Mais que pense donc M. Macron ?
A M. Macron,
je reconnais une intelligence hors du commun, et une capacité à faire des
erreurs une fois et une seule fois et à ne pas les reproduire. Alors il faudra qu’il
tire une leçon de l’échange qui l’a opposé à Marine Le Pen lors du débat des
cinq principaux candidats. Interrogé sur les questions de politique internationale, M. Macron, au
terme d'une longue intervention assez déconstruite, a été tacjé par Mme Le Pen: « Vous avez un talent fou, vous arrivez à parler sept minutes,
je suis incapable de résumer votre pensée, vous n'avez rien dit, c'est le vide
absolu, sidéral »,
Et, en effet, en écoutant ses discours, beaucoup de grandes envolées
assez creuses et aussi beaucoup de contradictions : une colonisation
qualifiée de crime contre l’humanité suivi d’un « je vous aime »
lancé à des pieds noirs révoltés ; un « il n’y a pas de culture
française, mais des cultures en France » suivi d’un article dans la Figaro
pour expliquer sa conception de la culture française dont
le fondement serait une « ouverture
sans pareil ». Un service militaire « parce que ce n'est pas le rôle
de l'école que de tenir un discours fort sur les valeurs de la République » ;
oui, mais un service militaire d’un mois (!) et la défense d’une école
républicaine (on en est heureux !)
Mais s’il semble y avoir
une constante dans le discours et la pratique de Macron, c’est une tonalité très jacobine, centralisatrice,
autoritaire et hostile aux pouvoirs intermédiaires et contre-pouvoirs. C’est
plutôt dangereux, surtout dans un domaine particulier, celui du dialogue
social.
Dialogue
social : la CFDT déboussolée par M. Macron : "Tout ne peut pas être
géré d’en haut par la loi »
Le
Monde rapporte ainsi comment ce syndicat très gentil
vis-à-vis de la contre-réforme sociale de la loi travail Macron Valls qu’est la
CFDT a été douchée à froid par l’audition du candidat Macron ( La CFDT craint pour le dialogue social, du
25/03/2017). A son secrétaire général Laurent Berger qui affirmait que « le syndicalisme est porteur de l’intérêt
général », « Que nenni, répond M. Macron. « L’intérêt général, a-t-il
expliqué le 16 mars, c’est le législateur. Quand on demande aux syndicats de le
porter, on les décale car ce n’est pas leur mission. On ne peut pas demander à
un syndicat de définir les frontières de la réforme. » Et m’auteur de l’article
du Monde, M. Noblecourt, poursuit :
« La République contractuelle » de M. Macron est aux antipodes de la
démocratie sociale. L’Etat décide, notamment sur la gestion des grands risques,
ce qui l’amène à nationaliser le régime paritaire d’assurance-chômage. Les
syndicats négocient dans les entreprises et dans les branches, mais la
négociation interprofessionnelle disparait.
Alors la CFDT, dans son
questionnaire adressé aux principaux candidats s’alarme des candidats qui « remettent
en cause le dialogue social » et rappelle que « la nécessaire
construction d’un contrat social nécessite du temps et des lieux de débat et de
concertation…Tout ne peut pas être géré d’en haut par la loi »
C’est en effet une
attaque sans précédent contre les syndicats et leur rôle que semble préparer
Emmanuel Macron. Jean-Claude Mailly, pour Force Ouvrière (FO) a dénoncé un « danger
d’abandon de la république sociale », république sociale qui, rappelons-le
figure dans la constitution de la République ; il semble que, comme
certains autres, M. Macron se soit donné comme rôle de « détricoter le
programme du Conseil National de la Résistance ».
F.O :
« la gestion par les partenaires sociaux ça fonctionne », « le libéralisme économique conduit à
l'autoritarisme social
Dans une remarquable
interview à la Tribune (La Tribune,
30/03/2017, Jean-Claude Mailly (FO) : "Macron est prêt à tout pour plaire
à l'Allemagne) ; M. Mailly défend le protocole d’accord interprofessionnel
conclut le 28 mars sur l’assurance chomage et s’inquiète des conceptions étatistes
de M. Macron : « Comme toujours dans ce genre de
négociation, il faut parvenir à un compromis. Je pense que nous sommes parvenus
à un équilibre, ce qui explique notre signature. Prenons les points les plus
délicats. Les seniors d'abord, je rappelle que le patronat voulait mettre la
barre très haut, en montant de 50 à 59 ans l'âge nécessaire pour percevoir un
maximum de 36 mois d'indemnités. C'était inacceptable. Au final, les seniors de
50 à 52 ans seront indemnisés 24 mois, mais six mois supplémentaires s'ils
suivent une formation. Ceux de 53 à et 54 ans auront droit à 30 mois, plus six
mois en cas de formation. Et à compter de 55 ans, les 36 mois sont maintenus. Sur
les contrats courts, nous avons obtenu le maintien de la surcotisation de 0,5%
sur les CDD d'usage durant dix-huit mois. Et avec l'augmentation de 0,05% de la
cotisation patronale d'assurance chômage, 270 millions d'euros vont entrer dans
les caisses de l'Unedic chaque année. Surtout, d'un point de vue plus
politique, nous avons montré que la gestion par les partenaires sociaux ça
fonctionne, alors que, certains veulent remettre en cause le paritarisme. »
Justement, que
pensez-vous du projet d'Emmanuel Macron de faire directement gérer l'assurance
chômage par l'Etat ?
Je suis en désaccord complet
avec Macron sur ce point. Il veut passer au-dessus de la démocratie sociale. En
vérité, Macron ne s'intéresse pas à l'assurance chômage, ce qui le préoccupe,
c'est la dette du régime. Macron a un calendrier calé sur les élections
allemandes. Il veut montrer à l'Allemagne que la France va mener des réformes
structurelles et budgétaires. La dette de l'Unedic étant prise en compte dans
le déficit public, tel qu'il a été défini par le traité de Maastricht, il va
sabrer dans l'assurance chômage pour que la France repasse sous la barre des 3%
de déficit. Il trouve donc que, actuellement, les partenaires sociaux ne font
pas assez d'efforts. Mais j'attends de voir. En tout cas, l'attitude de Macron
me conforte dans mon idée que le libéralisme économique conduit à
l'autoritarisme social.
Et alors ? Vous leur avez
indiqué quelles étaient, pour FO, les lignes jaunes à ne pas franchir ?
Exactement, tant sur la
méthode et le calendrier que sur le fond des dossiers. Il est insupportable que
certains, tel François Fillon, voire Emmanuel Macron, envisagent de recourir
aux ordonnances pour passer en force et vite sur les questions sociales.
CFE-CGC :
« le dialogue social ça marche, les
dirigeants politiques ne respectent pas le partenariat avec les partenaires
sociaux «
Ajoutons à cela les fortes
critiques de la CFE-CGC…contre le programme de M. Fillon, mais qui visent aussi
M Macron. M. Hommeril (CFE-CGC) a
souligné que 30.000 accords étaient signés chaque année en entreprise entre les
directions et les syndicats. "M. Fillon, allez réviser vos chiffres! Le
dialogue social ça marche en entreprise!". Dans son programme, M. Fillon
propose de "modifier les règles du dialogue social", notamment en
donnant "le dernier mot aux salariés grâce au référendum
d'entreprise"; en instituant la liberté de candidature au premier tour des
élections professionnelles; en relevant les seuils sociaux et, pour les
représentants du personnel, limiter le temps consacré à l'exercice des mandats
à 50% du temps de travail : « M. Hommeril rétorque : « Pour
développer l'activité syndicale, on ne peut pas se permettre d'être un amateur.
On doit avoir un souci de professionnalisme, sinon on est à côté de la plaque et
on n'est pas très utile » et il se montre très véhément quand il parle des
« dirigeants politiques qui ne respectent pas le partenariat avec les
partenaires sociaux ».
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