Vers la faillite d’EDF et des
fournisseurs traditionnels ?
Le
11 novembre 2017, EDF annonçait des prévisions de bénéfice moindre qu’attendu
et l’action perdait 10% en Bourse. Une forte baisse pour des résultats pourtant
pas si catastrophiques : une légère baisse de son objectif d’excédent brut
d’exploitation (Ebitda) pour 2018, compris entre 14,6 et 15,3 milliards d’euros
contre un objectif précédent de 15,2 milliards. Parmi les principales raisons,
EDF cite la « moindre disponibilité de certaines tranches nucléaires au début
de 2018, pendant le pic de consommation maximale. Et en effet, près d’un tiers
des 58 réacteurs du parc nucléaire français sont actuellement à l’arrêt,
notamment pour des vérifications sur des composants liés aux anomalies dans les
dossiers de fabrication de l’usine Areva au Creusot. Une grande partie de ces
réacteurs devraient redémarrer assez rapidement
Si c’est le cas, et compte-tenu du fait que l’Autorité de Sureté
Nucléaire semble finalement considérer que les anomalies sont peu graves, alors
le cours de devrait se redresser. Pour autant, l’évolution historique du cours
de bourse peut légitimement inquiéter et désoler petits porteurs et
salariés : 32 euros à l’introduction, en novembre 2005, un maximum
à plus de 80 euros en 2007 pour finalement 10 euros actuellement (avec la sortie du CAC
40 en 2015)
Et
la revue écologiste Reporterre de triompher : « EDF plonge en Bourse.
Normal : sa stratégie nucléariste est vouée à l’échec ». Alors, EDF est-il
en péril ?
Réponse
oui, mais pas principalement pour ces raisons. Et pas seulement EDF, mais la plupart
des producteurs traditionnels d’électricité, EDF restant probablement l’un des
moins mal lotis
Les absurdités de
la Nouvelle Organisation du Marché de l’électricité (NOME) une
concurrence parasitaire :
Extraits
de l’excellent livre M. Hervé
Machenaud : la France dans le Noir ( Les Belles Lettres) déjà mentionné
dans mon précédent billets :
« Ainsi
l’éditorial du Monde du 17 février 2016 titre DF, la fin du monopole et d’une époque.
On peut y lire : affaibli par la concurrence des autres fournisseurs, l’ex
monopole n’a plus la choix. S’il veut éviter de se déliter
progressivement…il lui faut se réformer
en profondeur.
Mais
de quelle réforme s’agit-il ? On ne le dit toujours pas. Qui sont ces
fameux fournisseurs dont la concurrence affaiblit EDF ? Aucun des autres
producteurs d’électricité , en tout cas (NB ils sont encore en plus mauvaise
position).
Ce
sont des gens qui ne produisent pas d’électricité, qui s’approvisionnent sur un
marché déprimé pour vendre aux clients traditionnels
des producteurs en faillite, en dessous des couts de production de ces derniers,
avec des marges significatives, une électricité que pour l’essentiel ils n’ont
pas produite.
Nous
sommes ainsi heureux d’apprendre qu’au moment où la plupart des grands
producteurs passent d’énormes provisions pour perte, le fournisseur d’électricité
et de gaz Direct Energie a vu son
bénéfice net s’envoler de 78.7% en 2015.
Ila fait mieux en 2016 et fera encore mieux en 2016 selon les analystes. Soyez rassurés, même siles prix de marché
remontaient significativement la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de
l’Electricité entendre la libéralisation du marché de l’électricité) donne à
ces « concurrents la possibilité de s’approvisionner auprès d’EDF qui est
tenu de leur vendre à un prix fixé par
le gouvernement, largement au-dessous du coût de production, une partie
significative (20%)de sa production , leur épargnant ainsi la pénible obligation
d’avoir à la produire eux-mêmes. »
La
mécanique (made in Bruxelles) infernale de la loi Nome (la libéralisation) est
implacable : Lorsque les coûts de production d’EDF sont supérieurs à ceux
d’un marché surcapacitaire, EDF n’a pas le droit de vendre à perte à ses
clients, mais doit produire à perte pour ses « compétiteurs » qui,
eux, feront des bénéfices, en revendant à un coût supérieur auquel EDF les
livre. Et lorsque les coûts de
production d’EDF sont inférieurs à ceux du marché, EDF est obligé de vendre une
partie de son électricité à ses compétiteurs.
Exemple,
toujours tiré de La France dans le Noir. « C’est ainsi qu’avec les premiers
froids de l’hiver 2016 et l’indisponibilité d’un certain nombre de centrales
nucléaires, les prix ont beaucoup monté en Europe , en particulier sous l(effet
des importations réalisées par EDF. . Les concurrents d’EDF se précipitent sur
son électricité nucléaire titre Le Figaro du premier décembre. Pourquoi se
gêneraient-ils ? Acheter 42 euros un MWh qu’ils vont revendre
(éventuellement à EDF) 70 euros n’est-il pas tentant ?... Un monde de
fous ! « Obliger EDF à vendre à ses concurrents à 42 euros le MWh
risque de peser sur sa rentabilité
déclare Paul Marty, analyste chez Moody’s.
En
effet !!!
En
plus de se voir ainsi entravée et pillée, EDF doit tout de même assurer la
sécurité de l’approvisionnement en électricité ; l’électricité n’étant pas
stockable, EDF doit entretenir un certain nombre de centrales qui ne
fonctionnent pas la plupart du temps, mais doivent être prêtes à démarrer à la
minute s’il y a pénurie d’électricité. Ce sont les mécanismes de capacité. C’est EDF qui, au nom du service public, à
un coût très élevé, garantissait la production de pointe. « Combien de
temps et au nom de quoi EDF devra-t-elle
continuer à le faire ? »
En
effet !
Le pseudo marché
de l’&électricité – les méfaits de la secte libérale
La
dérégulation imposée par la secte libérale a-t-elle profité aux
consommateurs ? Même pas ! Les prix ne cessent même pas d’augmenter
années après années. « Pis encore, c’est une jungle tarifaire à laquelle plus personne ne comprend rien,
sinon que les offres alléchantes sont
trop souvent des pièges à gogos truffées de clauses abusives et de pratiques
commerciales douteuses ». Il suffit de voir le nombre de réclamations
reçues par le médiateur de l’énergie, souvent de personnes âgées dupées par des
démarcheurs bien sympathiques, jouant parfois sur la confusion de noms proches
de ceux des opérateurs historiques, qui leur promettent monts et merveilles… et
après leur passage, les factures s’envolent !
C’est
donc une concurrence non pas normale, mais de nature parasitaire, qu’a mis en
place la folle politique européenne de
libéralisation de l’énergie et sa déclinaison française, la loi Nome. Et il n’y
avait rien là d’inattendu, il suffisait de savoir comment avait tourné
« la déréglementation de l’électricité en Californie en 1990 ; en
moins de dix an, elle a tourné à une catastrophe nécessitant la fin de
l’expérience, avec de nombreuses pannes, des prix en hausse et un parc de
production fortement dégradé. Pourquoi ? Les producteurs privés n’ont eu
aucun intérêt à des investissements lourds pour maintenir ou améliorer la
production et la distribution de l’électricité… puisqu’il leur suffisait de
vendre de plus en plus cher une électricité de moins en moins abondante !
Toutes
les caractéristiques, toutes, absolument toutes, du « marché » de l’électricité :
produit non stockable, besoin d’adaptation immédiate à la demande, lourds
investissements et grande intensité capitalistique, garantie d’approvisionnement,
garantie absolue de sécurité, égalité des clients et des territoires, besoin
essentiel de l’industrie et des particuliers pointent vers ceci : le
marché de l’électricité n’est pas un marché comme les autres, il ne peut pas, quant à son cœur de métier, être
libéralisé. Pour que cette réalité ne s’impose pas, pour qu’expériences après expériences,
les catastrophes n’enseignent rien, il faut vraiment que règne en certains
milieux une véritable mentalité de secte, celle de la secte libérale, bien
entretenue par certains intérêts particuliers
Oui, EDF risque son existence, et avec elle,
toute notion de service public dans ce bien essentiel qu’est l’électricité ;
et c’est la conséquence de l’action de la secte libérale au pouvoir à Bruxelles
et en France.
C’est
dans ce sens que va encore plus le très nocif winter package 2017 sur l’électricité
de la Commission Européenne (cf. blog précédent) avec l’une de ses mesures
phares : la suppression des tarifs administrés et l’obligation pour les
fournisseurs de proposer un « tarif dynamique » : lorsque vous
aurez vraiment besoin de chauffage, c’est là que le prix de l’électricité s’envolera et que vous la paierez cent ou mille fois
plus cher.
Hervé
Machenaud : la France dans le Noir « Le développement incontrôlé d’énergies
éoliennes et solaires massivement subventionnées, dans un marché déjà
surcapacitaire conduit les producteurs historiques à la faillite… » Au
fantasme du tout renouvelable s’ajoute, aussi pernicieux, celui du tout
marché »
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