Indemniser
le risque médicamenteux scandale après scandale
Les
députés se sont auto-congratulés et auto-applaudis après avoir l'unanimité la création d’un fonds d'indemnisation géré par
l'Etat pour les victimes de l'antiépileptique Dépakine ; le laboratoire
Sanofi sera amené à contribuer- dans quelle proportion ? Fort bien, la
réaction a été rapide- certaines victimes du distilbène attendent toujours.
D’ailleurs, sept associations ont de nouveau réclamé un fonds d'indemnisation
global "pour toutes les victimes de médicaments", notamment le
Distilbène et dénoncent dans un
communiqué « cette fâcheuse habitude, transmissible de gouvernement en
gouvernement, d'indemniser le risque médicamenteux à la petite semaine, médicament
par médicament, scandale après scandale ».
Dans un précédent blog (Dépakine : pour une politique européenne
de la pharmacovigilance) j’avais rappelé la
gravité de ce scandale (selon l’Igas, plus de 14000 femmes enceintes entre 2007
et 2014, 450 enfants nés avec des malformations congénitales ; et selon Catherine Hill, épidémiologiste de
l’Institut Gustave-Roussy, 50.000 grossesses sous Dépakine, entre 1983 et 2015
entrainant 3 000 personnes souffrant de malformations et 12.000 de troubles
neuro-développementaux). J’expliquais aussi à quel point les responsabilités
étaient diluées, entre Sanofi, faisant connaître dès 2007 les dangers de
son produit pour les femmes enceintes, les réticences de l’Agence du Médicament
à en modifier la notice, l’ignorance ou la désinvolture des médecins continuant
à prescrire ce médicament, qui peut en effet être indispensable, sans informer
les femmes, estimant, à leur place, sans les consulter, que les risques d’une
épilepsie mal soignée étaient plus importants. Il me semble aussi que la cause
du scandale, dont l’industrie pharmaceutique ne peut totalement s’exonérer est
la suivante : pour les firmes pharmaceutiques, les femmes enceintes ne
constituent pas un marché financièrement intéressant, mais, par contre à haut
risque- les études de tératogénèse ne permettent pas de prévoir tous les
problèmes potentiels. Par conséquent, les firmes pharmaceutiques préfèrent
quasi-systématiquement contre-indiquer leurs médicaments aux femmes enceintes,
et, le sachant, les médecins préfèrent quasi-systématiquement ignorer les
contre-indications.
Même s’il faut évidemment, pour les familles, se féliciter d’une mise
en place rapide d’une indemnisation (selon quels critères), il serait par
contre vraiment inacceptable de ne pas tirer de conclusions de ce plus récent
(on n’ose pas dire dernier) scandale.
Des mesures à prendre pour la
santé de la reproduction.
Informer : Les
premières mesures à prendre concernent l’information des femmes enceintes.
Certains médicaments sont clairement contre-indiqués, à différentes phases de
la grossesse ( pendant les deux premiers mois, Acide valproïque, Acitrétine, Isotrétinoïne,
Misoprostol, Mycophénolate, Thalidomide, Antimitotiques, Méthotrexate, Cyclophosphamide) ;
pendant la vie fœtale : Depakine, antiinflammatoires non stéroïdiens,
inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Le moins qu’on puisse dire, c’est que
l’information officielle n’est pas simple à trouver et peu lisible, que le très
officiel CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) ne répond aux
question que des personnels de santé et pas des patient(e)s !!!, que sur
le site de l’ANSM ( l’agence de médicament), l’information est introuvable et
qu’heureusement il existe des sites privés assez bien faits (exemple http://www.guide-maman-bebe.com/ma-grossesse/sante/prevention/les-medicaments-dangereux-pendant-la-grossesse). Mais enfin il devient urgent de faire un effort
conisdérable d’information officielle, soit directement par le net, soit par
l’intermédiaire de tous les professionnels de santé- qu’il faudra eux-mêmes
informer, et surtout les médecins généralistes, qui doivent informer réellement
et objectivement sur les risques respectifs à continuer ou interrompre un
traitement médicamenteux pendant la grossesse, en laissant in fine les patientes libres de décider.
Renforcer
les études précliniques : D’autres
mesures concernent les études précliniques indispensables avant la mise sur le
marché des médicaments. Celles-ci comprennent des études de fertilité et
développement embryonnaire précoce jusqu'à implantation, réalisées sur une
espèce de rongeur, en général le rat, avec administration du produit plusieurs
semaines avant l'accouplement ; l’étude du développement embryo-fœtal (étude
de tératogénèse ), menée sur deux
espèce, un rongeur et un non-rongeur, généralement rat et lapin ; les
études de développement pré et post-natal : réalisée sur une espèce de rongeur.
Cette étude évalue l'impact du produit sur la parturition, le comportement
maternel, l'allaitement et développement des petits. La génération de petits est
suivie sur deux générations sur des tests classiques (malformations des organes,
poids, croissance, développement mental et physique, reproduction,
sex-ratio..). Elles ne peuvent pas assurer une sécurité totale car le placenta
humain, par exemple, est très différent des placenta animaux), et d’autre part,
des pathologies comme l’autisme, les troubles de l’attention, les baisses
modérées du QI, les troubles de la vision ne sont pas caractérisables ;
mais dans le cas de la Dépakine, des troubles psychomoteurs ou l’hypotonie
auraient pu être détectées.
Ces études cliniques ont évolué au cours du
temps et le minimum serait d’imposer à tous les médicaments sur le marché, même
anciens, une réévaluation des études précliniques sur les fonctions de
reproduction.
Une
pharmacovigilance plus systématique et plus étendue : D’autre part, à l’échelle européenne, un système
performant de pharmacovigilance spécifiquement chez la femme enceinte doit être
mis en place. En cas de doute, les
médicaments concernés devront faire l’objet d’études complémentaires En effet,
les interprétations des études de pharmacovigilance peuvent être assez
complexes ( elles seront d’autant plus simples qu’elle concernera des données
en plus grand nombre) ; en témoigne par exemple l’incertitude sur une
possible implications des antidépresseurs sur l’autisme : effet possible,
mais faible (taux passant de 0.7% à 1.2%), no, significatif compte-tenu du
faible nombre d’enfants diagnostiqués, non prise en compte de plusieurs
facteurs possibles (accouchement par césarienne, indice de masse corporel des
mères, antécédents familiaux psychiatriques, l’âge du père, expositions à l’alcool,au tabac, aux drogues) autres médicaments,
substances illicites..
Recherche
fondamentale : Enfin, un grand
programme public européen de recherche sur la santé de la reproduction doit
être engagé, pour identifier de manière plus systématique, en utilisant les
techniques les plus modernes, les cibles, mécanismes, voies pharmacologiques
pouvant avoir un effet néfaste sur la mère et sur sa descendance. Afin que les femmes enceintes ne servent plus
de cobayes, et d’éliminer au mieux les prochains scandales avant qu’ils ne
produisent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.