Des PSE au rabais
Vouloir procéder par ordonnances
dans le domaine complexe du social et du travail, en plein été, c’est prendre
bien des risques-surtout pour les salariés qui découvriront ensuite les
conséquences. En témoigne déjà des effets passés inaperçus de la première loi
travail, la loi El Khomry sur les plans sociaux dont les salariés de Tati
ressentent les effets.
L’avocat des salariés de Tati- qui
s’appelle Thomas Hollande- affirme ainsi que la « loi Macron d’août 2015,
a supprimé l’obligation pour les ¬groupes de financer les PSE [plan de
sauvegarde de l’emploi] de leurs filiales en redressement judiciaire » ce qui «
pousse des groupes à abandonner leurs filiales ». Ce dossier Tati – l’enseigne
de confection- concerne 1700 salariés. Or si Tati va mal, ce n’est pas le cas
du groupe auquel il appartient, Eram. Et en effet, la loi Macron a modifié les
règles de financement des plans de sauvegarde de l'emploi, qui devaient jusque
là être financés «au regard des moyens
du groupe». Cette obligation a été supprimée dans le cas où une filiale se
trouve en redressement judiciaire, comme c'est le cas dans le dossier Tati.
Cette modification risque de plus rapidement d’avoir des effets pervers
généraux. Au rebours de ce que peut
signifier un plan de sauvegarde de l’emploi de bonne foi, certains groupes
auront tout intérêt à dégrader la situation de filiales dont ils veulent se
débarrasser jusqu’au redressement judiciaire… de façon à ne pas avoir à
contribuer au financement au plan social. Ce n’est pas une vue de l’esprit,
puisqu’une personnalité aussi respectée que M. Pierre Bailly, Doyen honoraire de la Chambre sociale de la Cour de
Cassation a déclaré ( Le Monde, 20.05.2017) :
« La Loi Macron n’incite pas les autres sociétés du même groupe que
l’entreprise en difficulté à lui apporter leur concours, dans le cadre de
mesures visant à limiter les licenciements ou à en réduire le nombre…Il n’est
donc pas impossible que le texte puisse pousser certains groupes à faire le
choix d’attendre qu’une filiale soit en état de cessation de paiements plutôt
que de lui fournir leur appui pour le PSE.
Et en ce qui concerne Tati, la
revue sociale Lamy du 22 mai, référence incontestable, note bien que le plan
PSE Tati est, au regard de situations comparables « mini, mini,
mini » et l’explique également par la situation créée par la loi Macron.
Du danger des ordonnances parlementaires
Tant pis pour les salariés, ils
n’avaient qu’à lire les ordonnances.
Or pourtant, lors de la
discussion parlementaire, des députés de divers groupes (Fanélie Carrey -Conte
PS, Paris) ou Arnaud Richard (UDI, Yvelines) avaient soulignés le danger de
cette disposition qui « amoindrit la protection des salariés, facilite les
licenciements et donne des PSE moins favorables aux salariés et moins bien
financés » et avaient proposé des amendements supprimant cette
disposition. La procédure précipitée par ordonnance n’a permis aucune
discussion et aucun ùmendement ; mais il est vrai qu’à l’époque, ce
n’était apparemment pas la volonté de M. Macron de procéder ainsi. D’ailleurs
celui-ci déclarait le 25 novembre 2016 : « je ne crois oas une seule
seconde aux Cents Jours et à la réforme par ordonnances… »
Pourquoi at-il changé
d’avis ? Sous pression de la Commission Européenne ?
Il est à craindre que cette présidence ne soit pas très favorable aux
salariés…
Il serait tout de même bon de
réaliser qu’il n’y a pas un marché du travail, parce qu’il n’y a pas égalité de
force de négociations entre un chômeur et un employeur ; qu’il n’y pas de libre négociation du contrat
de travail dans une entreprise, justement parce que celui-ci est un contrat de
subordination et qu’il n’y pas d’égalité entre un employeur et son
employé ; et que la seule façon de remettre un peu d’équilibre, c’est l’action
des syndicats, non pas entreprise par entreprise, mais au niveau confédéral, au
niveau des branches, voire au niveau national, peut-être bientôt européen quand
l’Europe s’occupera d’autre chose que de libre concurrence et de libre marché.
Oui, certaines réglementations ou
lois sociales doivent être simplifiées- qui est encore capable de comprendre sa
fiche de paie ? Mais si cette réforme est importante, alors elle ne doit
pas être précipitée, et elle doit faire l’objet d’une large discussion dans la
société. Sans cela, avec les ordonnances parlementaires, ce sont toujours les
mêmes qui se font entendre- et ce ne sont pas les salariés.
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