Le racket : 20
milliards transmis à la justice américaine de la part des sociétés françaises.
Dans
le blog précédent, je rappelais les circonstances assez étonnantes- voire
révoltantes- dans lesquelles la branche énergie d’Alstom a été acquise par
General Electric sous pression de la justice et du gouvernement américains, privant la France
d’un atout industriel et stratégique de la plus grande importance, dans l’inconscience
totale de nos dirigeants, Macron, le premier. Une Commission parlementaire dont
le rapport est signé de Pierre Lellouche et Karine Berger s’est penché sur la stratégie
juridique américaine, en particulier sur l’extraterritorialité qui permet à la
justice américaine d’infliger des amendes gigantesques à n’importe qui a
effectué des transactions en dollars déplaisant au gouvernement des USA.
Ainsi,
20 milliards ont été extorqués par la justice américaine à des sociétés
françaises. Depuis 2009, les banques européennes ont versé environ 16 milliards
de dollars de pénalités diverses aux administrations américaines. (BNP
Paribas 8 974 Mill ; HSB 1 931 ; Commerzbank, 1 452, Crédit
agricole, 787 ; Standard Chartered, 667 ; ING, 619 ; Crédit suisse, 536
etc. L’ amende dont est menacé la Deutsche Bank met en périle le système
fnancier européen
Un imperium juridique :
fiscalité et contrats étrangers
L’
imperium juridique américain se décline dans trois domaines…
Premièrement,
la fiscalité. La lutte contre la fraude fiscale va permettre à l’administration
américaine d’utiliser le Trésor français comme une sorte d’annexe et d’avoir
instantanément toutes les informations sur les citoyens américains
non-résidents et notamment en France sans réciprocité. Les banques françaises
sont, en effet, obligées de donner tous les comptes de tous les résidents
américains au Trésor qui les transmet ensuite à l’administration américaine. En
revanche, si nous avons besoin d’une information sur un résident français, nous
devons faire une demande au cas par cas…
Le
troisième domaine d’action de ce rouleau compresseur concerne les embargos et
les sanctions. Il existe deux types de sanctions : d’une part, celles où il
existe un accord comme les sanctions contre la Russie. La France, l’Union
européenne, les Etats-Unis ont, en effet, décidé ensemble de punir la Russie
suite à l’annexion de la Crimée, d’autre
part, il y a des cas où nous ne partageons pas les mêmes sanctions comme par
exemple en ce qui concerne Cuba ou le Soudan. Ces sanctions ont donné lieu à
une punition extrêmement lourde pour la BNP, près de 10 milliards de dollars.
Cette punition portait sur des
financements de contrats avec des pays sous embargo américain mais pas sous
embargo français. Les Etats-Unis reprochaient à la BNP de violer la loi
américaine de façon systématique et ce même après avoir été prévenue. La
sanction a donc été d’autant plus lourde. Dans
le cas de l’Iran, nous avons une situation complexe où la communauté
internationale décide de lever les sanctions donc théoriquement le commerce
devrait reprendre avec ce pays. Néanmoins, ce pays reste soumis à de
nombreuses sanctions bilatérales que les Américains appellent sanctions
primaires. Ces dernières rendent, de facto, impossible à toutes personnes
américaines d’opérer des activités économiques mais également toutes opérations
économiques en dollars. Résultat concret, pour vendre quoi que ce soit, il faut
une autorisation expresse. Dans le cas
d’Airbus, il fallait que Boeing puisse vendre au préalable des avions.
Un
membre de la commission des Finances, qui est encore membre du conseil de
surveillance d’une entreprise liée à l’entreprise américaine Xerox, m’a montré
ce matin un courrier reçu le 30 septembre de Xerox et demandant à toute
personne avec laquelle cette dernière entretient des liens économiques et
financiers de ne pas faire d’affaires avec l’Iran. Ainsi, une entreprise américaine s’arroge le droit de demander à ses
partenaires français de ne pas faire d’affaires en Iran, sans quoi les liens
seront coupés. On nous a également fait état de lettres de menaces de
lobbyistes américains demandant à des entreprises françaises de ne pas se
rendre en Iran.
Des sanctions illégales
au regard du droit international
Le
professeur Régis Bismuth relève que, dans le cas des mesures restrictives
unilatérales des États-Unis et de leur prétention à pénaliser des banques
européennes sur la base de compensation d’opérations en dollars, « à l’inverse
de la convention OCDE en matière de corruption, le droit international
conventionnel n’offre aucun support sérieux à l’existence d’une règle
permissive permettant de justifier une extension de la compétence de l’État
émetteur de la devise ».
Il
observe a contrario que ces dispositifs de sanctions américains, au moins dans
leur prétention à bloquer tout ou l’essentiel des transactions en dollars avec
les pays et entités visées, contreviennent probablement à plusieurs engagements
américains pris dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et
des accords qui l’ont précédé, comme le GATT.
S’agissant
par ailleurs des sanctions secondaires prenant la forme d’une exclusion des
marchés publics américains pour les entreprises qui feraient des transactions
avec des pays ou entités sous sanctions, l’auteur relève de même leur
contrariété avec l’article VIII de l’Accord sur les marchés publics (AMP) de 1994,
selon lequel « une entité contractante limitera les conditions de participation
à un marché à celles qui sont indispensables pour s’assurer qu'un fournisseur a
les capacités juridiques et financières et les compétences commerciales et
techniques pour se charger du marché en question » (ce qui exclut des
restrictions d’accès autres, telles que celles prévues par les sanctions).
Remarque
de MmeValérie Rabault : Ma deuxième question concerne votre préconisation
de développer les échanges en euro. Je suis toujours fascinée de voir que l’on
vend les Airbus en dollars. Nous sommes bien pieds et poings liés au dollar
aujourd’hui. Il suffit qu’une transaction intègre un contrat de couverture pour
que le dollar intervienne. Comment se défaire de ce carcan ?
Le droit américain est
utilisé pour obtenir des marchés et éliminer des concurrents
Actuellement, nous assistons à une volonté
manifeste des États-Unis d’utiliser leur droit à des fins politiques, de
sécurité et d’influence, mais également à des fins commerciales : c’est une
volonté impérialiste. Le droit américain est utilisé pour obtenir des marchés
et éliminer des concurrents. Nous devons ne pas être naïfs et prendre
conscience de ce qui se passe. Les derniers gouvernements français n’ont pas
réagi, mais ils ne sont pas les seuls coupables : les entreprises françaises
qui étaient mises en cause dans des affaires de corruption aux États-Unis n’ont
rien dit au Gouvernement. En effet, les grands groupes sont dans les mains des
cabinets d’avocats américains, qui leur conseillent de ne surtout pas avertir
les autorités françaises, et de régler leurs procès discrètement, grâce au
mécanisme du plaider coupable ; ces cabinets facturent pour cela des honoraires
substantiels. Il est important de prendre en compte l’existence de tels
intérêts privés dans notre réflexion. Les États sont éliminés, sauf l’État
américain qui, dans la jungle transnationale, a su utiliser son droit de
manière extraterritoriale.
On
en arrive à des situations d’auto-accusation et à une violation totale et
directe de la souveraineté française. Il est scandaleux que des moniteurs
soient placés en France, enquêtent en France et transmettent des informations
aux États-Unis sans que cela passe par la justice française. Nous ne sommes pas
là dans une situation théorique. Il s’agit de mesures d’exécution et je
m’étonne qu’il n’y ait pas de magistrats pour réagir à la Chancellerie. Il faut
qu’il y ait une prise de conscience face à ce scandale : je suis persuadé
qu’elle va arriver, parce que le rapport de Karine Berger et de Pierre
Lellouche est très décapant sur de nombreux points.
Il
est également important de voir que si nos entreprises se voient infliger
d’importantes amendes en matière de corruption, il n’en est pas de même pour la
Chine ou l’Inde. Les pays qui ne sont pas membres de la convention OCDE ne sont
pas attaqués : il y a deux poids, deux mesures, et c’est l’Europe qui sert de «
champ de bataille ». :
Pour plus complet :
Commission des affaires étrangères et commission des finances en conclusion des
travaux d’une mission d’information constituée le 3 février 2016 sur
l'extraterritorialité de la législation américaine, Président :Pierre
Lellouche, Mme Karine Berger, interventions de Jacques Myard et Valérie Rabault entre autres…
Que
dire ? si le rapport analyse l’impérialisme juridico-économique américain
de manière décapante et intéressante, il est assez peu fourni du point de vue
des solutions. On se borne à espérer que les instances européennes trouveront
un moyen de réagir, de rétorsion… ce qu’elles n’ont eu ni la volonté ni l’énergie
de faire jusqu’à présent. Mme Valérie Rabault propose même d’adresser la
facture de la crise bancaire des subprimes aux banques européennes (« Je suis étonnée que depuis 2008, nous
n’ayons jamais adressé la « facture » aux États-Unis »). En effet…il n’y a
plus qu’à
Un
dernier mot : parmi ces députés de la vieille politique que raillent les
macroniens, il y avait des gens qui faisaient plutôt bien leur travail de
député, qui étaient au courant des réalités de la vraie vie et qui n’avalaient
pas comme ostie consacrée la vulgate libérale des zombies de LRM. Mea Culpa ;
j’ai peut être trop médit de certains d’entre eux. Ils manquent !
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