Important, magistral !: Tout par l’Etat : Pas de corps
organisés qui ferait concurrence à l’Etat. Les prêtres comme fonctionnaires de la morale. Tout pour l’Etat : la
confiscation du patrimoine religieux et sa dissipation. Nous ferons une
nouvelle religion : confusion des pouvoirs temporels et spirituels
NB Pour tous les positivistes, la séparation
des pouvoirs temporels et spirituels est un progrès essentiel résultant de l’évolution
historique de Humanité et la véritable garantie de la liberté. Auguste Comte :
« l’asservissement général
du pouvoir spirituel au pouvoir temporel, principale cause de la plupart des
aberrations, pousse spontanément à remplacer la persuasion par la violence »
(Cours de Philosophie Positive)
Pas de corps organisés qui ferait
concurrence à l’Etat
C’est pourquoi, si l’on veut que les
hommes restent égaux et deviennent citoyens, il faut leur ôter tout centre de
ralliement qui ferait concurrence à l’État, et donnerait aux
uns quelque avantage sur les autres. – En conséquence, on a tranché toutes les
attaches naturelles ou acquises par lesquelles la géographie, le climat,
l’histoire, la profession, le métier, les unissaient. On a supprimé les
anciennes provinces, les anciens états provinciaux, les anciennes
administrations municipales, les parlements, les jurandes et les maîtrises. On
a dispersé les groupes les plus spontanés, ceux que forme la communauté d’état,
et l’on a pourvu par les interdictions les plus expresses, les plus étendues et
les plus précises, à ce que jamais, sous aucun prétexte, ils ne puissent se
refaire . On a découpé la France
géométriquement comme un damier, et, dans ces cadres improvisés qui seront
longtemps factices, on n’a laissé subsister que des individus isolés et
juxtaposés. Ce n’est pas pour épargner
les corps organisés où la cohésion est étroite, et notamment le clergé.
« Des sociétés
particulières, dit Mirabeau , placées
dans la société générale, rompent l’unité de ses principes et l’équilibre de
ses forces. Les grands corps politiques sont dangereux dans un État par la force
qui résulte de leur coalition, par la résistance qui naît de leurs intérêts. »
– Et celui-ci, de plus, est mauvais par essence ; car « son régime est continuellement en
opposition avec les droits de l’homme ». Un institut où l’on fait vœu
d’obéissance est « incompatible » avec la Constitution. « Soumises à des chefs indépendants », les congrégations « sont hors de
la société, contraires à l’esprit public ». – Quant au droit de la société
sur elles et sur l’Eglise, il n’est pas douteux. « Les corps n’existent que par
la société ; en les détruisant, elle ne fait que retirer la vie qu’elle leur a
prêtée ». – « Ils ne sont que des instruments fabriqués par la loi . Que fait
l’ouvrier quand son instrument ne lui convient plus ? Il le brise ou le
modifie. » – Ce premier sophisme admis, la conclusion est claire. Puisque les corps sont abolis, ils
n’existent plus. Puisqu’ils n’existent plus, ils ne peuvent être encore
propriétaires. « Vous avez voulu détruire les ordres, parce que leur
destruction était nécessaire au salut de l’État. Si le clergé conserve ses
biens, l’ordre du clergé n’est pas détruit…
l’État, véritable colosse, seul debout.
Les prêtres comme fonctionnaires de morale…
En aucun cas, les
ecclésiastiques ne doivent posséder. « S’ils sont propriétaires, ils peuvent
être indépendants ; s’ils sont indépendants, ils attacheront cette indépendance
à l’exercice de leurs fonctions. » À
tout prix, il faut qu’ils soient dans la main de l’État, simples fonctionnaires,
nourris de ses subsides. Il serait trop dangereux pour une nation « d’admettre
dans son sein, comme propriétaire, un grand corps à qui tant de sources de
crédit donnent déjà tant de puissance. La
religion appartenant à tous, il faut, par cela seul, que ses ministres soient à
la solde de la nation. » Ils ne sont que « des officiers de morale et
d’instruction », des « salariés », comme les professeurs et les juges.
Ramenons-les à cette condition qui est la seule conforme aux droits de l’homme
et prononçons que le « clergé, ainsi que tous les corps et établissements de
mainmorte, sont dès à présent et seront perpétuellement incapables d’avoir la
propriété d’aucuns biens-fonds ou autres immeubles ». – De tous ces biens vacants, qui est
maintenant l’héritier légitime ? Par un second sophisme, l’État, juge et
partie, les attribue à l’État. « Les fondateurs ont donné à l’Eglise,
c’est-à-dire à la nation . » – « Puisque
la nation a permis que le clergé possédât, elle peut revendiquer ce qu’il ne
possède que par son autorisation. » – « Il doit être de principe que toute
nation est seule et véritable propriétaire des biens de son clergé. » — Notez
que le principe, tel qu’il est posé, entraîne la destruction de tous les corps
ecclésiastiques et laïques avec la confiscation de tous leurs biens, et vous
verrez apparaître à l’horizon le décret final et complet par lequel l’Assemblée législative, «
considérant qu’un État vraiment libre ne
doit souffrir dans son sein aucune corporation, pas même celles qui, vouées à
l’enseignement public, ont bien mérité de la patrie », pas même celles « qui
sont vouées uniquement au service des hôpitaux et au soulagement des malades
», supprime toutes les congrégations, confréries, associations d’hommes ou de
femmes, laïques ou ecclésiastiques, toutes les fondations de piété, de charité,
d’éducation, de conversion, séminaires, collèges, missions, Sorbonne, Navarre.
Ajoutez-y le dernier coup de balai : sous la Législative, le partage de tous
les biens communaux, excepté les bois ; sous la Convention, l’abolition de
toutes les sociétés littéraires, de toutes les académies scientifiques ou
littéraires, la confiscation de tous les biens, bibliothèques, muséums, jardins
botaniques, la confiscation de tous les biens communaux non encore partagés, la
confiscation de tous les biens des hôpitaux et autres établissements de
bienfaisance . — Proclamé par
l’Assemblée constituante, le principe abstrait a révélé par degrés sa vertu
exterminatrice. Grâce à lui, il n’y a
plus en France que des individus dispersés, impuissants, éphémères : en face
d’eux, le corps unique et permanent qui a dévoré tous les autres, l’État,
véritable colosse, seul debout au milieu de tous ces nains chétifs…
Les spolations_ Nous pourrions changer la
religion
« Au mois de mai
1789, dit Necker, le rétablissement de l’ordre dans les finances n’était qu’un
jeu d’enfant. » Au bout d’un an, à force
de s’obérer, d’exagérer ses dépenses, d’abolir ou d’abandonner ses recettes,
l’État ne vit plus que du papier qu’il émet, mange son capital nouveau, et
marche à grands pas vers la banqueroute. Jamais succession si large n’a été si
vite réduite à rien et à moins que rien.
En attendant, dès
les premiers mois, on peut constater l’usage que les administrateurs sauront en
faire et la façon dont ils vont doter le service auquel elle les astreint. – De tout le bien confisqué, aucune portion
n’est réservée à l’entretien du culte, aux hôpitaux, aux asiles, aux écoles.
Non seulement tous les contrats et tous les immeubles productifs tombent dans
le grand creuset national pour s’y convertir en assignats, mais nombre de
bâtiments spéciaux, tout le mobilier monastique, une portion du mobilier
ecclésiastique, détournés de leur emploi naturel, viennent s’engloutir dans le
même gouffre : à Besançon , trois églises
sur huit, avec leurs biens-fonds et leur trésor, le trésor du chapitre, le
trésor de toutes les églises conventuelles, vases sacrés, châsses, croix,
reliquaires, ex-voto, ivoires, statues, tableaux, tapisseries, habits et
ornements sacerdotaux, argenterie, orfèvrerie, meubles antiques et précieux,
bibliothèques, grilles, cloches, chefs-d’œuvre d’art et de piété, tout cela brisé et fondu à la Monnaie, ou
vendu à l’encan et à vil prix ; c’est ainsi qu’on exécute les intentions
des fondateurs et donateurs…
Visiblement, tous les
établissements de bienfaisance et d’éducation dépérissent, depuis que les
sources distinctes qui les alimentaient viennent se confondre et se perdre dans
le lit desséché du trésor public . – Déjà en 1790, l’argent manque pour payer
aux religieux et aux religieuses leur petite pension alimentaire. Dans la
Franche-Comté, les capucins de Baume n’ont pas de pain et sont obligés, pour
vivre, de revendre, avec la permission du district, une partie des
approvisionnements séquestrés de leur maison. Les Ursulines d’Ornans subsistent
d’aumônes que des particuliers leur font pour conserver à la ville son seul
établissement d’éducation. Les Bernardines de Pontarlier sont réduites à la
dernière misère : « Nous sommes persuadés, écrit le district, qu’elles n’ont
rien à mettre sous la dent ; il faut que nous-mêmes boursillions au jour le
jour pour les empêcher de mourir de faim
. » – Trop heureuses, quand l’administration locale leur donne à manger
ou tolère qu’on leur en donne ! En maint endroit, elle travaille à les affamer
ou se plaît à les vexer. Au mois de mars 1791, malgré les instances du
district, le département du Doubs réduit la pension des Visitandines à 101
livres pour les choristes et à 50 pour les converses. Deux mois auparavant, la municipalité
de Besançon, interprétant à sa fantaisie le décret qui permet aux religieuses
de s’habiller comme elles veulent, enjoint à toutes et même aux hospitalières
de quitter leur ancien costume, que beaucoup d’entre elles n’ont pas le moyen
de remplacer. – Impuissance, indifférence ou malveillance, voilà les
dispositions qu’elles rencontrent dans les nouveaux pouvoirs chargés de les
nourrir et de les défendre. Pour
déchaîner la persécution, il suffit maintenant d’un décret qui mette en conflit
l’autorité civile et la conscience religieuse. Le décret est rendu, et, le 12
juillet 1790, l’Assemblée établit la constitution civile du clergé.
C’est que, malgré la confiscation des biens et la dispersion des
communautés, le principal corps ecclésiastique subsiste intact : soixante-dix
mille prêtres, enrégimentés sous les évêques, autour du pape leur général en
chef. Il n’en est pas de plus solide, de plus antipathique et de plus attaqué.
Car il a contre lui des rancunes invétérées et des opinions faites, le gallicanisme
des légistes qui, depuis saint Louis, sont les adversaires du pouvoir
ecclésiastique, la doctrine des jansénistes qui, depuis Louis XIII, veulent
ramener l’Eglise à sa forme primitive, la théorie des philosophes qui, depuis
soixante ans, considèrent le christianisme comme une erreur et le catholicisme
comme un fléau. À tout le moins, dans le catholicisme, l’institution cléricale est condamnée, et l’on se croit modéré si l’on
respecte le reste : « Nous pourrions changer la religion », disent des députés
à la tribune .
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