Artiste, entomologiste, exploratrice, naturaliste…
« Je me suis dans ma jeunesse employée à la recherche des insectes.
J'ai d'abord commencé avec les vers à soie dans ma ville natale de
Francfort-sur-le-Main. J'ai ensuite établi que, à partir des autres chenilles, se développaient beaucoup de beaux
papillons de nuit ou papillons de jour, comme à partir des vers à soie. Cela
m'entraîna à recueillir toutes les chenilles que je pouvais trouver pour
observer leur transformation. » Métamorphose des insectes du Suriname
Il y a
trois cents ans mourait Marie Sybille de Merian, l’une des grandes femmes
scientifiques de l’histoire à laquelle j’ai consacré un chapitre de mon
Histoire des Femmes scientifiques (Plon, 2008). Elle connut un destin émouvant.
Pendant trop longtemps, les femmes ont été exclues de la science, et la seule
voie qui leur était ouverte partait des milieux artisanaux. Son père fut l'un
des grands graveurs hollandais de la fin du XVIIème siècle, ses demi-frères,
Mathais Merian le Jeune et Caspar Merian, sont des peintres, graveurs et
imprimeurs respectés. Dans cette atmosphère familiale, Marie Meriam se spécialise
dans la gravure des fleurs, mêlant l’exactitude du naturaliste et l’expression
d’une artiste de grand talent. Mal mariée, elle divorce et se réfugie dans une communauté
religieuse.
En 1675,
elle publie un ouvrage magnifique, œuvre d’art en même temps qu’œuvre scientifique,
le Neues Blumenbuch. Mais elle se fera reconnaître comme scientifique et
naturalistes par deux audaces : - s’intéresser
aux insectes, des animaux mal connus,
mal catégorisés et méprisés – bien que la question de la production de la soie
ait alors été d’une importance économique primordiale ; - en partant
étudier la flore et la faune de la Guyane. En 1699, elle part pour son aventure
guyanaise, qu’elle finance par ma vente de ses dessins. Elle y restera deux
ans, travaillant d’arrache-pied et en ramène un ouvrage remarquables, Les
métamorphoses des insectes du Surinam qu’elle publie en 1705, ouvrage
remarquable esthétiquement et scientifiquement et qui décrit nombre d’espèces
nouvelles, ainsi que leurs vies et leurs transformations
« J'ai créé
la première classification pour tous les insectes à chrysalide, les chapelles
qui volent de jour et chouettes celles qui volent de nuit. La deuxième
classification est celle des asticots, vers, mouches et abeilles. J'ai conservé
les noms des plantes, puisqu'ils étaient gardés en Amérique par les habitants
et les Indiens. » Son travail a été reconnu par Linné et au moins trois espèces
portent son nom. Son livre est toujours réédité et apprécié par les
bibliophiles pour sa munificence.
Cette
dernière notation : « J'ai presque payé ces insectes de ma vie ». Marie Merian
attrapa en effet un paludisme grave en Guyane, qui la contraignit à un
rapatriement plus rapide qu‘elle ne l’eût souhaité »
Comment faire aimer l’euro ? avec Merian,
Pasteur, Newton, Descartes…
Donc, bon
anniversaire à Marie Merian. Mais c’est un autre aspect que je voudrais
apporter ici. Marie Merian illustrait le
billet de 500 DMarks. Evidemment, avec l’euro, elle a disparu !
Comment aimer l’euro avec cette décision stupide qui a été prise de figurer des
architectures froides et artificielles – et surtout pas des monuments réels ?
Comment se l’approprier ? Comment mieux montrer son caractère artificiel.
Ce n’est pas un hasard si toutes les monnaies se sont ornées de portraits ou de
symboles évoquant le pays dont elles sont issues.
Evidemment la
pitoyable tentative de rédaction d’une histoire européenne, enlisée dans les
récits nationaux auxquels chacun est légitimement attaché (comment faire quand
les Hongrois s’acharnent à considérer Attila comme un héros ?) a pu en
refroidir certains. L’appréciation du rôle dans l’histoire des héros ou des
grands hommes reste un art difficile qui n’a pu encore évoluer en science et
garde une subjectivité certaine. Mais enfin, il est un domaine où la connaissance
est positive, réelle, certaine, organisatrice, cumulative, où, et le progrès a
un sens indiscutable, et où nos nations européennes se sont particulièrement illustrées ;
c’est le domaine de la science !
Alors à
quand des billets en euros, avec Pythagore, Thalès, Cardan, Viète pour les
maths anciennes ; avec Kepler, Copernic, Newton, Laplace pour l’astronomie ;
avec Galilée, Newton (on peut bien le mettre deux fois), Descartes, Leibnitz
pour la physique mathématiques ; avec Lavoisier, Berthelot, Priestley,
Avogadro pour la chimie ; avec Nollet,Volta, Galvani, Ampère pour l’électricité ;
avec Pasteur, Flemming, Koch, Liebig pour la microbiologie ; avec Claude
Bernard, Ramon y Cajal, Buffon pour la biologie ; avec Einstein, Planck,
Heisenberg, Pauli pour la relativité et les quanta ; et encore beaucoup de
candidats pour la médecine, la chirurgie, l’optique ( Fresnel, Young, Huygens) ;
Fourier, Carnot, Watt Rumford pour la chaleur….
Voilà des
euros qui auraient de la gueule ! (et instructifs en plus !)
Pour ceux que ça intéresse :L’Histoire des
femmes scientifiques : résumé
Dans mon
jeune âge, écrit l'astronome américaine Maria Mitchell, je me disais que les
femmes ont besoin des sciences exactes... Puis je me suis dit que c'était la
science qui avait besoin des femmes. " Voici donc l'histoire désolante et
absurde de la longue exclusion des femmes de l'aventure scientifique et
technique de l'Occident. C'est une histoire parfois tragique - l'assassinat de
la physicienne grecque Hypatie, qui nous a transmis la dernière version des Eléments
d'Euclide, les procès des sorcières ayant engendré une société hémiplégique -,
et que nous payons peut-être à travers une certaine mise en cause actuelle des
valeurs de progrès. J'ai écrit ce livre pour que les trop rares femmes
scientifiques de l'Antiquité à nos jours ne soient pas oubliées, leurs œuvres
et leurs vies injustement méconnues, pour que ne soient pas niées les
difficultés, les entraves, les mesquineries, les injures et parfois les
persécutions qu'elles ont dû affronter ; pour que personne n'ose penser que le
progrès scientifique et technique s'est fait sans elles ; pour qu'elles
puissent servir d'exemples, d'inspiratrices ; pour qu'aucune femme qui en a les
capacités et la vocation ne se trouve écartée de d'activité scientifique.
Il semble
que l’ouvrage soit épuisé – peut-être Plon le rééditera-t-il ?
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