C’est un refrain de ce blog que rien de sensé ne peut être fait dans la domaine de la politique énergétique sans une bonne notion des réalités physiques sous-jacentes, et que la physique, c’est d’abord la science des ordres de grandeur. Et que nul (et surtout pas Elisabeth Borne) ne peut s’exprimer valablement sur la transition énergétique sans une bonne appréhension de ces ordres de grandeur.
Greg
De Temmerman introduit ainsi deux notions essentielles, le TRE (Taux de Retour en Energie) ou EROI (Energy Return on Investment) et la Densité d’Energie (énergie surfacique, Power Density)
Extraits 1) : urgence du problème du défi climatique et de l’épuisement des énergies fossiles.
« En un peu plus de 150 ans, l’humanité a brûlé de telles quantités de combustibles fossiles (environ 1500 milliards de barils de pétrole, auquel il faut ajouter le charbon et le gaz) qu’elle se retrouve face à un système climatique qui s’emballe. Alors qu’un réchauffement global de 1 degré est déjà effectif en 2019, les pays signataires de l’accord de Paris se sont engagés à limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés d’ici la fin du siècle. Pour se faire, il ne faudra rien de moins qu’une révolution dans notre infrastructure énergétique qui est basée pour 80% sur les combustibles fossiles. Ceci implique d’ici 2050 de diminuer les émissions de CO2 d’un facteur 4 au moins. Outre le fait qu’une transition énergétique de cette ampleur risque de prendre beaucoup plus de temps que ce qui est souvent annoncé, la question de savoir comment remplacer notre dépendance aux combustibles fossiles est également un sujet portant à controverse…Plus généralement, la transition énergétique pose la question de l’abondance énergétique, sur laquelle l’économie moderne est fondée, de l’emprise de notre infrastructure sur notre environnement et de la possibilité matérielle de décarboner massivement….La question des ressources est un point clé lorsqu’on parle d’énergie avec notamment la notion de pic de production, qui pour le pétrole conventionnel a été atteint en 2008
« Cependant,
s’il est certain qu’il reste d’énormes ressources dans le sous-sol terrestre,
celles-ci ne sont intéressantes d’un point de vue énergie que si leur
extraction ne demande pas plus d’énergie que les sources extraites en
produisent. C’est pour évaluer cela que le concept de Taux de Retour Énergétique
(TRE, EROI en anglais) fut proposé par Hall et Cleveland en 1981. Le TRE est le rapport entre l’énergie
effectivement apportée à la société et l’énergie investie pour récupérer cette
énergie. Le TRE définit le surplus d’énergie apporté par une activité
d’extraction ou de production. Tout moyen de production d’énergie nécessite
d’abord d’utiliser de l’énergie. On peut penser à l’extraction de pétrole qui
nécessite des pipelines, des machines, des routes etc. Un TRE de 1,1 permet
d’extraire un baril de pétrole et… c’est tout. Un TRE de 3 est nécessaire pour
pouvoir le transporter, le raffiner et l’utiliser pour un moyen de transport.
Plus le TRE est élevé et plus il sera possible de développer et maintenir une
société complexe avec des infrastructures, un système médical, des activités
culturelles et artistiques..
Or
le TRE pour les énergies fossiles est en
décroissance constante. Au début du 20ème siècle, le TRE des puits de pétrole
américains était d'environ 100. Il est d’environ 10 aujourd’hui. Au niveau
mondial il est aujourd’hui estimé entre 10 et 20. Cette baisse est assez facile
à comprendre. On commence à extraire les ressources les plus faciles en premier
!...
Qu’en est-il du TRE des alternatives
potentielles aux énergies fossiles ? Les calculs de TRE sont loin d’être
faciles, en partie car trouver des données fiables est en soi difficile et car
les hypothèses prises par différents auteurs peuvent largement différer. Les
valeurs trouvées dans la littérature peuvent donc varier assez largement.
Weissbach et ses collègues ont étudié de façon systématique les TRE de
différentes méthodes de production d’électricité : 75 pour le nucléaire (réacteur à eau pressurisée), 30 pour le charbon, 4 à 16 pour l’éolien et 1,6 - 4 pour le photovoltaïque (PV).
Pour ces 2 derniers, le chiffre le plus bas prend en compte le besoin de stockage associé à des sources
intermittentes. On voit donc aisément que, nucléaire mis à part, les «
nouvelles » EnRi ont des TRE relativement bas… On estime qu’un TRE de 7-12 est nécessaire pour soutenir notre société
complexe qui est également peu rationnelle dans son utilisation de
l’énergie.
On
parle souvent de densité énergétique pour quantifier la quantité d’énergie dans
une unité de masse ou de volume d’une ressource donnée : un charbon de bonne
qualité a une densité de 24MJ/kg (mégajoule par kilogramme) quand un pétrole
raffiné sera plus proche des 40MJ/kg. Si ces valeurs sont pratiques pour
comparer des sources d’énergie différentes ou pour donner des ordres de
grandeur, il est difficile de les mettre en relation avec les besoins en termes
de consommation…
Vaclav
Smil a proposé en 1991, et ensuite dédié un ouvrage entier au sujet, le concept
de densité de puissance : la puissance
produite (ou consommée) divisée par la surface requise pour l’infrastructure de
production (ou consommation). L’estimation de ce paramètre requiert de
prendre en compte tous les facteurs associés à l’extraction d’une ressource
comme la taille de la mine, des installations sur le site, des accès etc, et
n’est donc pas trivial. Si on regarde les densités de puissance pour les
méthodes de génération d’électricité on trouve de l’ordre de 200-2000W/m² pour les centrales à gaz ou nucléaires ; de 1 à 10 W/m²
pour le PV et autour de 1W/m² pour l’éolien !
A
titre de comparaison, côté consommation, la ville de Paris présente en 2009 une
densité de puissance d’environ 45W/m², qui correspond à la consommation énergétique
divisée par la superficie de la ville. Celle de l’ensemble de la région
Ile-de-France est d’environ 1W/m², et pour l’agglomération lyonnaise , on
trouve une valeur de 7W/m². Le rapport entre les densités de puissance de
consommation et de production donne une idée de la surface nécessaire pour
fournir l’énergie requise. En d’autres
termes, pour subvenir aux besoins de Paris avec des panneaux solaires, il faut
couvrir une surface entre 4,5 et 45 fois plus grande que celle de la ville
elle-même ! Pour l’agglomération
lyonnaise, une surface 7 fois plus grande que celle de la région doit être
recouverte d’éoliennes pour fournir suffisamment d’énergie ! … On
s’aperçoit immédiatement du défi de scénarios 100% EnRi : les surfaces occupées
par les infrastructures de production peuvent être aussi grandes (voir beaucoup
plus !) que les surfaces à alimenter ! »
Commentaire : Et voilà comment avec de la
bonne physique, on peut prendre de bonne décisions (dédié à Elizabeth Borne et
son scenario 100% ENR qu’elle a exigé du PDG d’EDF ! )
Bon alors, on les construit,
ces EPR ! Vite !
L'énergie
nucléaire a une densité d'énergie jusqu'à 4000 W/m2, ce qui est jusqu'à
plusieurs milliers de fois plus grande que l'énergie renouvelable (du même
coup, l'énergie nucléaire occupera plusieurs milliers de fois moins de
superficie)! D'un point de vue physique fondamental, l'énergie nucléaire a un
avantage incroyable !
Et pour
rappel d’autres information fondamentales déjà présentes sur ce blog :
Coûts comparés
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/11/pourquoi-lepr-est-tres-rentable-pour.html)Nucléaire historique :33-40€/MWh
Photovoltaïque : 62-99€/MWh
Eolien : 60-65€/MWh
Eolien marin : 200-220/MWh
EPR:+110€/MWh
Auquel il faut ajouter les subventions publiques : Eh oui, les producteurs « alternatifs » les oublient souvent !
Nucléaire : 25€/MWh
Eolien: 476 €/MWh
Photovoltaïque :+500 €/MWh
Sur la pertinence du LCOE (Levelized Cost of Energy) :
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/11/nucleaire-parlons-finances-2-la-grande.html
Les coûts lisses de l'électricité, Stefan Ambec et Claude Crampes, Toulouse School of Economics.
(https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-couts-lisses-de-l-electricite-774441.html)
« Les défenseurs du recours aux énergies renouvelables pour produire
de l'électricité avancent comme argument leur coût de production du MWh. Mais
c'est oublier que l'unité vraiment pertinente n'est pas le MWh produit, mais le
MWh livré en un lieu donné à une date donnée…
Sur la décarbonation :
Le nucléaire est l’énergie la plus décarbonée. (émission
de CO2 : 5,3 à 6 g par kWh pour le nucléaire, 10 g pour
l'éolien, 32 g pour le solaire, charbon : 1050
g, fioul : 778 g, gaz : 443 g, chiffres Ademe)
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