Le
rachat –rapt de la branche énergie d’Alstom par General Electric
En 2015, le groupe
français Alstom a reçu une offre de General Electric pour le rachat de sa
division énergie, qui représente 70 % de l’entreprise, a son concurrent
américain General Electric (GE). Bizarrement, au même moment, dans le cadre du Foreign Corrupt Practices Act, Alstom était
visé par une enquête aux États-Unis pour des faits de corruption en Indonésie
dans un contrat d'une valeur de 118 millions de dollars. 4 cadres dirigeants de
l’entreprise étaient incarcérés aux USA (l’un d’entre eux a passé 14 mois dans une
prison de haute sécurité) et Alstom se voit menacé d’une énorme amende de 772
millions de dollars.
Bizarrement, le 16
décembre 2014, trois jours avant l'assemblée générale extraordinaire des
actionnaires d’Alstom qui approuvera la cession des activités énergies à
General Electric, une nouvelle dépêche de l’agence Bloomberg confirmait la fin
des poursuites contre les dirigeants d’Alstom : "Accusé de corruption, le
groupe serait prêt à transiger avec le ministère de la Justice américain, mais
c’est GE qui paierait" ! Selon Le Figaro du 17 décembre : "les
avocats de GE auraient joué un rôle clé : leur intervention aurait permis de
faire baisser le montant en échange d’une promesse d’appliquer le code de bonne
conduite du groupe américain chez le français. L’accord ne devait toutefois
être révélé qu'après la finalisation de l’opération pour que l’amende
n’apparaisse pas comme un élément qui aurait fait pencher la balance du côté
américain plutôt qu’en faveur de Siemens-Mitsubishi" ».
Selon un dirigeant qui
tient à rester anonyme : "Au sein de l’état-major d’Alstom, tout le monde
sait parfaitement que les poursuites judiciaires engagées aux Etats-Unis contre
Alstom ont joué un rôle déterminant dans le choix de vendre la branche énergie.
Ces poursuites expliquent tout. C’est un secret de polichinelle. »
Montebourg, alors
ministre des finances, a été soigneusement maintenu à l’écart et a appris la
décision surprise du rachat… par la presse. Conscient de la méthode et des
enjeux et dans l’urgence, il a proposé alors une nationalisation partielle
d’Alstom pour protéger les intérêts français. Ceci a été refusé par le
président Hollande, sous l’influence de son conseiller économique, Macron, qui
aurait déclaré : nous ne sommes quand même pas au Vénézuela.
Bilan des courses :
un fleuron de l’industrie française (l’électrique, c’est 75% d’Alstom) est
passé sous contrôle américain par une opération de chantage et de guerre
économique. L’amende (772 millions de dollars) a finalement été réglée, non par
General Electric, mais par ce qui
restait d’Alstom, cad le transport ferroviaire.
Arabelle :un
enjeu stratégique
Les turbines d’Alstom
constituant un élément essentiel ( non nucléaire) des centrales nucléaires
française ( les turbines Arabelle équipent , le rachat par GE s’est vite révélé
pour ce qu’il était : une atteinte directe aux intérêts stratégiques
français :
Ainsi, dès 2016, General
Electric engageait un bras de fer avec
EDF pour modifier le contrat d'entretien des 58 turbines Arabelle d'Alstom qui
font tourner nos centrales atomiques. Le groupe américain voudrait réduire sa
responsabilité financière en cas d'incident.n Pour tordre le bras à EDF,
General Electric est allé jusqu'à suspendre, pendant quelques jours de février,
le travail de ses équipes dans les centrales françaises et pratiquer « une
grève de la maintenance », en fait un véritable chantage, provoquant la colère du PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy: « EDF a
été forcé de mettre en œuvre des mesures d'urgence dépassant notre plan de
secours (habituel). Cette attitude, venant d'un partenaire historique, est
inacceptable »
Mais il y pire.
L’intervention de General Electric empêche en fait toute politique française de
vente de centrales nucléaires. Qui ira acheter des centrales nucléaires
françaises sachant qu’une des pièces principales, les fameuses turbines
Arabelle, peuvent être à tout moment soumise à un refus de vente de la part du
gouvernement américain ?
Pour Alain Juillet,
ancien haut responsable de l’intelligence économique à Matignon, l’affaire est
entendue : cette vente fut « une opération manipulée ».
Disons encore que cette
opération a rapporté énormément à l’ex-PDG D’Alastom, Patrick Kron, l’homme qui
a conclut en douce et sous pression la vente à General Electric : La
revente de la branche Énergie d'Alstom à GE a apporté à vingt-et-un dirigeants
d’Alstom (dont Jérôme Pécresse, le mari de Valérie Pécresse) un bonus
additionnel de 30 millions d'euros dont 4 millions d'euros pour Patrick Kron.
En d’autres temps, on aurait parlé de haute trahison, et ce n’est pas un bonus
confortable mais une plus inconfortable prison qu’auraient gagné les principaux
acteurs. A noter que du côté General Electric France, une conjointe de
politique était aussi à la manœuvre : Clara Gaymar, qui a démissionné
trois mois après la prise de contrôle musclée d’Alstom- pour, selon certains
journalistes, ne pas gêner l’éventuel retour de son mari en politique en cas de
victoire de la droite (raté !). Pourquoi, il y avait donc quelque chose de
gênant ?
Après avoir autorisé l’investissement
de General Electric dans Alstom en 2014, Emmanuel Macron, interrogé en 2016 par
une commission d’enquête parlementaire semblait tardivement retrouver un peu de
lucidité et émettait quelques doutes sur les conditions de la négociation sous
pression de la justice américaine : « Pour ce qui est de l’enquête de
la justice américaine, je me suis moi-même posé la question, parce que j’étais
à titre personnel moi-même persuadé que c’était le cas. Je n’ai aucune
preuve…Après, nous avons chacun notre conviction intime... Je ne dirai pas que
ma conviction intime ne rejoint pas la vôtre sur certaines de vos interrogations
mais nous n’avons aucun moyen de l’établir "
Eh bien, il lui reste
pour quelques jours encore la possibilité de faire rentrer l’Etat français dans
Alstom et de priver General Electric de majorité absolue en rachetant des parts
appartenant à Bouygues. Le fera-t-il ?
La
fin d’Alstom ou comment les dirigeants français détruisent l’industrie
Une fois les activités
énergie raptées par General Electric, Alstom Transport ne pouvait survivre
seul, et la fusion avec Siemens devenait un pis aller quasi obligatoire, menant
peut-être vers un champion du ferroviaire européen où la France pourrait
peut-être encore jouer sa partie. C’est pour autant la triste fin de l’empire
industriel qu’avait su créer Ambroise Roux, un symbole de la France
industrielle, un de plus tué par des financiers naïfs qui croient aux contes de
fée de l’ultralibéralisme, et qui, par ignorance ou idéologie, détruisent
l’industrie française et mettent en danger les intérêts stratégiques du pays.
La fin d’Alstom et de sa
branche énergie montrent aussi comment le droit américain, et sa prétention à
l’extraterritorialité, en particulier l’International
Emergency Economic Powers Act, est
utilisée pour mener une véritable politique d’impérialisme économique. Une
commission parlementaire française s’en est récemment inquiété- j’en parlerai
dans un prochain blog
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