« Uberisation »
Uber et Heetch le cas des transports urbains
On ne s’y attend pas
forcément, mais c’est dans les Echos
(16 mars 2017) que l’on peut trouver les arguments les plus convaincants contre
l‘uberisation- ou, du moins, pour sa régulation. La tribune libre (Jean-Charles
Simon, Facta) rend compte de la condamnation de Heetch, très lourde financièrement et
interdisant pratiquement son activité en France pour trois chefs : complicité d’exercice illégal de la profession
de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d’un système
de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels ; et
il s’en réjouit.
Les arguments de M. Simon
sont les suivants : il s’agit d’une distorsion grave de concurrence dans
la mesure ou Heetch fournissait un service, qui, contrairement aux autres
intervenants du secteur, ne faisait l‘objet d’aucun prélèvement obligatoire :
impôt sur le revenu ou les sociétés, cotisations sociales, TVA. Tous les pays ont jugé important de fixer des
limites à l’exercice de la profession de taxi : véhicules répondant à des
normes, chauffeurs formés, assurés, sûrs, sans casiers judicaires. Les
autorités locales et nationales sont fondées à contrôler, par exemple par un
système de quota, le nombre de ces usagers à grande fréquence
des voies publiques, dont la multiplication anarchique aurait des conséquences
en matière de pollution et d’encombrement. Enfin, l’Etat a le droit et même le
devoir d’intervenir pour éviter la paupérisation de toute une profession. De
fait, Uber POP a déjà dû s’arrêter de fonctionner, de gré ou de force dans la
quasi-totalité des grandes villes où il fonctionnait ; et quant aux
promesses d’enrichissement, on sait ce qu’elles ont donné pour de faux vrais
salariés non déclarés, aux revenus de misère et contraint même, par leur
voiture, de participer au capital de la société qui les exploite.
Alors non, l’uberisation
tant vantée par certains candidats n’est certainement pas une solution aux problèmes
du chômage et du travail. Elle est plutôt synonyme de déprofessionalisation, de
déqualification et d’exploitation.
Les
changements du travail : le travail ne doit jamais manquer
Reste que les changements
du travail, l’impact des pressions libérales (peut-être parfois justifiées) à
la dérégulation, la concurrence accrue des travailleurs pour des emplois qui
semblent de plus en plus rares, les conséquences des technologies numériques et
robotiques imposent une réflexion en profondeur sur le travail et son avenir.
Et il est assez étrange que le seul candidat qui propose cette réflexion et qui
la porte dans le débat présidentiel, Benoît Hamon donc, soit en quasi–perdition
et ceci bien qu’il représente théoriquement et schématiquement, le parti des
salariés. C’est étonnant, et un peu désespérant.
Il y a cependant quelques explications
logiques. Même si Benoît Hamon s’y intéresse depuis longtemps, cette réflexion
sur le travail et son futur est apparue
soudainement à la veille de l’élection, sans avoir été débattue dans la
société, par les partis politiques, les
syndicats. Une des pistes proposées, le revenu
universel a été mal présentée, très contestée et ambigüe : s’agit-il d’un
nouvel espace de protection sociale, d’une nouvelle liberté réelle permettant de
remettre un peu d’égalité entre demandeurs et offreurs d’emploi, ou simplement
d’un minimum social amélioré. Faute de débats et d’explications préliminaires,
elle été ressentie comme utopique ou comme une renonciation : nous ne
pouvons créer des emplois, nous donnerons un salaire de survie. Faute de
préparation, son ambition a fondu comme neige au printemps, un printemps
meurtrier pour le candidat socialiste.
Et pourtant, l’avenir du travail
ne peut être laissé aux seuls libéraux , qui finiront par expliquer que, puisque
le travail est devenu une ressource rare, il faudra payer pour avoir un emploi…Le
travail n’est pas un marché, et une réflexion dont les partis politiques,
surtout ceux de sensibilité social démocrate, les syndicats, la société sera
nécessaire sur ce sujet…quel que soit le score de Benoît Hamon ; qu’il ne
se décourage pas de porter ce débat.
Le positiviste que je
suis ne peut que reprendre l’injonction d’Auguste Comte aux pouvoirs temporels
(politique et patriciat industriel) : « le travail ne doit jamais
manquer », des préconisations positivistes qui ont influencé le
républicanisme en France, avec notamment le préambule de la Constitution de
1946 : "Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi".
Reste à savoir, et, pour partie, à décider, ce que deviendront dans nos sociétés en mutation
le travail et l’emploi.
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