Remarquable article sur
le site de Marianne : avec ses
ordonnances travail, Macron a réussi à nous refourguer… le CPE jeune pour tous, jeunes et moins jeunes… Par Thomas
Vampouille, Marianne, 29/09/2017
Deux ans, donc, Deux ans
durant lesquels le salarié qui signe désormais un CDI saura que son employeur
peut le virer du jour au lendemain et, en cas de condamnation pour licenciement
abusif aux prud'hommes, sans devoir lui verser plus de deux mois de salaire en
dommages et intérêts. Ce n'est qu'après ces deux ans que le plancher passe à
trois mois de salaire, les plafonds augmentant progressivement. Les ordonnances
prévoient donc bien deux années à part, deux ans d'un CDI particulièrement
précaire, qui résonnent dans l'histoire sociale récente du pays : c'était la
durée du fameux CPE.
Souvenez-vous, en 2006,
ce fameux Contrat première embauche que le Premier ministre de droite de
l'époque, Dominique de Villepin, avait tenté de mettre en place. L'idée était
celle-ci : le salarié qui signerait ce CDI d'un nouveau genre se verrait, après
sa période d'essai classique de trois mois, plongé dans une période dite
"de consolidation" qui devait durer… deux ans. Dans ce délai, si son
employeur le virait sans motif, le salarié bénéficiait d'une indemnité de
rupture de 8% (du montant total de sa rémunération brute due pour la durée du
contrat).
Concrètement, voici ce
que cela signifiait : 8% de la rémunération brute sur 24 mois, pour un salarié
payé au Smic d'aujourd'hui, cela représenterait 2.842 euros. Si le CPE était en
vigueur, un salarié smicard qui l'aurait signé et qui serait viré après 18 mois
dans l'entreprise toucherait donc ces 2.842 euros d'indemnités. Mais la rue
ayant fait reculer Dominique de Villepin, le CPE a été enterré.
Un
licenciement abusif coûte le même prix qu'une rupture de CPE
Qu'en est-il depuis le 24
septembre ? Eh bien l'employeur peut de nouveau prévoir de virer un salarié
sans raison puisque, grâce au plafonnement des indemnités prud'homales, il sait
désormais exactement quelle somme provisionner si le salarié se retourne contre
lui. Et en-dessous de deux ans
d'ancienneté, les conditions sont particulièrement favorables. Devinez par
exemple combien cela représenterait pour notre smicard viré au bout de 18 mois
? 2.960 euros. Maximum. Soit presque exactement ce que prévoyait l'indemnité du
CPE. Et encore, dans le nouveau système, faut-il que l'employé ait la ressource
d'attaquer son employeur devant les prud'hommes, que ceux-ci lui donnent
raison, et qu'ils lui accordent l'indemnité maximum ! Autant dire que tout le
monde ne sera pas concerné… Avec le CPE, au moins, la somme était assurée au
salarié, sans démarche judiciaire.
Alors, bien sûr, avant
d'aller éventuellement aux prud'hommes, le salarié d'aujourd'hui touchera une
indemnité légale de licenciement. C'est celle-là que le gouvernement a augmentée
de 25% (dans la limite des 10 premières années d'ancienneté) pour faire passer
la pilule de ses ordonnances. Elle se monte désormais à 25% de mois de salaire
par année d’ancienneté et se déclenche au bout de 8 mois d'ancienneté.
Concrètement, donc, notre smicard viré après 18 mois dans l'entreprise touchera
370 euros.
Mieux
que le CPE, qui ne donnait pas droit à cette indemnité de licenciement ? Même
pas, puisque celui-ci prévoyait en revanche une allocation forfaitaire de 490
euros par mois pendant deux mois. Soit 980 euros. Finalement, le salarié
d'aujourd'hui viré comme un malpropre touchera de facto moins que s'il avait
signé un CPE. Ce n'est que s'il se retourne vers les
prud'hommes qu'il pourra espérer toucher autant, dans le meilleur des cas.
Les
ordonnances Macron pire que le CPE Villepin : pas de malus
Vous l'aurez compris, le
calcul est surtout gagnant pour l'employeur. Car un dernier détail différencie
les deux systèmes. Quand Dominique de
Villepin a mis le CPE sur la table, son gouvernement a tout de même reconnu qu'il
s'agissait d'une précarisation du salarié en prévoyant que l'employeur qui
l'utiliserait verserait aussi 2% du salaire brut aux Assedic. Soit, pour un
smicard, 710 euros sur deux ans. Alors que dans le système actuel, le CDI reste
classique et n'impose pas ce versement supplémentaire. Les 370 euros
d'indemnité légale de licenciement versés à notre smicard coûtent donc deux
fois moins cher à l'employeur que les Assedic du CPE. Dans le même temps, il
aura provisionné une somme équivalente en vue du licenciement sauf que cette
fois, il n'est même pas sûr d'avoir à la payer si le salarié se décourage avant
d'aller aux prud'hommes.
Finalement,
l'argument qui avait mobilisé en 2006, à savoir que "le CPE équivaut à une
période d'essai de deux ans", vaut aujourd'hui pour les ordonnances
Travail. En pire, même, puisque cette fois le dispositif ne concerne pas
seulement les moins de 26 ans (comme c'était le cas du CPE) mais tous les
nouveaux CDI signés ! On en connaît qui seraient descendus
pour moins que ça dans la rue. Le CPE a en effet été la première mobilisation
de nombreux jeunes socialistes aujourd'hui trentenaires… Au nombre desquels
figurait, comme l'a rappelé un article du JDD début juillet, un certain
Stéphane Séjourné, qui organisait les assemblées générales anti-CPE à la fac de
Poitiers. C'est là qu'il a rencontré un certain Sacha Houlié, alors lycéen, qui
se vante encore aujourd'hui d'avoir été "à la pointe du mouvement contre
le CPE". Lequel était le colocataire du président de l'Unef Pierre Person,
qui a connu son premier engagement politique à 16 ans… dans les manifestations
contre le CPE. Dix ans plus tard, deux sont députés La République en marche,
Séjourné est conseiller d'Emmanuel Macron à l'Elysée, et tous s'apprêtent donc,
lors du vote de ratification des ordonnances à l'Assemblée, à donner valeur de
loi à un CPE pour tous.
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