La
nouvelle formule : progrès thérapeutique, problèmes réels, communication
catastrophique
En mars, le laboratoire
Merck retirait du marché français la formule « ancienne » du
Levothirox , l’un des médicaments les plus prescrits, une hormone thyroïdienne
destinée à corriger les dysfonctionnements de la thyroïde ou son absence. Cette
formule était remplacée par une nouvelle formule plus stable :
l’adjonction d’ acide ascorbique en particulier permet de réduire la
tendance de la thyroxine à s’oxyder au cours du temps. Pour un médicament dont
l’équilibre entre le sous-dosage ( entrainant asthénie, frilosité, bradycardie,
prise de poids..) et surdosage (amaigrissement, sudation, tachycardie..) est
extrêmement délicat , il s’agissait d’une amélioration a priori
incontestable stabilisant et rendant plus précise la dose administrée.
Pourtant, depuis le
changement de formule de cette hormone thyroïdienne, pas moins de 9 000 cas
d’effets indésirables ont été signalés à mi-septembre, des effets indiscutables
et qui paraissent bien liés à une augmentation ou une diminution de la quantité
d‘hormones administrée, avec des
symptômes gênants, voire invalidants : fatigue, vertiges, troubles de la
concentration, douleurs, palpitations… Rappelons tout de même que près de trois
millions de Français, dont environ 85 % de femmes, sont traités par la
Thyroxine, et que la transition s’est bien passée pour la très grande majorité
des patients.
Reste que cela fait pourtant
d’effets indésirables et indiscutables. Les études de bioéquivalence réalisées
par Merck de bioéquivalence avant la
prescription sont extrêmement solides et documentées et, depuis leur
publication intégrale sur le site de l’Ansm (300 pages !), personne ne les
met en doute. Les nouveaux excipients sont extrêmement classiques et
connus, et ne peuvent ^yre à l’origine du problème. Alors, que
s‘est-il passé ?
Le
Monde du 20 septembre a consacré un article copieux et
fouillé à l’affaire. Une piste possible, pour certains cas, reste un effet
nocebo, dû à l’angoisse des patients devant un changement de formule qui leur a
été imposé sans information préalable,
une angoisse bien compréhensible tant le dosage de l’hormone est délicat
– l’introduction de génériques avait précédemment suscité de nombreux
problèmes en raison de différences même très faibles de biodisponibilité. A l’appui
de cette hypothèse, les précédents belges, où un changement analogue de formule
a été clairement annoncé, précédé d’une
campagne d’un an d’information et où le nombre d’effets indésirables rapportés
a été minime ; au contraire, en Nouvelle Zélande, où, comme en France, la
substitution a été brutale et non préparée, une flambée sans précédent de
déclarations d’effets indésirables a été observée, amplifiée par une couverture
médiatique erratique et la propagation de fausses rumeurs, entrainant une
anxiété accrue.
Eh bien une fois de plus,
le système de santé français – pas les laboratoires Merck !- ont choisi la
pire solution en informant a minima les patients, les plaçant devant le fait
accompli sans préparation, traitant- une fois de plus et de trop-, les patients
et leurs associations en mineurs. Et,
habituelle griotte sur le gâteau, les premiers rapports d’effets indésirables
ont été considéré avec condescendance, alors qu’il aurait fallu évidemment
prévenir les patients de consulter leur médecin et de refaire les dosages
habituels de suivi du traitement afin de comprendre ce qui se passait.
Revoir
les pratiques médicales sur les problèmes thyroïdiens : surdiagnostic,
surprescription, surablations..
Pour autant, personne ne
peut plus contester la réalité et l’ampleur des effets nocifs observés. Le
Monde propose une autre explication qui serait assez inquiétante. Les
prescriptions de thyroxine ont augmentés de manière massive dans tous les pays,
multipliées par 8 entre 1990 et 212 en France, et c’est parfois encore plus
ailleurs. Selon le Pr Young,, endocrinologue à Bicêtre, l’explosion des
traitements provient de la facilitation des dosages de TSH ( hormone
thyroîdienne) souvent demandés par des généralistes pour des symptômes très peu
spécifiques, comme perte de poids, de cheveux, fatigue..etc. Une valeur un peu
anormale ( d’autant qu’on ne sait pas très bien définir la normalité en ce
domaine comme en beaucoup d’autres) et en avant pour une prescription de
Thyroxine, d’autant qu’elle est considérée comme un médicament plutôt anodin et
peu cher. « Il y a eu une sorte de dérive progressive » conduisant à
des surdiagnostics et des surtraitements.
Alors contrairement aux
véritables malades, qui ont un besoin vital de leur traitement, et d’un
traitement précisément adapté et suivi périodiquement, un certain nombre de
patients prendraient de la thyroxine comme un médicament de confort, quand ils
se sentent fatigués. Peut-être utilisent-ils des boites anciennes, qu’ils ne
renouvellent que très épisodiquement, où la quantité de thyroxine réelle est
très diminuée ? Lorsqu’ils passent à la nouvelle formule, ils sont
nettement surdosés et les problèmes apparaissent.
Si c’est le cas, et
l’explosion des traitements pose sérieusement question, alors c’est une pratique du diagnostic TSH et de son
interprétation qu’il faut radicalement changer, et sans doute aussi, ne jamais
commencer un traitement d’hormone thyroïdienne sans avoir vu un spécialiste.
C’est encore plus vrai
dans le cas des cancers de la thyroïdes. Entre 1980 et 2012, le nombre des
cancers de la thyroïide est passé de 1300 à 8200, le nombre des décès, lui, a
diminué (de 500 à 400). Il existe un consensus pour considérer que l’essentiel de
l’augmentation de ces cancers est lié à l’extension du dépistage et « au surdiagnostic, c’est-à-dire au
diagnostic de cancers qui qui, s’ils n’avaient pas été découverts , n’auraient
provoqué ni symptômes , ni décès ».
(Martin Schlumberger, IGR). En
clair, poursuit Le Monde, des milliers de français subissent donc une
ablation totale de la thyroïde, puis une prescription à vie de Thyroxine pour rien ! Aux Usa, les pratiques
médicales ont évolué : non traitement des nodules de moins de 10 mm, ne pas
enlever toute la thyroïde pour les cancers à faible risque. Il serait urgent d’adapter
ces mesures en France
Et, en passant, non il n’y
a pas eu en France d’explosion de cancers de la thyroïde suite à Tchernobyl !
Pas
un problème pharmaceutique, mais médical. Actions judicaires mal fondées et
vautours
Le « scandale »
de la nouvelle formule de la levothyroxine ne met donc pas tant en cause l’industrie
pharmaceutique, ni même les décisions purement scientifiques de l’Agence du
Médicament, mais plutôt sa manière de traiter l’information et surtout l’ensemble
des pratiques médicales ( surdiagnostic lié au progrès du dépistage, surtraitement
par les médecins, et dans le cas des cancers, suropération par les chirurgiens).
C’est cela qui devrait maintenant mobiliser les autorités de santé et une
conférence de consensus associant experts et patients devraient être rapidement
mise en p^lace afin d’instaurer de bonnes pratiques scientifiquement fondées.
Ce n’est pas le
médicament et surtout pas sa nouvelle formule qui sont en cause – et celle-ci
constitue bien un progrès. Et pour ceux qui
par habitude mettent en cause les laboratoires pharmaceutiques et les
insultent, il faut rappeler ceci : Merck n’était nullement demandeur pour
la mise au point d’une nouvelle formule, c’est l’ANSM ( l’agence du médicament)
qui la leur a imposé et elle a représenté un coût important pour Merck. L’ANSM
a eu raison d’exiger cette évolution, mais l’a géré de manière catastrophique
en n’informant pas suffisamment les patients.
C’est dire que les
plaintes déposées contre Merck sont assez incompréhensibles, sans objet et
pourtant des perquisitions et une enquête préliminaire sont en cours. J’ai déjà
eu l’occasion de la constater dans ce blog, l’incompétence, l’arbitraire,
l’absurdité, parfois la mauvaise foi de la justice française en matière de
santé pose problème, ainsi que son refus de prendre en compte aux avis des
experts. Il y a là une politique pénale absurde, qui devient véritablement problématique
pour le progrès thérapeutique, et qui, au vrai, constitue une exploitation
assez immonde des douleurs des victimes et de leurs proches. Derrière la plupart de ces plaintes figure ,
en tant qu’avocate Mme Bertella Geoffroy, qui, en tant que magistrate, a déjà
envoyé dans une sinistre impasse les
pauvres victimes de l’amiante dans des procès au pénal et se porte très bien en
conseillère régionale EELV.
Il existe ainsi certains oiseaux noirs qu’on
qualifie de charognards et qui n’ont pas excellent réputation.
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