas les demandes d’autorisation du solanezumab pour le traitement des démences modérées de la maladie d’Alzheimer», a indiqué John Lechleiter, président des laboratoires Lilly, qu’on remerciera pour avoir pensé aux patients avant qu’aux actionnaires. A noter que le solanezumab, contrairement à d’autres anticorps contre les protéines beta amyloïdes, n’a montré aucun signe de toxicité.

Auparavant, un autre anticorps ciblant la protéine beta amyloïde, le Bapineuzumab développé par Johnson and Johnson avait également échoué en phase III.

Un troisième anticorps, l’adacumab, développé par Biogen, est en cours d’évaluation. Il semble que les résultats préliminaires (165 volontaires  pendant un an) montrent un effet plus prononcé de ralentissement du déclin cérébral que les précédents, et les examens montrent une quasi disparition des plaques amyloïdes, tout à fait spectaculaire. Ces anticorps anti beta amyloïdes sont tout de même des médicaments différents, qui agissent sur la même protéine, mais sur des sites distincts ; par ailleurs les propriétés de ces molécules complexes sont difficiles à ajuster ; même si toutes passent dans le cerveau, ce qui déjà n’était pas évident, elles peuvent le faire plus ou moins bien. L’adacumab  va passer en phase III ; tout espoir n’est pas perdu, mais les actions Biogen ont significativement reculé après l’échec du solanezumab. Le doute commence à s’instiller sur ce qui a représenté l’un des espoirs les plus sérieux en matière de traitement d’Alzheimer.
Si les traitements anticorps anti beta amyloïdes devaient tous échouer, ce serait la dernière piste thérapeutique sérieuse qui s’effondrerait, et, contrairement à ce qu’on peut entendre, ce n’est pas faute pour les firmes pharmaceutiques d’avoir essayé. Si la plupart d’entre elles réduisent leurs efforts, voire cessent leur recherche en ce domaine, ce n’est certes pas par désintérêt, mais par manque d’hypothèses biologiques crédibles, par manque de connaissances fondamentales. En passant, d’ailleurs, dans le domaine du médicament, ce sont depuis longtemps les firmes pharmaceutiques qui assurent la plus grande part de la recherche fondamentale ; mais on ne peut pas sans arrêt baisser les prix des médicaments et leur demander de continuer cet effort, surtout lorsqu’il est quasi désespéré.

Alors, il serait temps que les pouvoirs publics mobilisent l’ensemble des chercheurs dans les domaines pertinents (médecine du système nerveux central, biologie, génétique, chimie, modélisation, biophysique…) à l’échelle continentale (ce serait un très beau grand projet pour la Commission Européenne), et à l’échelle internationale. Il faut un grand programme public de recherches fondamentales, sur l’Alzheimer qui devra remettre en cause tout ce que l’on croyait acquis, et trouver des modèles pertinents.


Les défis sont immenses, mais qui pensait pouvoir améliorer la qualité et la durée de vie des patients atteints d’une maladie aussi complexe que la mucoviscidose à l’aide de molécules chimiques finalement assez simples ? Si des pistes thérapeutiques nouvelles sont découvertes, les moyens actuels de la recherche thérapeutique permettront de les explorer rapidement.


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