Extension du délit d’entrave
à l’avortement : malavisé et dangereux
La majorité présidentielle à l’Assemblée vient, sur
l’initiative du gouvernement de voter une extension du délit d’entraves à
l’avortement. Il s’agit de lutter contre les sites Internet qui, sous couvert
d’information, usurpant parfois l’aspect d’un site officiel, culpabilisent et parfois désinforment les
femmes qui cherche des renseignements sur internet- et qui se sont si bien
débrouillés qu’ils figurent parmi dans les premiers résultats des moteurs de
recherche.
Le délit d’entrave à l’avortement a été créé pour
empêcher les manifestations bloquant les centres d’avortement qui se
multipliaient. Pour déplaisante que soit la propagande sur le net des
anti-avortements, il y a tout de même quelque abus à l’assimiler à une entrave.
Si des renseignements faux sont donnés sur les sites, si des femmes sont
sciemment trompées, il est possible de trouver d’autres motifs de poursuites
juridiques. Il est aussi assez étrange que le gouvernement n’ai pas trouvé le
moyen d’informer sur ces sites et de mieux positionner les sites officiels. Les possibilités d’avorter sont beaucoup plus
remises en causes par la manière dont
les pouvoirs publics ont laissé péricliter les centres d’avortement, le
manque de moyen et de personnels. Bref, une démarche bien hasardeuse pour un
résultat catastrophique : la gauche apparait hostile à la liberté
d’expression sur le net.
Ce qui un comble ; car pendant ce temps, dans
une discrétion relative, la droite a fait passer au Sénat un projet extrêmement
répressif concernant le secret des affaires, et qui provoque l’inquiétude et
l’indignation des syndicats de journalistes.
Egalité et citoyenneté !!! une arme de
destruction massive contre la liberté d’expression
Comble de cynisme, ce cavalier scélérat se niche
dans un vaste projet gentiment intitulé Egalité et citoyenneté. Il s’agit d’un
amendement destiné à permettre à des sociétés
d’attaquer en justice un média non seulement sur le terrain du droit de
la presse, comme c’est le cas aujourd’hui via la loi de 1881, mais aussi sur
celui de la responsabilité civile, notamment par les articles 1382 et 1383 du
code civil. Cette situation, qui
existait en jurisprudence, dans les années 2000, avait par exemple donné
lieu à une centaine de procédures lancées par Intermarché contre le magazine
Capital ; des affaires remportées par le groupe Prisma presse mais au prix
fort : il n’y a plus eu de papier sur ce géant de l’agro-alimentaire. « La
menace financière liée à des procès est très efficace même si le média
l’emporte »,
Cela rend impossible le travail des journalistes
économiques : en cas de projet de plan
social contesté, de lancement d’une contre OPA à la suite d’un papier, de préjudice
lié à la baisse d’un cours de bourse, leur media pourrait être mis en cause sur
le fondement des dommages qu’il aurait causés et condamné à de lourdes et
arbitraires pénalités financières en responsabilité civile. Et c’est aussi la
fin de la liberté des blogueurs, qui, au moindre propos imprudent, pourront
être poursuivis. C’est aussi, contrairement aux engagements pris, non seulement
pas la protection promise aux lanceurs d’alerté, mais même l’exact contraire :
face aux menaces financières, ils seront réduits au silence !
Et
ceci explique la mobilisation des associations de journalistes qui appellent à
la mobilisation contre ce texte (Société des journalistes, des rédacteurs,
des personnels de : AFP-
BFMTV – Challenges – Elephant & Cie – Europe1 – France 2 – France 24 –
France Inter – Franceinfo.fr – i-Télé – L’Express – L’Humanité –
L’Obs – LCP – Le Figaro – Le Monde – Le Parisien-Aujourd’hui En France – Le
Point – Le Télégramme – Libération – Marianne – Mediapart – Midi-Libre –
Première Lignes – RFI – RTL –Sud-Ouest
– Télérama – TF1, Associations
de journalistes : AEF –
Association de la presse judiciaire – Association des journalistes de
l’information sociale – Association des journalistes de la sécurité –
Association des journalistes économiques et financiers – Association des
journalistes européens – Association des journalistes scientifiques de la
presse d’information – Journalistes écrivains pour la nature et l’environnement)
et qui ont signé un appel dans Le Monde :
« Pour
notre démocratie, sauvons notre liberté d’expression et d’information !
Scandale du Mediator, affaire Kerviel, LuxLeaks… toutes ces révélations
contribuent à servir un droit fondamental, celui de la liberté
d’expression et d’information. Elles alimentent le débat démocratique grâce à
une loi équilibrée qui date de 1881, toujours d’actualité. Cette loi, qui
protège tous les citoyens et pas seulement la presse, est ébranlée sur
plusieurs fronts.
Dans
une grande précipitation, et sans concertation aucune, le Sénat offre à ceux qui s’en saisiront des
armes de destruction massive contre la liberté d’expression.
Sans
débat démocratique digne de ce nom, la Chambre haute a voté sans sourciller des dispositions liberticides
dans un projet de loi pourtant appelé « Egalité et citoyenneté ». Un
comble ! N’importe qui pourrait ainsi être mis en cause sur le terrain de
la responsabilité civile, avec à la clé un risque de devoir payer des dommages
et intérêts, parce qu’il aurait par exemple tenu des propos qui dérangent. »
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