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jeudi 19 octobre 2017

Patrick Artus aux rendez-vous de l’Histoire de Blois : Euro ; par ici la sortie ?


Noir, c’est noir ?

Disons  tout de suite que le livre de Patrick Artus, économiste chez Natixis,  qui a fait l’objet d’une table ronde aux rendez-vous de l’Histoire de Blois coprésentée par Jean-Marc Vittori, se présente, malgré son titre, comme un plaidoyer et un espoir pour l’Euro.  

Sauf que, au fur et à mesure de la  conférence, le sentiment qui s’instaurait est qu’au contraire, l’euro est une voie sans espoir et qu’il faut en sortir le plus rapidement possible …

Compte rendu et commentaires :

L’impossible coordination

« Des pays qui n’ont pas la même monnaie n’ont pas besoin d’une forte coordination. Les politiques des salaires et politiques fiscales différentes sont corrigées par des dévaluations proportionnelles des monnaies. Des pays qui ont la même monnaie ont au contraire besoin de se coordonner puisque en cas de déficit d’un pays, tous les autres en subissent les effets.

Entre les pays de la zone euro, tout ce qui crée de l’hétérogénéité est mauvais. Sans avoir les mêmes règles fiscales et sociales, il y a un réel problème de dumping. Mais comment harmoniser les marchés du travail ? On a pris des pays qui ont des salaires 4 fois plus bas que nous… on n’aurait pas du. Et le tir va être difficile à corriger c’est certain…

 C’est pourquoi les progrès institutionnels doivent concerner la zone euro si on veut que ça marche. Une union économique et monétaire a beaucoup d’inconvénients : même taux d’intérêts, impossibilité de dévaluer… ce qui aboutit à une perte considérable des libertés des politiques économiques. Elle a en revanche un avantage économique : grand marché intérieur avec des grandes entreprises plus concurrentielles (car économies d’échelles) dans le reste du monde. »

Commentaire :  Ben oui, Il  y a qu’à. Sauf que quand l’Allemagne l’a proposé (de manière tellement utopique avec un espèce de gouvernement franco allemand que l’on peut douter de son sérieux), la France n’en a pas voulu .. Et maintenant, la France revient sur le sujet, mais l’Allemagne n’est plus d’humeur à… Ni aucun autre pays d’ailleurs, surtout ceux qui craignent un condominium franco-allemand

L’impossible convergence, la spécialisation contrainte

Mais dans quelle mesure le marché unique a-t-il vraiment stimulé les échanges intérieurs ? Les études d’économistes montrent qu’en fait c’est surtout l’Allemagne et l’Angleterre qui ont profité du marché unique (la France assez peu). Dans le domaine des énergies renouvelables nous avons été incapables de créer une grande entreprise européenne, et ce sont les chinois qui l’ont fait.

 La disparition du risque de change permet une spécialisation des pays de la zone (chacun fabrique ce dans quoi il est le mieux placé). Cette disparition facilite aussi la circulation des capitaux et permet d’investir avec de l’épargne accumulée dans un autre pays. Mais ça c’est en théorie. Dans les faits les choses se sont un peu moins bien passées…

au début la spécialisation a l’air de fonctionner. Electronique : région Rhône Alpe/Autriche, agriculture : Espagne, France... Il serait inefficace aujourd’hui de se remettre à fabriquer de tout partout (quoi qu’en disent les catalans). De même l’épargne a beaucoup circulé : les excédents de l’Allemagne et des Pays Bas servaient à prêter de l’argent à la Grèce, l’Espagne… entre 99 et 2008 : l’Allemagne a prêté 3000 Milliards d’euros aux pays du Sud.

 Mais à la fin des années 2000 émergent les conséquences du 1er déficit de réflexion : si des pays se spécialisent à l’excès, leurs structures économiques deviennent très différentes. Cela entraîne une divergence des niveaux de revenus entre les différents pays… prévisible et inévitable ! Il était assez naïf de croire que du moment qu’on a la même monnaie on a la même économie… c’est une terrible erreur d’analyse de ne pas avoir réfléchit à l’hétérogénéité engendrée par la spécialisation des nations membres.

 Commentaire : Donc, le principal bénéfice attendu de l’euro, le marché unique, a très mal fonctionné, et seulement au profit de l’Allemagne. L’Euro, c’est comme l’Allemagne et le foot autrefois, tout le monde joue, à la fin c’est l’Allemagne qui gagne.

Patrick Artus, de mémoire, a même été plus sévère ; l’idée vendue par les promoteurs de l’euro que celui-ci entrainerait une convergence des économies n’était qu’une escroquerie, démentie par les théories économiques les plus solides. Une même monnaie pour des économies hétérogènes entraine au contraire une divergence et une spécialisation des économies. Donc ce qui était prévisible, avec l’Euro, l’Allemagne renforce son industrialisation, l’Espagne et l’Italie se désindustrialisent et se spécialisent… dans quoi : le tourisme et les primeurs et fruits à bas coût… Et la France dans quoi ? le tourisme, la viticulture, la gastronomie, quelques services publics, un peu d’agriculture.-(cf Houellebecq)

Ce n’est pas ce qui a été annoncé aux peuples européens, et ce n’est pas ce qu’ils veulent. Donc, dès qu’on leur donne la parole, ils ont dit, disent, et diront logiquement non. (Auguste Comte : si les peuples ne savent pas ce qu’il leur faut, ils savent parfaitement ce qu’ils veulent, et nul ne doit le vouloir pour eux- avis aux technocrates européens !)

 La solidarité nécessaire et de moins en moins acceptée

Pour remédier à l’hétérogénéité engendrée par la spécialisation des économies, il faut à l’intérieur d’une union monétaire une dose de fédéralisme, qui permet de transférer des fonds depuis les zones les plus riches vers les zones les plus pauvres, de façon automatique. Sous-entendu sans que les plus riches aient à donner leur accord à chaque fois puisque visiblement, la solidarité entre états n’est pas durable…

C’est exactement ce qu’on observe aux Etats-Unis où les transferts entre Etats sont énormes. Là-bas,  si un état perd un euro, le système fédéral lui rapporte 60 cents (en Europe, pour un euro perdu c’est un cent seulement…) ils sont en fait bien plus solidaires que nous. Il faut que la contribution des pays riches soit structurelle et que les zones riches transfèrent automatiquement des fonds vers les régions pauvres. Sinon, les pauvres le seront de plus en plus et les riches idem. Aux Etats Unis, malgré l’énorme budget fédéral, les disparités demeurent énormes. C’est la limite de la spécialisation.

Les politiques misaient tous sur le Bell out : si un des pays a un problème de dette, les autres pays de la zone viendront le renflouer… ce qui ne fut pas le cas, ou un temps seulement. De plus, si l’inflation a été uniforme dans toute la zone, du fait de l’hétérogénéité des économies, le niveau de vie se met à varier d’un pays à l’autre. Ce qui apparaît donc ici clairement comme frein à la prospérité de la zone euro, c’est l’égoïsme des nations les plus riches qui veulent pouvoir bénéficier des avantages du marché unique sans en subir les inconvénients. Ce manque de solidarité s’observe d’ailleurs au sein même des pays, l’actualité en Espagne en témoigne.

La grande crise pour l’Europe fut celle de 2011 à 2014, quand l’Allemagne a cessé de prêter au pays du Sud. De façon brutale, le déficit extérieur de ces pays n’a plus été financé, ce qui les a obligé à le réduire en contractant les dépenses intérieures. L’austérité est en fait une conséquence de l’arrêt brutal du financement Allemand.

 L’Europe a bien tenté quelques réactions défensives : création du Mécanisme Européen de Stabilité = fond qui peut prêter aux pays en difficultés pour éviter ce genre de crise + Politique économique ultra-expansionniste, avec des taux d’intérêts à zéro. Mais si on a développé ces mécanismes défensifs, on n’a pas réglé l’origine des crises en Europe.

Commentaires : pas vraiment  besoin. L’Espagne et la Catalogne, qui provoque des sueurs froides chez nos eurocrates,  ont bon dos, mais que je sache, l’Allemagne n’est pas non plus très partante. Pour que l’Euro fonctionne, il faudrait que l’Allemagne, continument, accepte de transférer aux autres pays européens plusieurs fois (2,3 ?) l’équivalent de l’effort consenti pour l’intégration de l’Allemagne de l’Est. Y-a-qu’à croire ! Et à prier pour que la Catalogne ne donne pas des idées à l’Ecosse, à la Padanie, à la Flandre, à la Bavière….

 Noir c’est noir, est l’euro c’est fichu ?

Et pourtant, M. Artus s’est montré assez méprisant vis-à-vis des partisans de la sortie de l’euro, sauf qu’il ne se donne pas la peine de leur opposer des arguments sérieux, répétant par exemple que la dette est en euro et non en monnaie, nationale, ce qui a été contesté ; que  « l’euro n’éclatera pas car les pays européens se sont imbriqués réciproquement par leurs dettes » ( tout en reconnaissant que la plus grande partie des dettes se compense- l’Espagne prête à l’Allemagne !, et que les dettes nettes ne représentent qu’une infime partie de la dette totale) et que la solution une monnaie commune et une monnaie nationale est baroque et extrêmement compliquée ( toute en reconnaissant que la Chine fonctionne , et pas trop mal , sur un mécanisme analogue..)

Au terme de cette conférence qui se voulait optimiste sur l’euro !!, la conclusion semble  s’imposer : noir, c’est noir, et l’euro c’est fichu. C’est parfaitement prévisible, il éclatera tout comme a éclaté le franc de l’Union latine,  et tout économiste sensé devrait se préoccuper de penser l’après euro, pour au moins garder une organisation européenne…

 
 

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